« Mouvement, enracinement, fixité »
La Rochelle, 27-30 mai 2015
Organisation scientifique :
Guillaume Marche (Université Paris-Est Créteil) et Sophie Vallas (Aix-Marseille Université)
Les propositions de communication doivent être envoyées aux responsables d’atelier. Date limite d’envoi : 15 janvier 2015.
Titres des ateliers:
Cliquer sur un titre pour aller directement aux détails de l’atelier.
ATELIER 1: Mouvement, enracinement, fixité : Séries (im)mobiles
Donna Andreolle (Université du Havre) et Shannon Wells-Lassagne (Université de Bretagne-Sud)
ATELIER 2: Images et portraits en mouvement : quand le biopic dépeint l’Amérique
Delphine Letort (Université du Maine) et Taina Tuhkunen (Université d’Angers)
ATELIER 3: L’immobilité culturelle
Klaus Benesch (LMU München) et Virginia Ricard (Université Bordeaux Montaigne)
ATELIER 4: Colonisation, émigration, mouvement back-to-Africa : les flux migratoires, leur mise en récit, et la diffusion de l’expérience diasporique africaine-américaine
Lawrence Aje (Université Paul-Valéry) et Claire Bourhis-Mariotti (Université Paris 8)
ATELIER 5: Entreprises et entrepreneurs américains à l’étranger : migration, immigration et appropriation
Agnès Delahaye (Université Lyon 2 Lumière) et Eve Bantman (Université Toulouse Jean Jaurès)
ATELIER 6: Culture(s) populaire(s) et pratiques culturelles
Danièle André et Elodie Chazalon (Université de La Rochelle)
ATELIER 7: Le retour
Sandrine Baudry (Université de Strasbourg) et Céline Planchou (Université Paris 13)
ATELIER 8: (Idior)rythmes des communautés poétiques contemporaines
Vincent Broqua et Gwen Le Cor (Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis)
ATELIER 9: Mouvements de retour dans les fictions de l’Amérique
Claire Fabre (Université Paris-Est Créteil) et Bénédicte Chorier-Fryd (Université de Poitiers)
ATELIER 10: Livres, bibliothèques et collections — translations transatlantiques
Susan Finding et Geoffrey Pitcher (Université de Poitiers)
ATELIER 11: Roots & Routes: la rue américaine comme espace de mobilité et d’enracinement
Aurélie Godet (Université Paris Diderot) et Laurence Gervais (Université Paris Ouest Nanterre)
ATELIER 12: Entre inertie institutionnelle et changement(s) politique(s) : vers une nouvelle dynamique des pouvoirs aux États-Unis ?
Hamed Jendoubi (Université Paris Sorbonne) et Elisabeth Fauquert (IEP Lyon)
ATELIER 13: Inscrire la locomotion à l’écran
Anne-Marie Paquet-Deyris (Université Paris Ouest Nanterre) et Gilles Menegaldo (Université de Poitiers)
ATELIER 14: Du religieux aux États-Unis : « le transitoire et le permanent »
Nathalie Caron (Université Paris Sorbonne) et Sabine Remanofsky (ENS Lyon)
ATELIER 15: Entre mouvement et enracinement : figures de l’écriture de soi en Amérique du Nord
Ada Savin (Université Versaille-St-Quentin) et Laure de Nervaux-Gavoty (Université Paris-Est Créteil)
ATELIER 16: Go West, Young Woman : l’Ouest et ses récits de femmes
Claire Conilleau (Université de Cergy) et Amy D. Wells (Université de Caen)
ATELIER 17: Hic et nunc, la poésie anglo-américaine en modernité ?
Christophe Lamiot Enos (Université de Rouen)
ATELIER 18: Mobilité dans l’Amérique coloniale : migrations, mobilité sociale et économique
Elodie Peyrol-Kleiber (Université de Poitiers) et Anne-Claire Faucquez (Université Panthéon-Assas)
ATELIER 19: Unis dans l’inertie ? Les usages de l’histoire dans les réformes américaines
Elisa Chelle (IEP de Grenoble) et Alix Meyer (Université de Bourgogne)
ATELIER 20: Ces concepts qui voyagent
Mathieu Duplay (Université Paris Diderot) et Jagna Oltarzewska (Université Paris Sorbonne)
ATELIER 21: Vagabonds et vagabondage de la littérature américaine
Alice Béja (Revue Esprit) et Pierre-Antoine Pellerin (Université J. Moulin Lyon-3)
ATELIER 22: Occuper l’espace : Territoires, mouvements et contestations politiques
Claire Delahaye (Université Paris Est-Marne-la-Vallée) et Hélène Quanquin (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3)
ATELIER 23: Mouvement, enracinement et fixité dans les musiques populaires américaines : Roots & Routes
Elsa Grassy (Université de Strasbourg) & David Diallo (Université de Bordeaux)
ATELIER 24: Visualiser la mémoire : photographie, images en mouvement et positionalité des minorités raciales
Sarah Fila-Bakabadio (Université de Cergy)
Contenu des ateliers:
Pour les détails, voir ci-dessous ou cliquer sur le fichier Pdf suivant: afea_2015-ateliers-2.pdf
ATELIER 1 –
Mouvement, enracinement, fixité : Séries (im)mobiles
Donna Andreolle, (Université du Havre) et Shannon Wells-Lassagne, (Université de Bretagne-Sud)
Tout le monde s’accorde pour dire que la télévision est actuellement en mouvement. La différence entre cinéma et télévision s’estompe ; la télévision s’approprie les sujets, les acteurs, les équipes et même les budgets qui étaient autrefois alloués au cinéma. Le terme « télévisées » devient métaphorique et ne décrit plus une réalité physique (puisque les consommateurs ont « coupé le cordon » en regardant les fictions en ligne). Les 24 épisodes par saison se transforment en 10-13 épisodes ; les mini-séries et les anthologies se développent. Cependant, dans cette période de changement rapide, la tradition reste présente : Bryan Fuller, le créateur d’Hannibal (NBC, 2013-) a parlé ouvertement des problèmes qu’il a rencontré en contournant le système traditionnel des pilotes ; la télévision a aussi peut-être repris en grande partie les traditions du cinéma au lieu de créer les siennes ; l’innovation en matière de sujets s’accompagne parallèlement d’une multitude de remakes comme Smallville (WB, 2001-2006, CW, 2006-2011) et Arrow (CW, 2012-) inspirés du monde des comics, ou Beauty and the Beast (CW, 2012-) et Once Upon a Time (ABC, 2011-) qui proposent des variations autant sur les contes de fées que sur des dessins animés de Disney et des séries télévisées passées. On trouve aussi de nouvelles versions de séries judiciaires, policières ou médicales, des adaptations littéraires comme Vampire Diaries (CW, 2009-), Game of Thrones (HBO, 2011-), Longmire (A&E, 2012-), The Leftovers (HBO, 2014-) – autant de signes qui suggèrent que l’innovation négocie en permanence avec la tradition dans le paysage télévisuel contemporain. Mouvement et fixité, innovation et inertie, apparaissent ainsi comme des thèmes extrêmement pertinents et porteurs pour les travaux sur les fictions sérielles audiovisuelles.
Les propositions peuvent porter sur :
– La manière dont les modes de visionnage évoluent (ou pas) : les webséries The Lizzie Bennett Diaries (2012-), Dr. Horrible’s Singalong Blog (2008), ou The Guild (2007-2012) peuvent être vues comme des fictions qui utilisent les nouveaux médias (tout en empruntant aux anciens), tandis que le modèle de Netflix qui rend immédiatement accessibles des saisons entières a reconnu et, d’une certaine façon, légitimé le visionnage en continu (ou binge watching), qui est de plus en plus pratiqué. Ce modèle s’oppose aux mesures d’audimat qui tentent (vainement) de rendre compte des visionnages déconnectés du flux télévisuel et du piratage.
– « Six saisons et un film ! » (Community) : la série télévisée peut, elle-même, être en mouvement, que ce soit par le biais d’un transfert vers un autre médium – par exemple, la bande dessinée (Dollhouse, Angel et Buffy ont ainsi connu des suites en comics), le cinéma (X-Files, Twin Peaks, Veronica Mars, Firefly), ou bien les deux, ce que la franchise Star Trek a effectué avec succès pour s’étendre ou se conclure. La série peut aussi changer de chaîne afin d’être « sauvée » (ce fut le cas de Buffy contre les vampires, Arrested Development, Community) ; elle peut s’adapter à d’autres cultures et prendre ainsi en compte le développement des séries étrangères (The Killing, Broadchurch, The Office, House of Cards).
– Mouvement et fixité à l’intérieur même de la diégèse : du Fugitive aux Mystères de l’Ouest en passant par L’Agence Tout-Risque ou Supernatural, les séries télévisées aiment les personnages qui se déplacent, tandis que les sitcoms se définissent surtout par leur unité de lieu (le foyer familial de Ma Sorcière bien-aimée ou de New Girl, le bureau de Designing Women, de The Office ou de Parks and Recreation).
Cette liste n’est en aucun cas limitative.
Merci d’envoyer un abstract de 250 mots ainsi qu’une brève biographie à Donna Andreolle et Shannon Wells-Lassagne
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ATELIER 2
Images et portraits en mouvement : quand le biopic dépeint l’Amérique
Delphine Letort, (Université du Maine) et Taina Tuhkunen, (Université d’Angers)
Les notions de « mouvement, enracinement et fixité » entretiennent une relation complexe (voire paradoxale) dans le cadre du biopic : les « films biographiques » ou « biographies filmées » américains s’enracinent dans l’histoire des États-Unis dont ils construisent le récit en retraçant le parcours de personnages emblématiques. S’ils visent à donner des formes fixes à une réalité historique aux multiples facettes, ils sont aussi à l’origine de nombreuses controverses interrogeant la capacité du cinéma à créer de la mémoire. « Genre cinématographique moderne puisant dans une riche tradition » (Tom Brown et Belén Vidal, The Biopic in Contemporary Film Culture, 2014), le biopic affiche des limites floues ou délibérément floutées, en perpétuel mouvement entre stagnation et déplacement, permanence et mutation. Dans Whose Lives Are They Anyway ?: The Biopic as Contemporary Film Genre (2010), Dennis Bingham fait observer que le biopic traverse les catégories génériques en se focalisant sur plusieurs types d’» individus d’exception ». Infléchi par le choix des personnes biographiées, les structures narratives adoptées et les stratégies de filmage retenues, le genre a permis de dresser de nombreux portraits filmiques de chefs d’État et autres personnalités politiques connues (Abraham Lincoln, Theodore Roosevelt, John Reed, JFK, Richard Nixon, J. Edgar Hoover, George W. Bush, etc.), des portraits de personnes issues du monde économique et industriel (Preston Tucker, Jimmy Hoffa, Howard Hughes, Steve Jobs, Jordan Belfort, etc.), d’artistes et stars de l’univers de la musique (Billie Holiday, Woody Guthrie, Bob Dylan, Loretta Lynn, Johnny Cash, Ray Charles, Tina Turner, etc.) et du cinéma (Oscar Micheaux, Charles Chaplin, Alfred Hitchcock, Marilyn Monroe, Ed Wood, etc.), tout en s’intéressant aux carrières singulières de sportifs (Jake Lamotta, Babe Ruth, Muhammed Ali, Mike Tyson, Jim Brown, etc.), et aux parcours meurtriers de tueurs devenus célèbres grâce aux médias (Al Capone, John Dillinger, Bugsy Siegel, etc.).
Ce faisant, ce genre souvent décrié, et pourtant très populaire (apprécié par l’Académie des Oscars) s’avère capable d’hybridations. Il croise ses traits génériques, par exemple, avec ceux des films d’animation (Superstar : The Karen Carpenter Story,1989), ou mélange l’historique avec le fantastique (Abraham Lincoln : Vampire Hunter, 2012). En entretenant des rapports complexes avec le passé, il brouille constamment la frontière entre l’histoire publique et l’histoire intime, History-et story-telling. Il revendique l’authenticité des sources qui le nourrissent (biographies, autobiographies, récits historiques, documentaires, journaux, etc.) pour offrir des interprétations (qui se veulent) novatrices de faits historiques réputés connus. Iconoclaste ou révisionniste par définition, le biopic n’est cependant pas à l’abri des tentatives hagiographiques perceptibles à travers les stratégies narratives, visuelles et discursives impliquées dans l’élaboration des portraits filmiques – qu’il s’agisse d’hommes et de femmes engagés dans la politique (Alice Paul, Malcolm X, Rosa Parks, Angela Davis, etc.), ou, dans la sous-catégorie des biopics d’artistes, des créateurs emblématiques (Ernest Hemingway, Truman Capote, Georgia O’Keeffe, Charles Pollock, Allen Ginsberg, Sylvia Plath, etc.). Influencé par l’expérience migratoire des réalisateurs, les mutations des genres cinématographiques et l’avatarisation des héros romanesques, le biopic favorise la porosité des frontières entre les genres et le récit d’une Histoire en mouvement.
Dans Bio/pics : How Hollywood Constructed Public History (1992), George F. Custen suggère que le genre biopic (abréviation de « biographical motion picture ») joue un rôle dans l’éducation des masses en participant à la construction de l’Histoire nationale. Pour les américanistes se pose donc la question de la typologie des personnes/personnages mis en exergue pour leur « exemplarité » depuis les premiers biopics américains du début du XXe siècle jusqu’à l’époque contemporaine. En nous introduisant dans des espaces intimes, sans forcément dissiper le mystère autour des « grands de ce monde », le biopic permet-il aux spectateurs d’avancer dans la compréhension de l’Histoire ? Ou les relègue-t-il à la place de voyeurs, position promue par la machine médiatique, souvent plus avide de secrets d’alcôves que de débats publics sur la société ? Si l’adaptation à l’écran de la vie d’Américain(e)s emblématiques d’une période de mutation crée une historiographie parallèle, quel type de portrait gallery propose-t-elle (notamment par rapport aux personnages royaux européens) ? Autrement dit, en l’absence de rois et de reines, enracinés dans l’Histoire politique, économique et esthétique du « Vieux Continent », quels types de « représentativités » ou d’» exemplarités » semblent célébrés par le biopic (et ses sous-catégories) dans le « Nouveau monde », réputé pour son attachement à l’esprit de la mobilité et à la liberté de la réinvention ?
Outre ces questions, évidemment non-exhaustives, sur un genre « troublant », « dérangeant » (« a troublesome genre ») selon Tom Brown et Belén Vidal – cet atelier interrogera les évolutions du biopic en tant que genre cinématographique dont les actes d’appropriation de faits et de personnages historiques reflètent des revendications identitaires et politiques, tout particulièrement du point de vue des minorités (Iron Jawed Angels, Harvey Milk, Sally Hemings : An American Scandal, 12 Years a Slave, etc.). Car malgré sa tendance à dresser des idéaux, le biopic ne fige pas l’Histoire ; il fouille dans les failles des portraits et des textes existants pour introduire le spectateur dans un rapport, toujours aussi problématique, entre l’objet vu et le sujet qui regarde. C’est la raison pour laquelle nous invitons les participants à notre atelier à réfléchir non seulement aux mécanismes de re/mise en images filmiques des « destins exceptionnels », mais également aux divers discours portés par ce genre à la définition instable.
Delphine Letort et Taina Tuhkunen
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ATELIER 3 –
L’immobilité culturelle
Klaus Benesch, (LMU München) & Virginia Ricard, (Université Bordeaux Montaigne)
Cet atelier sera consacré à l’idée selon laquelle l’attachement à un lieu particulier et la résistance à la mobilité débridée expriment un besoin fondamental, le besoin d’enracinement et de contact avec l’environnement physique immédiat. On a beaucoup parlé de la mobilité comme moteur de la modernité. En revanche, la résistance à la mobilité et au mouvement a rarement été considérée comme une valeur culturelle positive par les spécialistes de la modernité.
On peut retrouver les critiques de « l’agitation » et de la mobilité accrue de la vie moderne dans erses disciplines et à différentes périodes historiques. Le plus souvent, ces critiques sont associées à un certain conservatisme culturel, y compris dans les pays les plus avancés sur le plan économique et scientifique. Ce que l’on pourrait appeler « immobilité culturelle » est une tendance à réduire le mouvement et la vitesse au lieu de les augmenter. A la différence du paradigme moderne de la mobilité, qui est fondé sur une extension dans et de l’espace, l’immobilité culturelle — dans la mesure où elle affranchit le lieu de ses limites en le chargeant d’idées nouvelles et de formes de vie plus « enracinées » — pourrait être envisagée comme verticale et rhizomatique plutôt qu’horizontale. Loin d’être l’inverse ou le négatif de la modernité, les critiques du progrès incessant et du changement continuel sont une partie intégrante de la dialectique de la modernisation.
Différentes approches de l’immobilité culturelle sont possibles. On peut s’intéresser à une attitude ou à une vision du monde particulière (celle d’Ezra Pound, par exemple) ; à un comportement collectif ou individuel exprimant un intérêt particulier pour une région ou une localité (Henry David Thoreau et la tradition du « nature writing », par exemple) ; à un discours culturel et à ses répercussions politiques et sociales (par exemple au mouvement agrarien dans les années vingt et trente aux Etats-Unis).
Les propositions de communication peuvent porter sur la manière dont certaines conceptions spécifiques de l’espace et du lieu ont nourri la critique culturelle moderne aux Etats-Unis ou sur des penseurs critiques de la mobilité moderne aux Etats-Unis et en Europe (Henry David Thoreau, Paul Lafargue, Heidegger, Guy Debord, Peter Sloterdijk etc.).
Les propositions sont à envoyer à Klaus Benesch , & Virginia Ricard
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ATELIER 4 –
Colonisation, émigration, mouvement back-to-Africa : les flux migratoires, leur mise en récit, et la diffusion de l’expérience diasporique africaine-américaine
Lawrence Aje, (Université Paul-Valéry) & Claire Bourhis-Mariotti, (Université Paris 8)
Mots-clés : Africains-Américains, Colonisation, émigration volontaire, Panafricanisme, Diaspora, Agency, Mise en récit, Sources et diffusion.
Période envisagée : de la Révolution américaine à nos jours.
Au lendemain de la Révolution américaine, l’émancipation massive d’esclaves entraîna une augmentation significative de la population noire libre qui fit craindre à de nombreux observateurs que la cohabitation raciale n’était pas envisageable. La séparation, l’éloignement, plus ou moins forcés, apparurent bientôt comme la condition sine qua non de l’émancipation des esclaves noirs. Bien au-delà d’un simple effet de mode, cette « solution » au « problème noir » qu’était la « colonisation » s’installa durablement dans le paysage nord-américain, notamment à la faveur des efforts menés par la American Colonization Society après 1816. Dans le même temps, une partie de la communauté libre africaine-américaine, lassée de devoir se contenter d’une citoyenneté de second rang, fatiguée de lutter contre les préjugés raciaux et voyant ses droits de plus en plus restreints à mesure que sa condition se dégradait, finit par trouver dans la « solution » que représentait l’émigration volontaire, et dans le rassemblement autour d’une « nationalité noire » par-delà les frontières états-uniennes, un projet séduisant. En effet, cette communauté reconnut de plus en plus, dès les premières décennies du XIXe siècle, son identité dans une « diaspora » noire issue de l’esclavage. Car si le panafricanisme, naquit à la fin du XIXe siècle, en réaction à l’impérialisme et au colonialisme des grandes puissances européennes et américaines, sous la forme de l’expression de la solidarité entre peuples de couleur exploités, c’est bien dès dans la première moitié du XIXe siècle qu’une prise de conscience diasporique émergea au sein de la communauté noire libre des États-Unis – et d’ailleurs.
Cet atelier se propose de relater différents aspects de son histoire, en examinant notamment de quelles façons, de Prince Saunders à Marcus Garvey et jusqu’à nos jours, la communauté africaine- américaine, œuvra pour le rassemblement de la diaspora noire dans des territoires sur lesquels le gouvernement américain n’avait pas la mainmise, que ce soit au Canada, en Afrique, en Amérique Centrale, dans les territoires de l’Ouest, en Haïti, ou plus récemment en Afrique du Sud – mais aussi comment certains abolitionnistes et hommes politiques, tel Abraham Lincoln, cherchèrent à déporter les Noirs libres au-delà des frontières américaines, des phénomènes particulièrement méconnus du grand public, et négligés par l’historiographie. Cet atelier abordera ainsi inévitablement l’épineuse question du vivre-ensemble, qui se pose encore au sein de nos sociétés contemporaines. Il invite à la réflexion sur ces questions de l’exclusion de l’autre, de l’auto-exclusion et du repli communautaire, des mécanismes à l’origine du renforcement des nationalismes et des communautarismes, qu’ils soient « raciaux », religieux, ou autres.
Responsables d’atelier : Lawrence Aje , & Claire Bourhis-Mariotti
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ATELIER 5 –
Entreprises et entrepreneurs américains à l’étranger : migration, immigration et appropriation
Agnès Delahaye, (Université Lyon 2 Lumière) & Eve Bantman, (Université Toulouse Jean Jaurès)
Si, comme l’indique le thème de cette conférence, le mouvement et l’espace sont au cœur des représentations et de la construction identitaire américaines, comment peut-on mobiliser ces notions dans le contexte de la mondialisation ? Nombre d’entrepreneurs américains font en effet le choix d’aller chercher hors des frontières nationales les conditions et les marchés nécessaires à la satisfaction de leurs ambitions, en ajoutant au défi économique de la création d’entreprise celui de l’adaptation à de nouveaux « styles de vie » que ces migrants décrivent souvent à leurs confrères et consœurs comme un véritable bouleversement de leurs habitudes de travail, de consommation et d’organisation professionnelle et familiale. Mais à travers cette migration motivée par l’activité économique, ce sont aussi un ensemble de pratiques et de valeurs liées à la création d’entreprise, de richesses, et à la figure de l’entrepreneur qui sont ainsi exportées hors des frontières américaines, dans un mouvement continu de biens, de personnes et d’idées souvent perçu comme le véhicule de l’imposition de représentations exceptionnalistes de l’identité américaine (capitalisme, individualisme, rêve américain, etc.).
La recherche en anthropologie et en sociologie portant sur les Américains à l’étranger croise en de nombreux points la recherche organisationnelle qui étudie les petites et moyennes entreprises américaines opérant hors des frontières officielles du territoire national. Ainsi en sait-on plus aujourd’hui sur les processus d’internationalisation, la nature et la portée du soft power, et la diffusion des valeurs américaines au cœur de cette migration qui donne naissance à de nombreuses communautés de citoyens américains vivant, travaillant et investissant à l’étranger. Ces derniers créent et dirigent de petites et moyennes entreprises, achètent et font fructifier des biens immobiliers, et, grâce aux nouvelles technologies, partagent leurs expériences et leur savoir-faire, en tant que consultants, éditorialistes ou bloggeurs, avec d’autres hommes et femmes entrepreneurs comme eux émigrés ou expatriés, ou circulant en continu entre les Etats-Unis et le lieu de leur activité, ou encore en passe de s’élancer vers de nouvelles opportunités à l’étranger.
Cet atelier vise à décrire les motivations, les projections et les rétributions envisagées par ces entrepreneurs américains à l’étranger, à mesurer la variété de leurs expériences, et à analyser la nature du pouvoir économique qu’ils exercent dans les territoires où ils choisissent de s’installer. Il s’agira aussi de rendre compte de la manière dont ces « pionniers », comme ils se nomment eux-mêmes parfois, racontent leurs expériences lorsqu’ils souhaitent informer leurs partenaires, leurs clients et autres investisseurs des joies et des dangers de leur démarche. On pourra discuter du contraste qui existe entre l’aisance des flux de biens, d’idées, de personnes et de capitaux, et l’endurance ou la fixité des valeurs et des pratiques de l’entreprenariat américain, en concentrant l’étude sur les processus d’adaptation et les stratégies de résistance que ces hommes et ces femmes mettent en œuvre en construisant leur entreprise, et bien souvent leur vie, en terre étrangère.
Nous invitons les participants, qui communiqueront en anglais ou en français, à adopter une démarche transdisciplinaire, entre sociologie, histoire d’entreprise, études organisationnelles et histoire culturelle, qui puisse rendre compte à la fois du savoir-faire économique et entrepreneurial qui sous-tend l’expatriation, et des représentations sociales et culturelles sur le rôle de l’entrepreneur américain qui naissent de la confrontation et de l’adaptation de ces individus à un environnement nouveau, tant sur le plan juridique et fiscal que sur celui de la culture d’entreprise et du travail, ou encore de la hiérarchie sociale dans et hors de l’entreprise. Cette expérience de mobilité donne-t-elle lieu à une remise en question de pratiques spécifiquement américaines ? Quelles sont les limites de l’immersion en termes de visibilité, de transparence et de responsabilité ? Comment la réussite ou à l’inverse l’échec de l’entreprise sont-ils perçus et mesurés ? Comment échange et communique-t-on avec des stakeholders étrangers ? Doit-on parler d’imposition et de domination culturelles et économiques, ou bien de changement, d’adaptabilité et de réciprocité qu’on étudiera dans ce contexte ? Dès lors que la connectivité s’impose comme l’une des grandes avancées supposées de la mondialisation, comment ces entrepreneurs utilisent-ils les nouvelles technologies ? Facilitent-elles effectivement la communication interculturelle ? Peut-on comparer les nouveaux récits d’expatriation diffusés aujourd’hui dans des livres et journaux, mais aussi dans des blogs et autres sites américains, aux récits coloniaux et impérialistes d’autrefois ?
Les propositions de communication d’environ 500 mots, accompagnées d’un court cv, sont à envoyer à Agnès Delahaye & Eve Bantman
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ATELIER 6 –
Culture(s) populaire(s) et pratiques culturelles
Danièle André, & Elodie Chazalon, (Université de La Rochelle)
Cet atelier propose d’aborder les notions de mouvement, d’enracinement et de fixité à travers la/les culture(s) populaire(s) et via les pratiques culturelles. La notion de culture populaire doit en partie sa fluidité et son insaisissabilité au fait que l’individu et ses pratiques quotidiennes, elles-mêmes évolutives, aient été, depuis plusieurs décennies, mis au centre du processus interprétatif (De Certeau, L’Invention du Quotidien 1. Arts de faire). Si les productions de masse, et jusqu’à un certain point, les pratiques culturelles, reflètent l’idéologie d’un pouvoir dominant, il n’en reste pas moins que le consommateur/utilisateur « ne consomme pas simplement un objet mais le retravaille », et que « tout objet de consommation peut être utilisé par le consommateur dans le processus de construction de son identité individuelle, sociale et interactionnelle » (J. Fiske, Understanding Popular Culture).
Les progrès technologiques ont bousculé, voire métamorphosé nos modes de vie. Dans une société presque en permanence « connectée », il est intéressant d’analyser en quoi de nouveaux modes d’être et de vivre influent sur la culture populaire au sens large, tant du point de vue de sa production (œuvres culturelles, objets de consommation) que de sa réception. Quel impact peut avoir la connexion quasi permanente à l’objet culturel voire à plusieurs objets culturels simultanément – séries, téléfilms et documentaires qui se déclinent à la télévision, au cinéma, sur les écrans d’ordinateurs, de tablettes, de smartphones, dans les bandes dessinées, et se réécrivent dans les vidfans, les blogs, etc. ? Comment le rapport au qualitatif et au quantitatif, les modes de production et de diffusion, et la manière dont les « objets » culturels sont consommés, appropriés et réécrits ont-il évolué ? Le merchandising qui s’opère autour de ces objets et des pratiques culturelles qu’ils mettent en avant ne fait-il qu’accompagner le processus ou en est-il un acteur majeur ?
La technologie s’étant immiscée dans toutes les strates de la société et de l’American way of life, il est aussi pertinent de voir si certains des emblèmes de la culture populaire aux Etats-Unis (jeux, comics, science-fiction, par exemple) ont été amenés à se transformer radicalement ou s’ils sont porteurs de réflexion sur ces évolutions. Les jeux, et tout particulièrement les jeux vidéo, ont mué de manière spectaculaire (de seul devant son écran à des MMORPG, ou à Second Life, etc.). Pourtant, dans le même temps, le jeu de rôle (tabletop role-playing game), plus traditionnel d’apparence, continue d’exister et d’évoluer (bien loin des « Donjons et Dragons ») sous l’influence d’auteurs et de joueurs qui réfléchissent à la théorie et à la pratique, que ce soit dans sa construction ou dans sa manière d’être joué. Il est légitime de se demander en quoi cette base solide qu’est le JDR permet d’évoluer vers d’autres sphères et manières de (le) penser et de (le) jouer. On pourra également se demander si le même phénomène est à l’œuvre dans les comics et leur dimension trans-générationnelle, analyser comment les comics sont parvenus à conquérir de nouveaux publics, de nouveaux supports et à entrer dans la culture internationale, ou voir comment ils se sont transformés sur un plan esthétique et narratif (mangas) tout comme conceptuel (ordinateurs, logiciels de dessin, 3D, etc.) sous l’effet de « chocs » culturels.
On peut enfin se demander quel(s) rôle(s) jouent les autres pratiques culturelles (habitudes alimentaires, pratiques corporelles, modes vestimentaires, goûts personnels et appétences individuelles et collectives, etc.), et notamment certains sports institutionnalisés dans l’enracinement des valeurs populaires. Mais il peut également être pertinent d’étudier des pratiques plus alternatives (roller agressif et roller derby, skateboard, danses urbaines et street art qui se mêlent à d’autres formes d’art, etc.). Ces hybridations font évoluer, par exemple, la perception d’espaces, de pratiques et modes de vie ancrés « négativement » dans l’imaginaire collectif (la « rue », le vagabondage) ou génériquement figés (masculin vs. féminin). Les pratiques urbaines, par exemple, montrent le processus par lequel artistes de rue et riders se réapproprient des territoires laissés-pour-compte, voire statiques dans le temps (usines désaffectées, garages et terrains vagues, anciens bâtiments institutionnels, etc.) permettant de les ré-enchanter et de changer la perception populaire de ces lieux. Ceci se retrouve également dans les modes vestimentaires des sous-cultures et dans certains styles musicaux hybrides, des pratiques que l’on retrouve régulièrement associées à la reprise, au revival, au vintage, au pastiche, à l’hybridation et au bricolage, notions qu’il sera également intéressant d’interroger. Ces éléments, qui renvoient à l’impression de déjà-vu ou de déjà-entendu, rendent compte de l’interpénétration entre mouvement, enracinement et fixité.
Ces questionnements amènent à s’interroger sur les sociétés dans lesquelles ces cultures et pratiques se développent et évoluent car les notions de mouvement, d’enracinement et de fixité sont centrales à leur construction. C’est ce que décrit et conceptualise la science-fiction, que ce soit au niveau du système politico-économique (utopies, dystopies, uchronies), géopolitique (conquête de l’espace, guerres, etc.), médiatico-culturel (jeux-médias-argent), technologique et médical (hyper-connectivité, corps augmenté), architectural (espaces urbains, déserts, etc.) ou culturel (modes vestimentaires, code langagier, art du quotidien, etc.). L’écriture science-fictionnelle joue elle aussi avec ces notions (autres langues et langages, structuration de la langue et des récits, etc.) et devient alors un fascinant objet d’étude pour analyser la complexité des notions de « mouvement, enracinement, fixité » et leur étroite relation.
Les analyses ne se limiteront pas aux pistes proposées et pourront se concentrer sur les aspects théoriques, mais aussi, et surtout, sur l’interprétation et l’appropriation de pratiques populaires tout comme sur la relecture populaire des pratiques et productions de la culture dominante.
Les propositions, entre 300 et 500 mots, sont à envoyer conjointement à Danièle André , & Elodie Chazalon , avant le 20 décembre 2014.
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ATELIER 7 –
Le retour
Sandrine Baudry, (Université de Strasbourg) et Céline Planchou, (Université Paris 13)
Le thème du retour comme forme de mobilité a été étudié dans le cadre des questions de migration, que le retour au pays d’origine soit permanent ou au contraire participe d’une dynamique transnationale qui, par les allers et retours répétés du migrant, génère une mobilité culturelle. Celle-ci peut s’exprimer par le déplacement d’objets et de pratiques d’un lieu à un autre, ou par le développement de syncrétismes nouveaux. Le retour n’est donc pas condamné à être un acte réactionnaire, un retour vers le point de départ, mais peut au contraire être source de renouveau.
Pour cet atelier, nous souhaitons considérer le retour dans ses multiples dimensions. Nous envisageons le retour comme pouvant être individuel ou collectif, volontaire ou forcé, géographique, bien sûr, mais également idéologique ou culturel. Dans tous ces cas de figure, que nous dit le choix du retour ? S’agit-il d’un aveu d’échec de l’enracinement ? D’une forme de renoncement aux idéaux qui avaient motivé le départ ? D’un refus de renoncer au passé ? D’une quête de celui-ci, qu’il soit réel ou fantasmé ? D’un retour conjoncturel, temporaire, destiné à palier un manque, à passer un moment de crise ? D’une démarche réflexive sur ses propres pratiques et croyances ? Par ailleurs, le retour peut-il être totalement satisfaisant, voire réellement possible ? Les déformations liées à la mémoire, les évolutions des lieux ou des idées auxquels nous voulons retourner, semblent mettre cette idée en doute. Cependant, si le retour désiré peut s’avérer décevant, il peut aussi, même lorsqu’il est forcé par obligation légale ou morale, porteur de découvertes fructueuses. Il pourrait alors aller jusqu’à provoquer un ré-enracinement1 inattendu.
Nous souhaiterions orienter la réflexion vers la thématique amérindienne dans l’Amérique contemporaine. Les communications en civilisation, histoire, géographie, sociologie pourront ainsi interroger le concept de retour appliqué aux Amérindiens par différentes approches méthodologiques. Elles pourront s’intéresser par exemple au retour sur la réserve, que le retour se traduise par un déplacement physique des personnes (retour des générations d’enfants adoptés, retour à la vie civile sur la réserve après la prison ou après l’armée, retour des Amérindiens urbain, etc.), de biens matériels ou d’éléments du patrimoine culturel immatériel (retour d’objets sacrés, réintroduction du bison, etc.). Elles pourront également chercher à savoir si le retour vers la réserve correspond à un retour à la terre, à la « tradition » ou à la culture. En ce sens, elles pourront s’interroger sur le lien (ou l’absence de lien) entre retour géographique et retour culturel. Afin de favoriser une perspective comparatiste dans l’atelier, les communications pourront enfin porter sur d’autres populations aux États-Unis et leur retour au pays ou au quartier à dominance ethnique, voire le retour chez soi après une catastrophe naturelle.
Les propositions de communication sont à envoyer à Sandrine Baudry, et Céline Planchou
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ATELIER 8 –
(Idior)rythmes des communautés poétiques contemporaines
Vincent Broqua, et Gwen Le Cor, (Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis)
Dans Comment vivre ensemble, Roland Barthes déplie sa définition de l’idiorrythmie en montrant combien « dans son lieu originel (l’Athos), l’idiorrythmie pointe juste la proportion de communauté fantasmée ». Il avance également que l’idiorrythmie est incompatible avec les grandes formes de communauté car « elles sont structurées selon une architecture de pouvoir et qu’elles sont déclarativement hostiles à l’idiorrythmie ». Par ailleurs, si le contemporain « dit l’immédiateté de l’instant, (…) [il] se définit peut-être par ses rythmes et non par l’orientation du temps » (François Noudelmann, « Le contemporain sans époque : une affaire de rythmes »).
Une partie de la poésie et de la fiction américaines contemporaines s’est posé et se pose précisément ces questions : comment faire émerger une communauté poétique ou des communautés poétiques tout en s’inventant des idiorrythmes ? En quoi les questions de collaboration entre poètes, entre écrivains et artistes, mais aussi en quoi l’invention de communautés (celle de Black Mountain, de Saint Mark’s Project, de Naropa, ou celle constituée par le Cave Writing à Brown University, pour ne citer que ces exemples) se conjuguent à l’invention d’idiorrythmes non seulement des poètes et des écrivains eux-mêmes mais aussi des textes ?
Cet atelier souhaiterait interroger à la fois les notions de rythme et de communauté, en cherchant comment les communautés d’écriture se font et se défont, vivent et survivent par l’élaboration de rythmes contradictoires : dans les poèmes eux-mêmes (Fast Speaking Woman par exemple), dans les différents espaces de création poétique (en quoi la e-poetry, par exemple, cherche à se marquer et à se démarquer des communautés poétiques expérimentales), et dans les nombreuses co-élaborations entre écrivains et artistes. Comment, dans l’invention des textes poétiques s’invente, se pratique, et se donne à faire l’expérience de communautés qui tentent (y compris pour échouer) de penser la communauté autrement que comme une grande forme et une architecture de pouvoir.
Les résumés doivent être envoyés à Vincent Broqua , et Gwen Le Cor
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ATELIER 9 –
Mouvements de retour dans les fictions de l’Amérique
Claire Fabre, (Université Paris-Est Créteil) et Bénédicte Chorier-Fryd, (Université de Poitiers)
“[…A] Novel […] whose Hero instead of proceeding down the road having one adventure after another, with no end in view, comes rather through some Catastrophe and back to where she set out from.”
“No place like home, eh ?” (T. Pynchon, Mason & Dixon, p.263)
Retour au point de départ… c’est ainsi qu’avec un clin d’œil au Magicien d’Oz, Thomas Pynchon évoque un schème ancien de la littérature, et pas seulement d’aventure. Cet atelier proposera des perspectives sur des fictions américaines, sans exclusion de période ni de genre, dont le mouvement est orienté vers son origine – que ce soit dans la structure de la narration (en cercle ou en spirale), dans la dynamique de la langue (questions de tonalité et de rythme: retour à la tonique, retour à l’accent dans un schéma d’alternance fort/faible), ou dans les motifs thématiques.
Ces fictions peuvent remettre en jeu certains archétypes littéraires dans lesquels le motif du retour semble imposer une téléologie. Ainsi, celui de l’odyssée – retour au bercail après tribulations, ou celui de la pastorale – retour à la ville après une retraite dans la nature. On pourra se demander si/comment ce mouvement de retour prend un sens nouveau dans le contexte américain, et si les repères originels y font toujours office de point d’attraction : quelles sont les possibilités de retour lorsque la source est incertaine ou multiple ? Comment certaines fictions jouent-elles sur ces motifs et en détournent-elles la puissance ?
Le mouvement de retour peut n’être qu’esquissé, laissé en suspens par des phénomènes d’instabilité ou de détournement ; le point de retour peut alors être point de fuite, n’être jamais atteint, prolongeant l’errance.
Retourner, c’est aussi répéter ; aller du même au même, avancer dans le temps sans bouger dans l’espace, faire de l’anaphore un principe, comme dans les fictions du quotidien, où retour et répétition n’excluent pas la variation.
Claire Fabre , et Bénédicte Chorier-Fryd
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ATELIER 10 –
Livres, bibliothèques et collections — translations transatlantiques
Susan Finding, et Geoffrey Pitcher, (Université de Poitiers)
La constitution des premières bibliothèques aux Etats-Unis est fortement liée à la transmission des savoirs. Les livres – à commencer par le livre saint – ont accompagné les pèlerins anglophones, les prêtres catholiques français ou hispanophones, les immigrés non-anglophones, lors de leur traversée de l’Atlantique.
On pense à la donation des livres des hommes de foi réuni à Branford CT, et celle de plus de 400 ouvrages par Elihu Yale (1718), qui formèrent le noyau de la bibliothèque du collège qui allait devenir l’Université de Yale. L’importation de livres de l’Angleterre, de l’Ecosse et de l’Irlande, mais aussi de pays non-anglophones du vieux monde, ne suffit pas et mène à la création d’une industrie de l’édition américaine – au sens large du terme (voir le projet en cours à Brown University : Mapping Colonial Americas Publishing Project). La demande qui crée cette industrie (alphabétisation, éducation, lectorat, bibliothèques de prêt) fait partie de cette histoire. Le trajet inverse, d’ouvrages ‘américains’ vers l’Europe, n’est pas absent de cette perspective, on pense en premier aux premiers ouvrages écrits dans le Nouveau monde (Las Cases, Penn) et aux récits de voyage plus tardifs (Dickens, De Toqueville).
Or, l’achat d’ouvrages rares par des collectionneurs bibliophiles, qui font don de leur collections aux universités américaines et l’acquisition d’ouvrages contemporains édités en Europe, continuent. On pense à la Brown Library, Providence, RI, à la Folger Library, Washington DC, à la Lewis Walpole Library, Farmington CT et à tant d’autres collections.
Cet atelier propose d’examiner le parcours de ces ouvrages – rédaction, fabrication, édition, achat, appartenance, provenance, acquisition, donation – comme autant de moments de transposition, de translation et de transportation propres à illustrer la circulation des savoirs et l’ancrage de ces savoirs dans une tradition intellectuelle importée ou proprement américaine.
Pistes – collections, transmission d’ouvrages, bibliothèques, maisons d’édition, exportation-importation de livres (vers et de l’Amérique du nord), genres, lectorat, traductions, transcriptions, reproductions ou éditions nouvelles.
Les propositions sont à envoyer à Susan Finding , et Geoffrey Pitcher
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ATELIER 11 –
Roots & Routes: la rue américaine comme espace de mobilité et d’enracinement
Aurélie Godet, (Université Paris Diderot) et Laurence Gervais, (Université Paris Ouest Nanterre)
Si la rue est communément définie comme « une parcelle de terrain publique bordée d’immeubles », le mot « rue » peut décrire une grande variété d’espaces aux États-Unis. Dans les environnements ruraux et suburbains, les rues principales ne sont souvent que des voies de circulation reliant un endroit à un autre, des routes pensées pour le trafic automobile avant tout. De ce point de vue, la circulation des piétons est perçue comme accessoire à la finalité de la rue. Dans les villes toutefois, le rues sont plus que des espaces de mobilité et sont en général perçues comme des lieux d’attachement, où les individus vivent, travaillent, se rencontrent, se rassemblent, défilent, fêtent, manifestent, en d’autres termes interagissent. Pour citer le sociologue Allan B. Jacobs « les habitants des villes comprennent le rôle symbolique, rituel, social et politique des rues, qui n’est pas juste un rôle de mobilité et d’accessibilité » (Jacobs 1993).
Depuis l’avènement du « tournant spatial » dans les arts et les sciences humaines dans les années 1980, on assiste à une multiplication des théories sur la notion de production de l’espace (Foucault 1984; Soja 1989; Massey 1994; Lussault 2007; Westphal 2011). Leur intérêt réside dans le fait que ces théories articulent systématiquement les catégories de la ville et de l’espace à une théorie sociale globale qui permet la compréhension et l’analyse de processus spatiaux à différents niveaux. Le travail de Doreen Massey par exemple, se fonde sur l’idée que les « lieux » (« placesa » en anglais) ne sont pas figés dans le temps mais sont des processus, et sur le fait que la spécialisation grandissante des territoires urbains à l’intérieur de la ville est un des symptômes de la mondialisation et de ce qu’elle appelle « la conscience du lien avec un monde élargi » (Massey 1994). Michel Lussault quant à lui, considère la rue comme un lieu de négociation et avance que la « lutte des places » a remplacé « la lutte des classes » (Lussault 2009). Réutilisant des concepts dérivés de la phénoménologie française – l’espace est « perçu », aussi bien que « conçu » et « vécu » (Lefèbvre 1967) – les géographes tout comme les chercheurs en sciences sociales insistent aujourd’hui sur le fait que l’espace ne précède ni les relations sociales, ni les ordres symboliques mais résulte de leurs discours et est construit par eux. En d’autres termes, l’espace est le résultat de pratiques sociales, d’idéologies et de relations de pouvoir.
Dans la lignée de ces théories, cet atelier étudiera la rue américaine dans sa double dimension physique et symbolique, comme un lieu propice à la mobilité autant qu’à l’ancrage territorial, où les identités se (dé)forment et se (con)testent. Priorité sera donnée aux thèmes suivants :
– L’évolution de la ville américaine d’un plan rectiligne en damier (grid) à un réseau viaire plus flexible visant à décourager la circulation automobile et à favoriser la cohabitation entre piétons et conducteurs ;
– Les transformations du discours sur le « bon » usage de la rue, d’une conception de la planification urbaine centrée sur la mobilité à une valorisation accrue de l’esthétique (mouvement « City Beautiful »), de la mixité (« complete streets ») et de la viabilité (concept de « livable streets » développé par Donald Appleyard) ;
– La rue comme espace d’insertion et d’exclusion des groupes minoritaires. De même que le ghetto remet en question les idéaux démocratiques américains tout en favorisant l’émergence d’identités collectives fortes, la rue est un espace « genré » dont les femmes sont « extirpées » mais qui peut aussi les libérer (Wilson 2001) ;
– La rue comme lieu de friction idéologique entre différents « faiseurs de villes », qui peuvent intervenir de manière temporaire ou permanente dans l’espace public afin d’exprimer leurs revendications (manifestations, graffiti, etc.) ;
– La criminalité (géographie et sociologie des gangs, luttes de territoire, prostitution, trafic de drogue) et les politiques de sécurisation de la rue américaine ;
– La rue comme condensé de la prospérité économique et culturelle d’un quartier ou d’un secteur professionnel tout entier (Wall Street et Madison Avenue désignent ainsi, par métonymie, le monde de la finance et de l’industrie publicitaire américaines) ;
– La rue comme source inépuisable de rumeurs (« word on the street »), de tendances vestimentaires, musicales, mais également de sagesse (« street-wise ») et d’authenticité (« street cred’ »);
– La rue comme espace festif permettant aux habitants d’évacuer les tensions générées par l’environnement urbain tout en consolidant les normes sur lesquelles celui-ci se fonde (ex : Bourbon Street à la Nouvelle-Orléans, le « Strip » à Las Vegas).
Les propositions de communications devront être envoyées à la fois à Aurélie Godet , et Laurence Gervais
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ATELIER 12 –
Entre inertie institutionnelle et changement(s) politique(s) : vers une nouvelle dynamique des pouvoirs aux États-Unis ?
Hamed Jendoubi, (Université Paris Sorbonne) et Elisabeth Fauquert, (IEP Lyon)
On assiste dans les années 1980 à un regain d’intérêt pour l’analyse des institutions politiques, dans des champs disciplinaires aussi variés que l’économie, l’anthropologie, la sociologie ou la science politique (March & Olsen : 1984). On entend ici les institutions comme « l’ensemble des formes ou organisations sociales établies par la loi ou la coutume ». Une attention particulière a été apportée aux législatures (Shepsle & Weingast : 1983), à l’étude des budgets (Padgett : 1981) ou encore aux gouvernements locaux (Kjellberg : 1975). Ce courant « néo-institutionnaliste » replace l’État, la bureaucratie et les politiques publiques au cœur de l’analyse théorique. En science politique et notamment aux États-Unis, ce courant s’est imposé comme une alternative aux lectures behavioristes, néo-marxistes et culturalistes du changement politique.
De nombreux ouvrages furent publiés dans la lignée des travaux de Skowronek sur le développement des capacités administratives de l’État (Building a New American State, 1982). : Bringing the State Back In (Evans, Rueschmeyer et Skocpol : 1985) ; Governing the Economy (Hall : 1986) ; Protecting Soldiers and Mothers (Skocpol : 1992) ; The Boundaries of Employment Policy in the United States (Weir : 1992) ; Dismantling the Welfare State ? Reagan, Thatcher, and the Politics of Retrenchement (Pierson : 1994) ; The Forging of Bureaucratic Autonomy (Carpenter : 2001). Le nombre de ces ouvrages et l’influence qu’ils exercent sur l’étude du système politique américain indiquent le dynamisme de ce courant où les institutions sont pensées comme des acteurs politiques à part entière, indépendamment des hommes et des femmes qui les incarnent.
Aux États-Unis, cette approche a été notamment popularisée par les travaux de Theda Skocpol (1992) et Paul Pierson (1994). Le processus politique reposerait sur un principe d’influence réciproque : les institutions sont affectées par la société et l’affectent en retour (Katzenstein : 1978 ; Krasner : 1978 ; Stephan : 1978 ; Skocpol : 1979 ; Nordlinger : 1981). Elles circonscrivent la logique d’action des autres acteurs du champ politique (médias, population, reste du monde) et influencent l’articulation des politiques publiques (Weaver 1986 ; Pierson 1996 ; Immergut 1998). En cela, l’institutionnalisme historique met davantage l’accent sur la dépendance au sentier (Mahoney : 2000 ; Pierson : 2000) et sur les permanences du système politique que sur les changements induits.
Comme l’expliquent cependant Clemens & Cook (1999), puisque l’argument institutionnaliste insiste sur les permanences plus que sur les changements, comment rendre compte de ces derniers ? S’il existe une forme de déterminisme institutionnel, produisant une stabilité mais aussi une certaine inertie, quel rôle peut-on assigner aux autres variables dynamiques que sont les individus, le contexte économique ou les conditions sociales ? En un mot, qui détient le pouvoir ? Cet atelier se propose d’explorer ces questions dans le contexte américain actuel.
Paradoxalement, cet intérêt croissant pour les institutions politiques américaines coincide avec leur description par de nombreux spécialistes comme des entités inefficaces à la dynamique largement dysfonctionnelle. L’économiste John Galbraith note dès 1958 que le secteur public reste très pauvre et déstructuré en comparaison du secteur privé (The Affluent Society). Le politologue Burns indique très tôt (1963) que les institutions américaines sont prédisposées à « l’impasse et au report » (“deadlock and delay”). Si ces caractéristiques découlent dans une certaine mesure du dessein originel des pères fondateurs de la nation américaine, soucieux de créer un État fédéral aux attributions modestes et aux prises de décision lentes et dépassionnées, elles n’en sont pas moins le reflet et la conséquence d’un contexte institutionnel moderne fait de déséquilibres et d’affrontements. On trouverait d’un côté une présidence hypertrophiée, impériale (Schlesinger : 1973), de l’autre un pouvoir législatif brisé (‘The broken branch’, Mann & Ornstein : 2006) dont le caractère représentatif est remis en question. Ces deux pouvoirs voient leur collaboration institutionnelle, pourtant nécessaire, rendue de plus en plus difficile par une cohabitation à l’américaine (divided government) devenue la règle et une polarisation partisane sans précédent. Le judiciaire, et plus particulièrement la Cour suprême, se serait quant à lui éloigné de son devoir de neutralité politique au profit d’une interprétation idéologique de la Constitution débouchant sur ce que d’aucuns n’hésitent plus à qualifier d’activisme judiciaire (Wolfe : 1997). L’ordre institutionnel défini lors de la Convention de 1787, avec un Congrès dominant qui décide, une présidence en retrait qui exécute, des juges dénués de toute grille de lecture partisane et une coopération féconde entre les différents pouvoirs aurait donc été renversé.
Face à ces affirmations devenues quasi canoniques, un constat s’impose : en dépit d’un certain alarmisme quant à la capacité des institutions à jouer leur rôle, le système politique américain ne s’est pas effondré, pas plus qu’il n’a été fondamentalement remis en cause. En marge de l’argument majoritaire qui dépeint les institutions américaines comme source d’inertie et d’aporie, force est de constater que le changement politique se produit toujours aux Etats-Unis, comme en atteste par exemple l’adoption de la loi de santé de 2010 (Obamacare). Il convient donc de déconstruire ces affirmations globalisantes et de les mettre à l’épreuve des faits. C’est pourquoi cet atelier se propose d’identifier les lieux et les ressources du pouvoir politique aux Etats-Unis en ce début de 21ème siècle. Quels changements, quelles continuités ont été observables dans l’histoire récente ? Le système politique américain est-il devenu aussi inopérant que certaines lectures peuvent le laisser croire ? N’assiste-t-on pas davantage à l’émergence de nouvelles dynamiques, au déplacement de la prise de décision politique qu’à son effondrement ? Si les institutions américaines sont effectivement dysfonctionnelles, à quelle échelle de gouvernance, à quelle(s) étape(s) de la procédure législative, exécutive ou judiciaire trouve-t-on ces failles ?
L’objectif poursuivi par cet atelier est double : 1/ mettre en perspective les idées reçues sur les sources et les ressources du pouvoir politique aux Etats-Unis ainsi que sur son évolution récente ; 2/ étendre la réflexion à des lieux de pouvoir méconnus du public. Si l’on ne saurait faire l’économie d’une analyse systématique des trois pouvoirs fédéraux (exécutif, législatif, judiciaire), l’atelier aura pour ambition d’élargir le champ de l’analyse tripartite classique, et d’explorer d’autres échelles, d’autres niveaux de gouvernance, d’autres lieux de pouvoir : les états fédérés, à la fois laboratoires d’idées et « reproductions miniatures » du système fédéral, la bureaucratie, dont le rôle et l’influence sur les politiques publiques ont crû de manière exponentielle depuis le New Deal et la Grande Société, les lobbies, les associations et l’ensemble du « microcosme washingtonien », sont autant d’institutions à la fois indépendantes de l’État fédéral américain et intimement liées à lui. Aussi, bien que le débat soit nécessairement ancré dans l’historiographie contemporaine des institutions, cet atelier privilégiera les démonstrations concrètes et les microanalyses, notamment les cas d’études précis et documentés.
Hamed Jendoubi , et Elisabeth Fauquert
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ATELIER 13 –
Inscrire la locomotion à l’écran
Anne-Marie Paquet-Deyris, (Université Paris Ouest Nanterre) et Gilles Menegaldo, (Université de Poitiers)
Cet atelier s’attachera à explorer la façon dont le cinéma s’exprime à travers les moyens de locomotion. La cartographie, l’arpentage du territoire, et plus spécifiquement les moyens de transport eux-mêmes ainsi que la façon dont ceux-ci dessinent à l’écran les contours de la Nation américaine nous intéresserons au premier chef. Il s’agira de montrer d’une part, comment ces moyens de transport matérialisent une évolution technologique du pays et d’autre part, comment ils s’inscrivent dans une histoire et un destin individuels et collectifs. En partant du cinéma des premiers temps, on pourra analyser les tensions entre fixité et mouvement, en se penchant par exemple sur les films burlesques de Buster Keaton ou les pérégrinations chaplinesques, ou encore sur les westerns du temps du muet. Le motif du train également lieu de croisement souvent lié au destin des personnages et iconique de la Frontière et de la conquête de l’Ouest, contribue lui aussi à cette cartographie du territoire tout en permettant de couvrir un spectre générique plus vaste encore grâce à sa portée symbolique et métaphorique. Quelques exemples révélateurs en seraient L’Attaque du Grand Rapide, Edwin Porter, 1903 ; Le Cheval de Fer, John Ford, 1924 ; Liliom, Fritz Lang, 1934 ; La Garce, King Vidor, 1949 ou encore L’Inconnu du Nord Express, Alfred Hitchcock, 1951 ou les films de Jacques Tourneur.
On verra aussi que certains véhicules participent d’une inscription générique spécifique, comme par exemple les films de gangsters des années 1920 à 1930, depuis Les Nuits de Chicago de Josef von Sternberg, 1927 ou Scarface de Howard Hawks, 1932, et au-delà, avec des prolongements dans le film noir et néo-noir, chez les frères Coen entre autres.
La voiture, moyen de transport emblématique du cinéma policier du Nouvel Hollywood dans les années 1970 (Bullit, Peter Yates, 1968), se voit investie d’une nouvelle fonction spectaculaire dans des scènes de poursuite qui permettent d’appréhender l’espace urbain sous d’autres angles comme dans French Connection de William Friedkin, 1971. Dans les années 1980, l’avion participe aussi de la redéfinition d’un nouveau régime spectaculaire (Iron Eagle, Sidney Furie, 1986, etc.), même s’il était déjà présent à l’écran au temps du muet.
Ces divers moyens de locomotion se prêtent enfin à des jeux formels qui mettent en exergue la virtuosité des cinéastes.
Merci d’adresser dès que possible vos propositions de communication conjointement à Anne-Marie Paquet-Deyris , et Gilles Menegaldo
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ATELIER 14 –
Du religieux aux États-Unis : « le transitoire et le permanent »
Nathalie Caron, (Université Paris Sorbonne) et Sabine Remanofsky, (ENS Lyon)
L’historiographie américaine a, depuis Tocqueville, largement mis en valeur la convergence de la concrétisation du premier modèle démocratique moderne et les facteurs religieux de l’immigration, d’abord vers les colonies britanniques en Amérique du Nord, puis vers les jeunes États-Unis. Ont été étudiés les déplacements migratoires par-delà l’Atlantique, puis l’enracinement, dans un contexte marqué par l’idéal pluraliste, de traditions et de groupes chrétiens venus d’Europe – les puritains de Nouvelle Angleterre, les quakers de Pennsylvanie, les catholiques du Maryland, les Huguenots de Caroline du Sud étant sans doute les exemples les plus connus. Plus récemment, historiens et anthropologues se sont penchés sur les conséquences de cette transplantation sur la spiritualité des Amérindiens, sur les effets dévastateurs produits par l’acculturation, mais aussi sur les phénomènes combinatoires d’hybridation et de mimétisme. En 1955, Will Herberg dans Protestant, Catholic, Jew, attirait l’attention sur l’action du modèle américain sur le judaïsme : présent sur le sol américain depuis les années 1650, seule tradition minoritaire visible au milieu du XXe siècle, celui-ci avait intégré le creuset de l’américanité (« the triple melting pot »). Plus récemment encore, conséquence des événements tragiques de septembre 2001, l’islam a trouvé sa place dans l’histoire des migrations comme dans celle des religions aux États-Unis, aux côtés d’autres « religions du monde » (world religions) telles que le bouddhisme et l’hindouisme. C’est à présent le cas du mormonisme, notamment depuis la candidature à l’élection présidentielle de Mitt Romney en 2012.
Les thématiques du mouvement, de l’enracinement et de la fixité sont particulièrement adaptées à un examen du fait religieux aux États-Unis, « terre d’accueil » mais aussi d’ » opportunités », où ont été créées plusieurs religions ou « nouveaux mouvements religieux » qui se sont à leur tour exportés (le mormonisme et la scientologie ayant valeur paradigmatique). Dans cet atelier, nous tenterons d’identifier et d’explorer ce qui en religion est fixe de ce qui change ou évolue, à la manière, en quelque sorte, du transcendantaliste Theodore Parker, qui, dans un sermon prononcé en 1841, « Discourse on the Transient and the Permanent in Christianity », dont notre titre s’inspire, tenta de séparer l’essence de la religion des accrétions historiques qui se manifestent sous la forme des divers dogmes, liturgies ou ecclésiologies.
La notion de mouvement pourra amener à considérer celle d’enracinement, en particulier les processus par lesquels se sont formés les groupes religieux dans le Nouveau Monde, c’est-à-dire, pour les groupes indigènes comme pour les groupes transplantés, la façon dont ils se sont enracinés, adaptés, voire américanisés, ainsi que les stratégies employées pour perdurer et se propager dans un environnement non seulement hautement concurrentiel, mais également en voie de sécularisation. La question de l’exportation du modèle américain en matière de liberté religieuse ou de religions Made in America est une autre piste. L’idée de fixité pourra conduire, quant à elle, à envisager les différentes formes de refus d’adaptation ou de compromis, qu’il s’agisse de la formulation de théologies dogmatiques conservatrices, ou bien encore de l’apparition de mouvances de type fondamentaliste, car la fixité fantasmée peut alors devenir la pierre angulaire identitaire de groupes religieux confrontés à des changements brutaux et profonds. Il va de soi que mouvement, enracinement, fixité pourront être traités ensemble, de manière dialectique.
Merci d’envoyer vos propositions à Nathalie Caron , et Sabine Remanofsky
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ATELIER 15 –
Entre mouvement et enracinement : figures de l’écriture de soi en Amérique du Nord
Ada Savin, (Université Versaille-St-Quentin) et Laure de Nervaux-Gavoty, (Université Paris-Est Créteil)
L’autobiographie a souvent été décrite comme un genre consubstantiel à l’histoire des États-Unis ; dans ce pays neuf où se fonde un homme nouveau, l’écriture de soi participe pleinement au processus d’acquisition d’une identité autre. « The first West was in the East » : résumant le double mouvement fondateur de la nation américaine, la boutade de l’historien Ray Billington met en évidence une dialectique du déplacement et de l’enracinement qui donne à l’autobiographie américaine ses thèmes mais aussi ses figures.
Si l’Amérique est pour les premiers colons et pour les arrivants plus tardifs une « terre promise » où ils ont choisi d’immigrer, l’arrachement et le déplacement forcé occupent une place tout aussi importante dans l’expérience américaine. Ainsi des récits de captivité, en particulier celui de Mary Rowlandson, où les mouvements de la tribu indienne et de leur captive deviennent un principe narratif structurant et le prélude à une translation d’un autre ordre, identitaire celle-là. Au départ choisi des premiers migrants s’oppose celui, subi, des esclaves. Par leur structure ternaire – arrachement à la terre natale, traversée de l’Atlantique et déplacements sur le territoire américain – les slave narratives s’inscrivent eux-aussi dans la tradition américaine.
La découverte de l’espace américain et la description du processus d’enracinement dans les territoires de la Frontière occupent également une place centrale dans les écrits autobiographiques américains. Récits de voyageurs (Journal of Madam Knight), de pionniers (A New Home – Who Will Follow ? de Caroline Kirkland) ou d’explorateurs (The Oregon Trail de Francis Parkman) offrent autant de facettes de cette confrontation avec le territoire américain. On pourra s’intéresser aussi au mouvement inverse, vers l’Europe: en effet, nombreux sont les écrits autobiographiques d’écrivains américains, voyageurs ou expatriés (de Hawthorne à Twain, de Wharton à Hemingway ou Langston Hughes) qui, au contact avec le vieux continent, portent un regard autre sur les Etats-Unis et sur eux-mêmes.
Les récits de migrants de la première moitié du XXe siècle sont souvent, à l’image de The Promised Land (1912) de Mary Antin ou Laughter in the Jungle (1932) de Louis Adamic, le lieu de tensions entre douleur de l’exil et volonté d’enracinement. La dialectique mouvement – enracinement qui caractérise ces récits est toutefois fortement remise en question à la fin du siècle. Chez Eva Hoffman, consciente de vivre dans une Amérique éclatée, aux identités multiples, c’est la possibilité même d’un enracinement qui devient problématique (Lost in Translation,1987). Si la « Frontière » (the Frontier) a longtemps marqué l’écriture de soi américaine, c’est la frontière au sens de border, borderlands qui constitue le paradigme du « je » confronté à l’impossible enracinement, au perpétuel va-et-vient (Gloria Anzaldua, Luis Urrea, Norma Cantù, etc). Au-delà même de la frontière, c’est l’Amérique transnationale annoncée dès 1916 par Randolph Bourne qui se donne à voir au travers de nombreux récits d’exil (Gustavo Pérez-Firmat, Edwidge Danticat, Theresa Hak Kyung Cha parmi d’autres).
Si le mouvement constitue souvent un trait structurant de l’écriture autobiographique d’un sujet en exil ou d’une Amérique en plein essor et à la découverte d’elle-même, l’écriture de soi passe parfois, au contraire, par la recherche d’un point d’ancrage. Ainsi de Walden, où la quête du sens dans une Amérique matérialiste et conformiste se traduit par un déplacement fondateur et par l’enracinement dans un lieu autre, autour d’un point fixe, Walden Pond. On pourra également interroger l’immobilité et l’ancrage comme figures inhérentes à certaines formes de l’écriture de soi. Ainsi du journal intime, que l’on peut lire comme une tentative, chez Alice James ou Sylvia Plath, de fonder son identité à partir d’un point stable.
Les propositions de communication (400 mots) accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique sont à envoyer à Ada Savin , et Laure de Nervaux-Gavoty
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ATELIER 16 –
Go West, Young Woman : l’Ouest et ses récits de femmes
Claire Conilleau, (Université de Cergy) et Amy D. Wells, (Université de Caen)
Les notions de mouvement et de lieu innervent et façonnent notre lecture de la culture et la littérature américaines (Lutwack, Pétillon). De la période coloniale à la période contemporaine, le territoire américain a inlassablement été le lieu de découvertes, d’explorations, d’arpentages, et l’objet de représentations et de récits chargés de sens pour les Américains, les Américains expatriés et les étrangers. Au prisme du mécanisme transformant l’espace en lieu (Tuan), peu d’autres mythes américains sont aussi significatifs que l’Ouest. Le cadre politique de la Destinée manifeste (Sullivan) a présenté l’Ouest comme la destination finale des Américains, tissant ainsi un lien étroit entre migration et devoir citoyen (American Progress,Gast). Le mouvement vers l’Ouest, l’exploration et la Frontière – comme en témoigne l’influence durable de la Turner thesis – sont des catalyseurs et des socles pour l’imaginaire littéraire et culturel américain, tout autant que des ressorts commerciaux.
Cet aspect majeur de la vie américaine ne peut exister qu’en relation à un autre espace sur la carte, l’Est, comme les coordonnées spatiales ou les oppositions binaires reposent nécessairement sur un contraste. Ainsi, lorsque les écrivains, artistes et intellectuels américains s’expatrient au début du XXe siècle, l’appel traditionnel vers l’Ouest (« Go West, Young Man! », John B. L. Soule) est inversé, suggérant par la même qu’après la fermeture de la Frontière, la promesse de l’Ouest est, en réalité, déplacée ailleurs.
Aujourd’hui, l’Ouest américain évoque bien plus qu’une direction et un lieu vers lesquels tendre, ni même qu’une période historique voyant son terme en 1890. Il continue plutôt d’incarner l’idée de nouveaux territoires, d’espaces à défricher, de possibilités et de rêves infinis. Les productions littéraires et culturelles de l’Ouest, ou déployant l’idée l’Ouest en tant que concept, ont majoritairement été associées à un éthos masculin arrimé aux difficultés physiques, au danger, à la mobilité, à l’environnement extérieur et à la wilderness. Pourtant, l’Ouest est aussi intimement lié à des valeurs opposées comme de nouveaux peuplements, us et commencements.
Cet atelier cherche à dépasser la division traditionnellement genrée d’un espace qui assignerait les femmes à un lieu statique et privé, et les hommes à un espace public et dynamique, dans l’optique de réexaminer la place des femmes dans les récits de l’Ouest, mais aussi d’envisager quels usages elles font de l’Ouest en tant que concept ou métaphore dans leurs productions, peut-être en exploitant sa double relation au mouvement et à l’enracinement. Un autre objectif de cet atelier sera de se saisir de l’occasion que représente le congrès pour explorer de nouveaux territoires scientifiques par l’étude combinée du genre/gender et de l’espace. Aussi, les approches transdisciplinaires et les humanités numériques trouveront ici pleinement leur place.
Les propositions (300 mots, titre provisoire et brève bio-bibliographie) sont à envoyer aux deux organisatrices : Claire Conilleau , et Amy D. Wells
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ATELIER 17 –
Hic et nunc, la poésie anglo-américaine en modernité ?
Christophe Lamiot Enos, (Université de Rouen)
De prime abord, la modernité en poésie anglo-américaine se définit comme conception de la textualité (puis ses implications sociétales) au centre de la littérature. Les buts et les significations des textes ne sont plus à chercher à l’extérieur du champ de ceux-ci : la modernité se charge d’asseoir les textes qui se réclament d’elle dans leur propre logique, pour ainsi dire. Toutefois, dans le même temps (de l’histoire), à savoir la fin du XIXème siècle, pendant que la poésie de langue française cherche à atteindre un discours de généralité, voire d’universalité, les premiers modernes américains s’emploient à souligner la relation de ce qu’ils écrivent à des circonstances bien spécifiques, caractérisées suivant au moins deux axes, l’un spatial et l’autre temporel. Charles Baudelaire et Stéphane Mallarmé d’un côté de l’Atlantique. Emilie Dickinson et Walt Whitman de l’autre. Alors que Baudelaire disparaît quasiment en tant que personne dans Les Fleurs du mal, Dickinson ressort de ses poèmes comme une recluse d’Amherst, enfermée dans ou du moins hautement déterminée par des circonstances précises. D’une part, Mallarmé chante les lettres en général, d’autre part Whitman compose Leaves Of Grass pour célébrer un pays particulier (le sien). Peu de noms de lieux chez Mallarmé. Beaucoup chez Whitman. Il est tentant d’assigner tel état de faits à ce que seraient deux tendances linguistiques différentes. Le français préférerait un intellectualisme, là où l’anglais serait plus pragmatique. Mais qu’est-ce que les poètes de langue anglaise des Etats-Unis d’Amérique depuis la modernité nous disent plus précisément, quant aux fonctions et significations de la poésie/quant aux fonctions et significations qu’est la poésie, pour ce qui concerne temps et lieu ? En d’autres termes, comment conçoivent-ils la relation entretenue entre les mots d’une part, lieux et temps spécifiques d’autre part ? Leurs propres mots ? Qu’en est-il d’un hic et nunc des mots, dans la poésie en anglais des USA depuis la modernité ?
– Ezra Pound ouvre le champ d’une étude de la fabrique des mots, à partir de sa rencontre avec les travaux d’Ernest Fenollosa.
– William Carlos Williams s’occupe et dans le détail, de l’histoire d’une petite ville de l’Etat de New Jersey pour son long poème Paterson.
– Lorine Niedecker pense une forme de régionalisme à l’œuvre en poésie.
– Alan Ginsberg revêt sans difficulté le costume de barde de l’Etat de New Jersey, avant d’adouber Eliot Katz barde après lui.
– Bon nombre de poètes « language » conçoivent leurs travaux comme étroitement liés à la baie de San Francisco.
– Plus près de nous encore et bien que se voulant proche des poètes de New York de la seconde génération, Lee Ann Brown revendique son appartenance au Sud dans ses œuvres récentes.
« Hic et nunc, la poésie anglo-américaine en modernité ? » propose la question d’un hic et nunc quant à la poésie. Quelle place occuperait le rapport de celle-ci à l’ici et au maintenant, dans les processus de dissémination des textes ? Leur réception ? Quels niveaux de violence pourraient leur correspondre ? Quelles leçons, pour ce qui est d’une fabrique des mots en association avec lieux et temps donnés ?
Les propositions seront envoyées à Christophe Lamiot Enos
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ATELIER 18 –
Mobilité dans l’Amérique coloniale : migrations, mobilité sociale et économique
Elodie Peyrol-Kleiber, (Université de Poitiers) et Anne-Claire Faucquez, (Université Panthéon-Assas)
La mobilité est une notion fondamentale dans la construction de l’Amérique puisqu’elle en est à la base. En effet, sans mobilité, les territoires acquis n’auraient pu être exploités et les sociétés coloniales n’auraient pas vu le jour. La colonisation de l’Amérique, cette volonté de conquérir ces terres alors pensées comme vierges, implique bien la notion de mobilité.
Cet atelier a pour but de se concentrer sur les différentes migrations qui participèrent à la construction des colonies nord-américaines, qu’elles soient externes ou internes, volontaires ou forcés. Ces dernières eurent des conséquences à la fois dans la formation politique, économique mais également sociale et religieuse des colonies de peuplement nord-américaines et façonnèrent des identités propres à chaque région. On pense par exemple à la migration religieuse des Puritains en Nouvelle-Angleterre qui divergeait de celle des colons anglais à Jamestown, faisant de la Virginie une colonie anglicane. Ainsi, les arrivées successives de migrants provoquèrent des changements et des adaptations au sein des colonies qui connurent différentes phases de mutation et d’évolution.
Cependant, la mobilité n’implique pas seulement un mouvement physique mais englobe également la dimension d’avancement social et économique. Alors que les colonies se construisaient, la forte mortalité participait à faciliter cette mobilité dans les sociétés coloniales. Les petits planteurs pouvaient acquérir rapidement des responsabilités au sein de leur comté ou de leur colonie et parvenaient à se construire un patrimoine. Cet atelier visera à explorer la réalité de cette mobilité sociale et économique au fil des XVIIe et XVIIIe siècles.
L’atelier pourra se concentrer sur des thèmes tels que :
– les différentes vagues d’immigration externe venues d’Europe ou d’Afrique (anglaise, irlandaise, néerlandaise, française …)
– les migrations internes (depuis les Antilles, vers l’Ouest, des villes vers les campagnes et les campagnes vers la ville …)
– la mobilité forcée (engagement, esclavage)
– mobilité d’une plantation à une autre, d’un maître à un autre
– la mobilité des Amérindiens en conséquence de l’arrivée des Européens
– les liens entre la mobilité et le travail (à la fois libre et esclave)
– mobilité sociale et économique au sein d’une société coloniale (des femmes, des Noirs libres, entre générations)
Les propositions seront à envoyer à Elodie Peyrol-Kleiber , et Anne-Claire Faucquez ,
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ATELIER 19 –
Unis dans l’inertie ? Les usages de l’histoire dans les réformes américaines
Elisa Chelle, (IEP de Grenoble) et Alix Meyer, (Université de Bourgogne )
Le terme de réforme domine le vocabulaire politique américain. Au-delà de ses racines protestantes, il irrigue l’histoire Le terme de réforme domine le vocabulaire politique américain. Au-delà de ses racines protestantes, il irrigue l’histoire collective des États-Unis. Cet atelier propose de s’intéresser plus particulièrement à son acception politique afin d’étudier comment les défenseurs et les adversaires de l’idée de « réforme(s) » se sont servis de l’histoire pour défendre leurs positions idéologiques. De manière plus spécifique, il s’agira d’examiner la manière dont des versions très différentes et conflictuelles de l’histoire peuvent être formulées puis mises à profit dans l’arène politique par des acteurs politiques divers (élus, lobbies, syndicats…) pour proposer ou repousser le changement.
Trois aspects de cette problématique nous semblent particulièrement saillants.
En premier lieu, on assiste à une crise du système de partis. Dans un contexte de polarisation partisane sous l’influence du financement privé de la vie politique, la lutte politique s’apparente de plus en plus à un jeu à somme nulle entre Républicains et Démocrates. L’intensité grandissante de la compétition électorale pour convaincre un groupe toujours plus restreint d’électeurs non-alignés se manifeste par une rhétorique de campagne particulièrement agressive autour des références aux « Pères fondateurs », à « l’héritage » du New Deal ou des droits civiques.
On constate également une paralysie institutionnelle. Le respect qui entour le texte constitutionnel et ses rédacteurs n’est que rarement nuancé par le soupçon que le système des freins et contre-pouvoirs ne serait pas vraiment compatible avec la grande division partisane qui domine actuellement. Pourtant, la question de savoir dans quelle mesure le poids du passé devrait continuer à gêner le changement politique est au cœur du débat entre conservateurs et progressistes.
Enfin, ce poids de l’histoire est aussi visible dans le phénomène de « dérive » des politiques publiques (policy drift) décrit par Jacob Hacker et Paul Pierson. Certains secteurs, comme les politiques de santé, sont dominés par des « effets d’ornières » (path dependence) qui font que l’action publique n’est pas tant guidée par la volonté présidentielle, la majorité au Congrès ou l’opinion publique mais bien plutôt par les conséquences, souvent fortuites, des réformes précédentes. Ainsi, l’inertie induite par le système des freins et contre-pouvoirs tend à amplifier l’importance du passé au détriment potentiel du présent.
Les stratégies politiques consistent à mobiliser le plus grand nombre de ressources pour surmonter ces blocages mais aussi pour les mettre à profit afin d’empêcher des réformes. En ce sens, réformer n’implique pas nécessairement un changement structurel et, même lorsqu’il s’agit de modifier l’ordre existant, le processus peut s’étaler sur des décennies. La lenteur qui caractérise le système américain est une autre facette de la relation complexe qu’il entretient avec le passé.
Au final, malgré la véhémence des affrontements discursifs auxquelles se livrent les candidats, et malgré le battage médiatique autour des « raz-de-marée » électoraux, au niveau national, la politique que conduit le gouvernement américain est marquée du sceau d’une grande continuité. Dans le schéma fédéral, la capacité d’impulsion du centre est limitée par les (contre)pouvoirs déployés en périphérie. La base idéologique et politique du pays continue ainsi de circonscrire le rôle de l’État fédéral et de laisser la part belle de l’expérimentation aux États fédérés que Louis Brandeis a surnommé « laboratoires de la démocratie ». Le contraste avec les blocages actuels à Washington rend encore plus saisissant les capacités réformatrices des États (mariage homosexuel, dépénalisation du cannabis…)
Pour développer ces pistes de réflexions, nous espérons des contributions qui s’intéresseraient à l’influence du passé sur les évènements et les débats politiques contemporains ainsi que des études historiques centrées, par exemple, sur les usages de l’histoire par les réformateurs progressistes à la fin du XIXe siècle. Des propositions autour des aspects institutionnels ou des études de cas sur une ou plusieurs politiques publiques qui révèleraient le degré de stabilité du système politique et la mobilisation partisane de l’histoire seraient aussi particulièrement bienvenus.
Merci d’envoyer le titre et le résumé de votre proposition à Elisa Chelle et Alix Meyer
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ATELIER 20 –
Ces concepts qui voyagent
Mathieu Duplay, (Université Paris Diderot) et Jagna Oltarzewska, (Université Paris Sorbonne)
Dans un essai intitulé « Traveling Theory », Edward Said observait en 1983 que « la circulation des idées et des théories est une réalité inéluctable, mais aussi un réel bienfait pour l’activité intellectuelle ». Dans les années 1970, la French Theory a beaucoup voyagé. Elle s’est propagée au sein de l’université américaine, où les constellations conceptuelles issues du structuralisme et du post-structuralisme ont donné lieu à de nombreuses controverses, renouvelé la critique littéraire et alimenté le discours émergent de ce que nous connaissons aujourd’hui sous l’appellation de cultural studies. Vingt ans après la parution du volume où figurait ce texte de Said, Mieke Bal notait à son tour, pour s’en féliciter, que les concepts avaient tendance à voyager d’une discipline à l’autre ; à ses yeux, ces transferts conceptuels indiquaient la voie à suivre afin d’élaborer les méthodologies les mieux adaptées aux formes d’interdisciplinarité qui caractérisent les cultural studies. Au cours des vingt années écoulées entre la publication de ces ouvrages, deux nouveautés majeures sont intervenues. D’une part, la révolution numérique a permis l’échange rapide d’informations entre les disciplines et au sein de chacune d’entre elles ; les frontières institutionnelles et nationales se sont faites de plus en plus poreuses, tandis que les protocoles de lecture connaissaient des transformations significatives. D’autre part, le cultural turn (Fredric Jameson, 1998) s’est mis à exercer une influence de plus en plus intense sur l’imaginaire collectif, notamment (mais pas exclusivement) au sein de l’institution universitaire. Pour Jameson, ce phénomène représente « une mutation culturelle lourde de conséquences, au terme de laquelle ce qui était nauguère dénoncé comme relevant du commerce ou de la culture de masse a acquis droit de cité dans un domaine culturel aux contours élargis et renouvelés ». Dans le contexte de l’économie numérique, les concepts se comportent comme des condensés de savoir. Compacts, mobiles, faciles à citer, ils circulent plus facilement que des corpus théoriques de grande ampleur, qui nécessitent une attention soutenue ; tels des voyageurs sans bagages, ils apportent leur concours à la réflexion sans contrepartie apparente. Les concepts se disséminent volontiers par-delà les frontières culturelles les mieux établies, quitte à se réinventer en cours de route ; en témoigne l’exemple du chef étoilé qui, devant les caméras de la télévision, « déconstruit » la recette de l’éclair au chocolat. A mesure que les sciences humaines et sociales se transforment sous l’effet du cultural turn, les objets d’étude se diversifient à tel point que les recommandations méthodologiques de Mieke Bal paraissent rationnelles et crédibles. Néanmoins, tous ces phénomènes ne laissent pas de susciter plusieurs interrogations, qui pourraient faire l’objet de communications dans le cadre du présent atelier.
1. Dans le premier chapitre de Qu’est-ce que la philosophie ?, Deleuze et Guattari soulignent que les concepts ont une histoire ainsi qu’un avenir. Pour eux, tout concept se présente comme une multiplicité, comme une configuration de singularités entre lesquelles s’instaurent des relations complexes. Quelles conséquences peut avoir le recours à des concepts décontextualisés (ou aussi peu contextualisés que possible) au service de la réflexion sur les faits de culture ? Mieke Bal met en garde contre la tentation de la « diffusion », par quoi elle entend « ce qui résulte de l’“application” injustifiée et inconsidérée des concepts », ou encore le recours au concept « à titre de simple appellation, non dans l’intention d’expliquer ou de préciser les enjeux de la réflexion, mais dans le seul but de les nommer ». Bal donne l’exemple du concept de « trauma », qui est couramment utilisé pour désigner sans distinction toutes les expériences douloureuses alors que cet usage non réfléchi retire à ce terme toute sa puissance de conceptualisation. A strictement parler, rappelle Bal, le concept de trauma théorise l’impact psychique d’événements si écrasants que le sujet n’est plus du tout en mesure de les appréhender comme des expériences vécues, si pénibles soient-elles. On pourrait développer une argumentation du même type à propos de la « déterritorialisation », terme désormais employé comme un synonyme approximatif (mais glamour) de « déplacement », de « déracinement » ou de « dérive existentielle », notamment en études postcoloniales ou en diaspora studies. La déperdition est importante : plus rien n’évoque la fin des codages répressifs, le devenir-autre ni les lignes de fuite menant vers un pur dehors non codé. En revanche, le bénéfice est nul.
2. Les concepts à la mode sont-ils complices de contextes que l’on s’abstient de nommer ? Said souligne que la prédominance de termes tels que « texte » ou « textualité » dans le discours de la critique littéraire américaine des années 1970 a coïncidé avec l’essor du reaganisme, et qu’elle est contemporaine d’» un spectaculaire virage à droite en matière d’économie, de services sociaux et de syndicalisme ». Peut-on observer aujourd’hui des phénomènes du même ordre (par exemple à propos des concepts de « performance » et de « performativité », actuellement très répandus) ?
3. Quels sont les concepts qui voyagent des Etats-Unis vers la France dans la conjoncture actuelle, et pourquoi le font-ils (pourquoi ceux-là) ? On a le sentiment d’assister à la « réponse », voire à la « riposte » des Etats-Unis après le triomphe de la French Theory dans les dernières décennies du vingtième siècle. Butler, Gilligan et Jameson sont présents en traduction dans toutes les bonnes librairies. De nombreux travaux ont été consacrés au concept de care élaboré par Carole Gilligan. Le succès qu’il rencontre actuellement dans les diverses disciplines des sciences humaines fait-il sens dans une conjoncture que caractérisent la crise économique, l’austérité budgétaire, le rejet massif de la politique et l’essor de l’extrême-droite populiste ?
Examinée au cas par cas, l’importation de concepts isolés que l’on met au travail dans des contextes parfois très différents de celui qui leur a donné naissance peut passer pour un phénomène relativement localisé qui n’entraîne pas de conséquences de grande ampleur (alors que l’on ne peut assister à la réappropriation d’un corpus théorique dans sa totalité sans aussitôt soupçonner un changement de paradigme capable de transformer toute une discipline). Cette impression s’avère pourtant trompeuse, car le recours de plus en plus fréquent à des notions exogènes finit par mettre en cause les frontières disciplinaires, conformément à ce qu’attend une institution universitaire elle-même en pleine transformation.
De plus en plus, les chercheurs en littérature américaine font preuve d’un grand intérêt pour des notions issues d’autres disciplines parfois très éloignées, qu’elles appartiennent au domaine des sciences humaines et sociales ou, dans certains cas, à celui des sciences « dures ». Parfois, cette démarche est motivée par la recherche d’outils adaptés à l’étude de corpus émergents qu’il est impossible de ranger dans les catégories traditionnelles ; mais il arrive aussi que l’enjeu consiste à jeter un éclairage inédit sur des textes canoniques à une époque où la critique littéraire peine à formuler par elle-même des théorisations innovantes. Ainsi, on peut être frappé par l’importance croissante que la recherche américaniste accorde à la notion de deep time, employée en géologie pour caractériser des échelles temporelles sans commune mesure avec les quelque quatre cents ans qui se sont écoulés depuis la création des premières colonies européennes en Amérique du Nord (cf. Wai Chee Dimock, Through Other Continents : American Literature Across Deep Time,2008).
Susceptible, à terme, de renouveler profondément la discipline, cette tendance lourde rencontre une demande de l’institution qui valorise de plusieurs manières la « transdisciplinarité » : à travers le financement de programmes de recherche et le regroupement ou la fusion de laboratoires, de départements ou d’UFR ; mais aussi à travers à la mise en place de formations professionnalisantes de haut niveau qui nécessitent une collaboration entre universitaires (notamment littéraires) et acteurs du monde socio-économique autour d’enjeux théoriques majeurs, sous l’influence de la recherche en cultural studies. Ces projets souvent d’un grand intérêt ne sont réalisables que si se met en place une lingua franca, un répertoire de concepts circulants dont la polysémie est mise au service de discours parfois très différents, via un travail d’explication et de négociation qui tend à les redéfinir, parfois de manière très subtile.
Si féconde qu’une telle entreprise puisse être, plusieurs questions ne s’en posent pas moins quant à la fonction de ces emprunts ou transferts conceptuels.
1. S’agit-il de faire disparaître des frontières devenues caduques, d’estomper des lignes de partage dont la pertinence n’apparaît plus avec évidence ? (Et si tel est le cas, cela a-t-il pour conséquence d’affranchir la réflexion critique ou au contraire de la mettre en conformité avec ses nouvelles conditions institutionnelles ?)
2. Ou bien s’agit-il au contraire de faire apparaître la nécessité de ces frontières, éventuellement après les avoir déplacées ? Ces formes de diffraction sémantique peuvent-elles être pensées comme des modalités du « contact » au sens des anthropologues, c’est-à-dire comme le signe qu’un rapprochement s’est opéré entre des aires culturelles différentes, éventuellement au prix d’une lutte pour la domination et le pouvoir ?
3. La notion de « voyage » (« traveling concepts ») peut renvoyer, dans certains contextes, à l’utopie néo-libérale de la « libre circulation » des biens, des idées et des personnes ; or dans la pratique aucun voyage ne se déroule à travers un espace parfaitement lisse et homogène, et il n’y a pas d’itinéraire qui ne passe par des points de surveillance et de contrôle. Où se situent-ils en l’occurrence, et de quelle nature est le tri qui s’y opère ?
REFERENCES
Edward SAID: “Traveling Theory”, The World, the Text and the Critic, 1983.
Mieke BAL: Travelling Concepts in the Humanities, A Rough Guide, 2002.
Gilles DELEUZE, Félix GUATTARI: « Qu’est-ce qu’un concept ? » Qu’est-ce que la philosophie ?, 1991.
Birgit NEUMANN, Ansgar NÜNNING, eds. : Travelling Concepts for the Study of Culture, 2012.
Les propositions seront envoyées à
Mathieu Duplay , et Jagna Oltarzewska
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ATELIER 21 –
Vagabonds et vagabondage de la littérature américaine
Alice Béja, (Revue Esprit) et Pierre-Antoine Pellerin, (Université J. Moulin Lyon-3)
La figure du vagabond (tramp, hobo, bum) est un des topoï les plus prégnants de la littérature américaine. Sous de multiples avatars, du poète itinérant de Walt Whitman aux errances des écrivains Beat, en passant par les enfants voyageurs de Mark Twain, les aventuriers de Jack London ou les travailleurs migrants de John Steinbeck, cette figure apparaît comme un archétype, comme la quintessence de l’identité américaine, fondée sur l’idée de mobilité et de progrès. En même temps, elle se situe en sa marge, et représente un danger potentiel, en tant qu’elle est le véhicule d’une critique des normes sociales et le vecteur de pratiques moralement ou légalement répréhensibles : le vagabond, « sans feu ni lieu » selon l’expression policière, est alors assimilé à l’étranger « sans foi ni loi », et incarne une menace pour un enracinement toujours précaire dans le sol mouvant de l’Amérique.
La figure du « hobo », travailleur itinérant, émerge dans la seconde moitié du 19e siècle dans l’imaginaire populaire comme dans les œuvres littéraires, dans un contexte d’augmentation de la pauvreté urbaine et de l’immigration suite à la guerre de Sécession ; l’errance est souvent présentée comme un trait héréditaire, qu’il soit ethnique ou social (voir Horatio Alger, Tony, the Tramp, 1876). Au début du 20e siècle, l’image du vagabond devient plus positive, associée à l’esprit pionnier et à l’aventure virile, notamment à travers les œuvres de Jack London (The Road, 1907), avant que la Grande dépression ne transforme cette mobilité symbole de liberté en expulsion forcée ; le vagabond n’est plus nécessairement un homme seul, des familles entières errent sur les routes, comme chez Steinbeck, Grace Lumpkin ou Nelson Algren. C’est après la Seconde Guerre mondiale que le « hobo » redevient un idéal littéraire et politique, son style de vie une condamnation implicite de l’ordre bourgeois et d’un système répressif, notamment chez les écrivains de la Beat generation. Mais cette idéalisation quelque peu romantique intervient, comme le décrit Jack Kerouac, au moment même où les « hobos » eux-mêmes sont en voie de disparition (« The Vanishing American Hobo », 1960). Plus récemment, le hobo est devenu le paradigme narratif d’une exploration des marges oubliées de la société américaine chez des écrivains journalistes comme Edward Hoagland, John McPhee, Ted Conover ou encore William T. Vollman.
Que fait le vagabond à la littérature ? Est-il le paradigme d’une ligne de fuite de la fiction, d’une « dé-territorialisation » que Gilles Deleuze associe à la littérature anglo-américaine, à ces « hommes qui savent partir, brouiller les codes, faire passer des flux » ? Ou participe-t-il au contraire d’une forme de réification, de « fixation » sclérosante de la promesse américaine, un idéal commode de liberté héroïque incarné par un personnage d’homme blanc ? Dès lors, qu’arrive-t-il à la figure du vagabond lorsque ces hommes dont parle Deleuze sont des hommes noirs (voir par exemple Ralph Ellison, « Hymie’s Bull », 1937) ou des femmes (voir Ben Reitman, Sisters of the Road : The Story of Boxcar Bertha, 1937) ?
A l’analyse du personnage du vagabond, de la manière dont sa mobilité perpétuelle conforte ou inquiète l’imaginaire américain vient s’ajouter l’étude du vagabondage de l’écriture, de la manière dont cette figure instable et mouvante travaille les genres et les styles, que l’on songe aux multiples récits de vagabondage, à la frontière entre fiction, reportage et autobiographie (voir Jack Black, You Can’t Win, 1926, ou Jim Tully, Beggars of Life, 1924) ou à la manière dont les écrivains ont utilisé le vagabondage pour faire éclater les formes fixes ou transformer le genre romanesque (refus de la progression linéaire, montage narratif, oralité de l’écriture). Au libre vagabondage du narrateur sur les routes répond alors le vagabondage de l’écriture qui trouble les codes littéraires.
Les propositions seront adressées à
Alice Béja et Pierre-Antoine Pellerin
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ATELIER 22 –
Occuper l’espace : Territoires, mouvements et contestations politiques
Claire Delahaye , (Université Paris Est-Marne-la-Vallée) et Hélène Quanquin, (Université Sorbonne Nouvelle Paris
Des conventions des abolitionnistes avant la guerre de Sécession à la Ford Hunger March de 1932 aux sit-ins dans les années 1960, en passant par les « invasions » des cliniques par les militants anti-avortement et les occupations plus récentes organisées par le mouvement Occupy, les mouvements de contestation aux Etats-Unis ont développé diverses modalités d’occupation de l’espace.
Cet atelier se propose d’analyser la façon dont, de la Révolution jusqu’à nos jours, les différents types de contestations politiques aux Etats-Unis sont liées à une occupation physique de l’espace particulière, qu’elle soit statique (sit-ins, picketing, rassemblement) ou en mouvement (marches, défilés, parades, manifestations). Ces modalités d’occupation participent de la construction d’un territoire réel et symbolique, urbain ou rural, à des échelles différentes, aux niveaux local, régional, national et transnational.
Les communications pourront s’intéresser aux thèmes suivants :
– Aspect organisationnel de ces occupations de l’espace (choix du trajet et éventuellement du lieu d’occupation, composition du cortège, service d’ordre …)
– Répression et protection au niveau institutionnel (répression policière, création de zones tampons ou « protégées » …)
– Résistances et ripostes à ces occupations (émeutes, contre-manifestations …)
– Représentations artistiques et documentaires de ces occupations de l’espace (photographie, cinéma …)
Cet atelier s’intéressera aux mouvements tant progressistes et radicaux (droits civiques, féminisme, altermondialisme, Occupy) que conservateurs, voire réactionnaires (anti-avortement, mouvements masculinistes).
Les propositions seront envoyées à Claire Delahaye et Hélène Quanquin
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ATELIER 23 –
Mouvement, enracinement et fixité dans les musiques populaires américaines : Roots & Routes
David Diallo, (Université de Bordeaux) et Elsa Grassy, (Université de Strasbourg)
Aux États-Unis, les discours sur la musique – art réputé immatériel –font rarement l’économie de références au lieu. Nommer les « musiques populaires américaines » (expression qui recouvrira ici les musiques commerciales non classiques et non folkloriques des XXe et XXIe siècles), c’est avant tout les situer dans l’espace. Qu’il s’agisse de leur attribuer une ville ou une région d’origine, ou de les placer dans un décor typique, elles font l’objet d’une sorte d’opération de traçabilité visant à établir une origine américaine culturelle contrôlée, sans laquelle elles deviennent suspectes : dans le contexte des industries culturelles, l’origine géographique agit comme un antidote à l’inévitable dimension commerciale de la musique. Il est ainsi plus fréquent, pour un même sous-genre musical, de voir employés les termes New Orleans jazz, urban blues, Southern soul, San Francisco sound et West Coast rap plutôt que leurs équivalents agéographiques traditional jazz, electric blues, deep soul, psychedelic rock ou gangsta rap. Au-delà du nom, c’est toute la description et l’évaluation de la musique américaine qui prend appui sur l’enracinement des courants dans le territoire national, qu’il s’agisse de leur localisation spécifique (géographie des lieux) ou thématique (géographie des types d’espaces). La palette des références géographiques dans le discours musical comprend régions (Sud, Appalaches, Ouest), États (Mississippi, Tennessee), rues et quartiers (Beale Street à Memphis, Storyville à la Nouvelle-Orléans), mais aussi la notion de « local » (par exemple, pour le rap, le « quartier », totem de l’identité communautaire, ou « hood »), et les dichotomies Nord/Sud, côte Est/côte Ouest et ville/campagne.
Cet atelier portera sur le rapport riche et complexe qu’entretiennent les musique populaires avec les lieux américains, dont elles sont à la fois la cause et la conséquence – ce qu’on pourrait désigner du terme de « géomusicalité ». Expressions des communautés associées avec une région (le Delta du Mississippi pour un des premiers types de blues, le Sud et les Appalaches pour la country), une ville (Seattle pour le grunge ou la Nouvelle-Orléans pour le jazz hot) ou un type d’espace (les inner cities pour le rap, la ville pour tous les types de jazz), elles créent le lieu et façonnent les identités géographiques autant qu’elles en sont le produit. Le rock des Beach Boys nourrit l’imaginaire de la Californie autant que le rap de NWA a permis à leur ville d’origine, Compton, de prendre de l’épaisseur symbolique en apparaissant sur la carte imaginaire des lieux musicaux américains. La territorialisation musicale a atteint son apogée avec le rap, dont la logique est celle d’une revendication de l’identité géographique, résumée par le verbe represent : les rappeurs ne sont pas des artistes isolés, mais les champions de leur ville ou de leur quartier (le ‘hood), dont ils font le matériau même de leurs morceaux.
Dans notre atelier, nous interrogerons le rapport qu’entretiennent les musiques populaires avec leur source géographique, ainsi que la façon dont elles ont évolué dans l’espace. Le lieu d’origine confère aux artistes et aux courants une authenticité culturelle (cultural authenticity) selon l’expression de Hugh Barker et Yuval Taylor dans Faking It : The Quest for Authenticity in Popular Music. A l’inverse, il sera difficile pour un artiste formé hors de la région d’origine d’une musique d’être reconnu comme crédible. Ainsi on peut considérer que le lieu d’origine des artistes et des musiques est pleinement un critère permettant de vérifier leur conformité au genre. Nous accepterons toutes les communications portant sur la construction d’une authenticité musicale à partir de l’enracinement dans un lieu porteur de l’esprit de la musique, mais aussi celles qui montreront comment un artiste peut compenser une « anomalie » géomusicale, lorsqu’il s’exprime dans un idiome qui ne correspond pas à son terroir.
D’autre part, il existe une authenticité personnelle que traduisent les concepts de « keeping it real » (en rap), « knowing your roots » en country. Pour un artiste, rester attaché à sa ville ou son quartier d’origine, c’est rendre hommage au contexte culturel dans lequel il ou elle s’est formé(e) et rester fidèle au public qui a soutenu ses débuts. Les références à l’histoire personnelle, la fierté liée à des origines géographiques et sociales permettent à l’artiste, une fois devenu « star », de se prémunir contre d’éventuelles accusations de fausseté et de superficialité. Dans certains cas, cette idéologie pousse les artistes à ne pas quitter leur ville ou leur région d’origine et à continuer d’être produit et enregistré par des labels indépendants locaux. Ce qui se cache derrière ces authentifications, c’est une idéologie « folk » qui n’assigne de valeur à la musique que si elle reste expression culturelle désintéressée, par opposition aux produits de l’industrie.
Enfin, on pourra s’interroger sur la façon dont les musiques façonnent le lieu et tracent des itinéraires. Le San Francisco de Haight Ashbury attire les pèlerins, comme le Delta des bluesmen des années 1930, mais aussi le Compton du gangsta rap ou les scènes rock des années 1990. Le lieu musical met les fans en mouvement, et leur confère authenticité (celle du capital culturel) et inspiration : de nombreux artistes disent avoir ressenti une fois sur place un esprit du lieu dont sont nés des morceaux. Ces effets évoquent la loi de la contagion, mise en évidence par James Frazer, selon laquelle le pèlerin au contact du lieu sacré, se purifie et bénéficie de son pouvoir magique. Plus pragmatiquement, l’un des effets de ces migrations est d’effectuer des regroupements stylistiques à même de renforcer les associations géomusicales préexistantes.
Enfin, on pourra s’intéresser à la mise en valeur de l’histoire musicale des villes et des régions dans le cadre de politiques culturelles et économiques locales. Les municipalités considèrent les scènes musicales comme le signe d’un dynamisme culturel, à même d’attirer des entreprises, mais surtout, le patrimoine musical fait l’objet d’une mise en valeur touristique. La commercialisation de l’histoire musicale est depuis le début des années 1980 un des axes principaux de développement économique de nombreuses villes américaines, et elle est devenue vitale pour les villes du Sud rural des États-Unis, qui ont peu d’autres ressources à exploiter. La ville de Clarksdale, réputée pour avoir joué un rôle important dans l’évolution du blues du Delta, est devenue la seule ville du Mississippi à avoir enregistré une hausse importante du revenu qu’elle tire de ses taxes à la vente ces dernières années, en raison de l’afflux de touristes qu’elle a connu après la construction d’un musée du blues et la matérialisation du croisement entre les routes 61 et 49, où le bluesman Robert Johnson aurait vendu son âme au diable. Il s’agit bien ici d’une géomusicalité appliquée : les localités transforment le paysage afin qu’il devienne la copie conforme de son double musical imaginaire. En cela, la production de l’image musicale touristique procède, comme la commercialisation des artistes, de la recherche de l’authentique, et comme elle, elle est sujette à manipulations. Cependant, ses effets sur le lieu soulèvent davantage de polémiques, car elle y rentre en conflit avec l’usage de l’espace urbain et la formation des identités locales.
Bibliographie
BARKER, Hugh and Yuval TAYLOR. Faking It: The Quest for Authenticity in Popular Music. New York: Norton, 2007.
HEINE, Heinrich. ‘But What is Music?’ (1837), The Works of Heinrich Heine, vol.4, University of Michigan Library, 1891, 242.
SMITH, Adam, ‘Of the Nature of That Imitation Which Takes Place in What Are Called the Imitative Arts’, Essays on Philosophical Subjects, in William P. D. Wightman et J. C. Bryce (Dir.), Works and Correspondence of Adam Smith, vol. III, Indianapolis: Liberty Fund, 1982, http://oll.libertyfund.org/title/201/56033, accessed November 4, 2014.
STARR, Larry and Christopher WATERMAN. American Popular Music: From Minstrelsy to MP3. Oxford University Press, 2007.
Les propositions, en français ou en anglais, de 300 mots maximum, ainsi qu’une courte biographie sont à envoyer à David Diallo , et Elsa Grassy avant le 31 janvier 2015.
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ATELIER 24 –
Visualiser la mémoire : photographie, images en mouvement et positionalité des minorités raciales
Sarah Fila-Bakabadio, (Université de Cergy)
Cet atelier propose d’explorer le rôle des images fixes et en mouvement mobilisées par les minorités raciales pour penser ou (ré)inventer leurs mémoires culturelles, sociales et politiques. Le propos est d’abord de saisir le sens des images dans les politiques de représentations mis en œuvre par les minorités raciales aux Etats-Unis. Il est également de dépasser l’opposition entre photographie et image en mouvement pour ne plus seulement les considérer comme des supports de l’histoire mais comme des espaces dynamiques où se mêlent des appartenances, des subjectivités et des imaginaires.
Trois questions guideront notre analyse.
La première porte sur les représentations visuelles du ou des territoires des origines de ces minorités. En mars 1911, sur la couverture de la revue de la NAACP, The Crisis, l’Afrique apparaissait sous les traits d’un égyptien ancien et d’une série de hiéroglyphes. Au cours de l’histoire afro-américaine, les références au « Continent », l’ont régulièrement résumé à quelques objets et images : des masques, du tissu kente ou des statuettes de la fertilité étaient accompagnés de photographies de Masaï dansants ou de reenactments d’un village africain « traditionnel » peuplé de personnage tels Kunta Kinte. De l’université aux médias ou aux rues de Harlem, les images de ce lieu de mémoire (Nora 1984) de l’héritage afro-américain en a progressivement essentialisé l’histoire, les populations et les cultures. Elles sont devenues des symboles des racines africaines des Afro-Américains. Ces derniers ont, parmi d’autres minorités, « re-présenté » leur Afrique afin de raconter leur version d’une histoire noire correspondant à leur lutte dans le contexte américain. Dès lors, on peut se demander si un processus similaire est l’œuvre dans d’autres minorités raciales aux Etats-Unis. Quelles images du ou des territoire(s) des origines ont-elles produites ou produisent-elles ? Quels sont les symboles visuels représentant ces territoires ? Comment la photographie les fixe-t-elle dans un temps historique qui, aux Etats-Unis, doit à la fois incarner une continuité culturelle et les marqueurs d’une identité communautaire américaine ?
Cette interrogation ouvre vers une seconde question : quels furent/sont les usages politiques de la photographie parmi les minorités raciales ? Nombreux furent les militants issus des minorités qui utilisèrent la photographie pour se positionner dans l’espace politique américain. Frederick Douglass a représenté sa trajectoire d’esclave à homme libre par la photographie, tandis que W. E. B. Du Bois a lui aussi employé la technique du portrait pour confirmer son statut de penseur de la cause noire. On se souvient également de la mise en scène d’un jeune et marxisant Huey Newton qui, en 1967, est photographié assis dans un fauteuil en rotin, les pieds posés sur une peau de zèbre, tenant d’une main un fusil et de l’autre une lance africaine. Tous ont pensé leur apparence et les postures de leur corps comme des outils de leurs discours politiques sur le court et le long termes. L’image devient un « instrument du changement social » (Wexler 2012). Il sera intéressant de saisir comment la photographie a permis aux minorités raciales aux Etats-Unis d’inventer une positionalité politique inédite. Quels codes visuels, quelle grammaire visuelle ont-ils développé pour représenter un idéal d’eux-mêmes ou de la race ? Comment ont-ils redessiné la relation entre l’Operator, le Spectator et la cible (Barthes 1980) pour donner plus de poids à leurs revendications ?
La dernière question évoquera le rôle d’archives de la photographie et des images en mouvement. L’objet est ici de les considérer non seulement comme des instruments de conservation du passé mais également comme des espaces en migration qui connectent des lieux et des hommes aux Etats-Unis vers les Amériques, l’Afrique, l’Europe et l’Asie. Sur les traces de Tina Campt qui analysait la photographie vernaculaire de familles noires allemandes (2012), nous tenterons de comprendre comment la fixité apparente de la photographie dit la mobilité des trajectoires familiales et communautaires depuis et vers les Etats-Unis. Comment leurs migrations passées et présentes furent/sont-elles visuellement incarnées ?
Les sujets des communications pourront notamment aborder les thèmes suivants :
– Les usages politiques de l’image
– Images et géographie culturelle de l’espace atlantique
– Archives visuelles et circulation des représentations
– Mémoires communautaires et grammaire visuelle
Les propositions de communications doivent être adressées sous la forme d’un résumé de 300 à 400 mots à Sarah Fila-Bakabadio
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