Congrès AFEA 2010 – « De la nature à l’environnement »
– 8 juillet 2009 : date limite des propositions d’ateliers (texte en français et en anglais);
– 20 juillet : annonce de la liste des ateliers ;
– 25 octobre : date limite de proposition de communication aux directeurs d’ateliers.
Le thème central de ce congrès propose de s’interroger sur le passage de la notion de « nature » — historiquement construite et idéologiquement connotée — à celle d’« environnement », utilisée plus fréquemment de nos jours pour étudier les rapports entre l’humain et le non-humain dans la civilisation et la littérature des États-Unis. Il s’agira de préciser la perception des nouveaux enjeux, notamment écologiques et politiques, qu’implique le choix de ce nouveau terme.
Au cours du XIXe siècle, les États-Unis ont pris conscience de posséder une nature exceptionnelle, sur laquelle ils ont partiellement assis leur identité nationale et leur supériorité sur l’Europe. Colorée par les conceptions pastorale et romantique, la perception de la nature s’est trouvée entraînée par l’idéologie américaine et transformée en une sorte de religion. Dans les dernières décennies du siècle, lorsque le patrimoine naturel a subi une importante exploitation destructrice et que la fin de la frontière a signifié la conquête de l’ensemble du territoire, il est apparu urgent de sauvegarder au moins un minimum de sites, en créant des parcs nationaux afin que les générations à venir puissent encore se faire une idée de ce que les premiers colons avaient vu « à l’origine ». Au XXe siècle, les progrès des connaissances scientifiques ont entraîné la protection de sites moins spectaculaires, mais importants du point de vue écologique. La création de ces réserves révèle que la nature a cessé d’être perçue de façon homogène : on distingue des zones aux fonctions diverses — pour l’agriculture, l’exploitation minière, les loisirs, la mémoire.
La notion d’environnement qui se substitue fréquemment laisse entendre ce qui est autour, les environs, les alentours, c’est-à-dire les conditions naturelles dans lesquelles les organismes vivants se développent. L’environnement paraît conçu d’abord dans ses rapports avec l’homme, selon une relation proche, vitale, plus concrète, voire plus sensuelle. Réfléchir à l’environnement conduit à s’intéresser à la façon d’habiter la terre, de concevoir, d’aménager et de protéger cet indispensable entourage non-humain ; c’est envisager l’enracinement dans un lieu spécifique que l’on s’approprie, mais qui dépend aussi de la qualité de zones plus lointaines, dont l’air, l’eau ou le climat influent localement. La réflexion est conduite à se pencher sur l’indissoluble interpénétration de l’humain et du non-humain dans ses aspects politiques, économiques, scientifiques ou esthétiques.
On s’interrogera sur la primauté humaine dans laquelle la notion d’environnement semble souvent figée : la place de l’homme au centre est-elle la seule, voire la meilleure façon de penser la relation entre l’humain et le non-humain ? Peut-on se passer de la notion de nature dans les grands débats locaux, régionaux et internationaux sur la protection de l’environnement ?
Parmi les multiples sujets possibles, on pourra traiter :
– l’intégration de la végétation dans l’espace urbain (banlieues résidentielles, jardins, parcs, murs ou toits de la nouvelle architecture) ;
– l’intérêt pour la tradition des commons, terrains communaux qui lient les hommes à un espace naturel possédé et géré par la collectivité ;
la reconversion dans l’Ouest de zones rurales désertées en sites d’éco-tourisme (rewilding) ;
– l’évolution de la protection de la nature, non plus au nom de la mémoire, mais en fonction d’enjeux écologiques ;
le rôle et (peut-être) les droits des animaux dans une nature devenue environnement ;
– dans le cadre d’une réflexion sur l’environnement, les frontières entre les différentes zones de nature gardent-elles leur pertinence ?
comment définir la notion même d’environnement dans un monde globalisé ?
– comment mettre en regard la spécificité de la tradition américaine et la globalisation des politiques environnementales ? Une politique environnementale nationale a-t-elle encore un sens dans ce contexte ? Quels sont les défis posés à l’environnementalisme américain quand le bilan des Etats-Unis dans ce domaine est perçu de façon largement négative à l’étranger ?
Dans le domaine littéraire, depuis Walden, œuvre qui consacre tant de pages à l’habitation d’un milieu naturel particulier, de nombreux écrivains américains ont tenté de dire leur enracinement dans une région dont ils ont senti la fragilité. La relation à l’environnement n’est d’ailleurs pas réservée aux œuvres centrées explicitement sur cette thématique.
– nature writing / environmental imagination : le choix des mots est-il indifférent ou implique-t-il une perspective différente ? Peut-on voir dans nature writing une résistance à la notion d’environnement ?
Quelle est la pertinence des critères qui définissent selon Lawrence Buell les – « textes environnementaux »? Des écrivains contemporains se sont-ils référés explicitement à ses analyses ?
– Que devient pour l’écrivain la valorisation de ce qui est sauvage dans un monde où tout ou presque a été cultivé, humanisé ?
– Quelle est l’incidence de la réflexion scientifique environnementale dans les textes à visée littéraire ?
– Quel est, dans l’imaginaire littéraire, le rôle du local, de l’enracinement dans un lieu ?
À la suite de remarques formulées lors de discussions à Besançon, il nous paraît nécessaire de préciser que le thème du congrès de Grenoble (Bulletin n° 79, novembre 2008), centré sur la notion d’environnement, vise à élargir le débat qui a pu être perçu comme trop centré sur la place de la nature, rurale ou sauvage, dans la culture des États-Unis ; à penser la présence du non-humain dans de nouveaux territoires (villes et banlieues) où les enjeux de préservation et de réaménagement paraissent vitaux, au moment où la vie locale semble toujours plus menacée par des forces agissant au niveau global. Situé à la croisée de chemins entre esthétique et politique, il conduit à réenvisager la façon d’habiter les États-Unis.