A l’occasion d’un congrès de l’AFEA dont le lieu sera Montpellier, nous suggérons à nos collègues A Turn in the South et leur proposons de se tourner vers le Sud ou plutôt vers les Suds.
Sud singulier, Suds pluriels. Clin d’œil à Jacques Darras, poète, américaniste et traducteur du nord, intitulant jadis un numéro de sa revue in’hui : « Nords singuliers, Nord pluriel ».
Sud singulier
Cela fait bientôt vingt ans qu’est parue, sous la double direction de Charles Reagan Wilson et de William Ferris, la Encyclopedia of Southern Culture (1989).
Vingt-quatre sections la constituaient : agriculture, art et architecture, classes sociales, condition féminine, culture populaire, droit et lois, environnement, géographie, histoire et coutumes, industries, langues, littérature, loisirs, mass média, médecine et santé, mosaïque ethnique, musique, (les) Noirs, religion, Sud mythique, système éducatif, urbanisation, vie politique, violence.
Qu’aurait à dire aujourd’hui sur ces chapitres la communauté des américanistes ? Quels nouveaux contenus, quelles nouvelles approches, tant du passé que du présent ? Par exemple, le religieux est-il en train d’éluder le politique ? Le changement climatique est-il en train d’initier une mutation économique ?
Quels nouveaux éclairages pourrions-nous apporter aux ‘questions de toujours’?
Voilà l’interrogation qui pourrait servir de cadre à ce congrès, accompagnant, en quelque sorte, la parution échelonnée, commencée en 2006, des vingt-quatre volumes de The New Encylopedia of Southern Culture, sous la seule égide de Charles Reagan Wilson.
Quel Sud ?
Si l’objet historique « Sud » défini comme l’ensemble des anciens états sécessionnistes reste un champ d’investigation incontestable et très vivant comme en témoigne la vigueur des « Southern Studies » aux Etats-Unis, il est néanmoins aussi presque de tradition de se demander si la spécificité de la région est aujourd’hui suffisamment marquée pour justifier un champ d’étude autonome. Parallèlement à la poursuite de la recherche dans le champ historique, l’un des objectifs de ce congrès pourrait être de redessiner les contours mouvants du domaine.
L’œuvre de Cormac McCarthy, divisée à part presque égales entre le Sud dans son acception historique et le Sud-Ouest illustre la perméabilité des frontières de l’entité « Sud ». La longitude serait-elle désormais plus pertinente que la latitude ?
Sud(s) pluriel(s)
Outre l’indication que l’on concevra le Sud dans sa diversité, la marque de pluriel attachée à « Sud » devrait aussi être entendue comme invitant au dépassement des frontières des Etats-Unis. Le Sud des Etats-Unis peut évidemment s’entendre comme nord de la Caraïbe et de l’Amérique du sud.
Mais d’autres Suds intéressent l’Amérique : le Pacifique-Sud, le Pôle Sud (depuis Arthur Gordon Pym). Peut-on éviter la référence à l’Irak ? Plus généralement, quelle géostratégie préside aux choix des Etats-Unis, puissance économique et militaire pivot des relations Nord-Sud ?
Quel est le poids des Suds non-états-uniens dans la géographie des investissements des entreprises américaines ? Quid des Suds investis par les écrivains américains : Grèce, Italie, Languedoc, Maroc, Mexique, Provence et bien d’autres encore ? Pacotille ou profondeur ?
Qu’a été et qu’est aujourd’hui la Méditerranée des Américains ? Celle rêvée par l’Antillais Derek Walcott ? Ou toujours celle qui inspira au Southern Agrarian Allen Tate un de ses poèmes les plus célèbres ? Dans la diachronie, les Etats-Unis ont été une destination privilégiée des émigrants du sud de l’Europe. Qu’en est-il, au 21e siècle, des Italiens-Américains ainsi que de tous les Américains « à trait d’union » issus de l’Europe méridionale et d’autres Suds qui désormais semblent importer plus?
Le (s) Sud(s) et les autres
En attendant, le Sud n’est pas South of No North (Bukowski).
Quel regard portent et ont porté sur le Sud des Etats-Unis ceux qui n’en sont pas ou n’en étaient pas originaires ? Quelles images du Sud le cinéma véhicule-t-il et a-t-il véhiculé ? Quels sont les Suds des auteurs qui n’en viennent ou n’en reviennent pas ? Le Sud attire-t-il ? Quels flux circulent entre le Sud et le reste des Etats-Unis et quel sens ont ces flux ? Quelles sont la nature et la qualité des liens entretenus aujourd’hui avec le reste de la nation ? Les Etats-Unis, ainsi que l’on disait dans la dernière décennie du 20e siècle, se « sudifient » -ils ?
Est-ce l’image d’un Sud de l’ouverture ou de la fermeture qui prévaut ?
Y voit-on encore une région repoussoir qui pose la question des relations entre les communautés ethniques et raciales de la façon la plus brutale ?
Ou bien le Sud est-il perçu comme continuant sous d’autres formes une tradition de l’ouverture intellectuelle ? McCarthy encore : ce « glen » du dernier paragraphe de The Road (2006) rappelle-t-il lointainement l’influence du Scottish Enlightenment ou bien est-il la trace d’un repli du Sud sur une fiction? Jadis pépinière de figures et de penseurs politiques, force présidant aux grandes réorientations de la politique nationale, le Sud démontre-t-il aujourd’hui un essoufflement de son inspiration, conséquence de son « mainstreaming » ?
On l’aura compris, ce sujet ne peut qu’attirer un large public. Que l’on souhaite ou non remettre en question l’existence de ce Sud, ou de ces Suds, que le Sud soit singulier ou pluriel, que l’on s’intéresse au Sud pluriel, aux Suds singuliers ou à bien d’autres Suds que celui (ou ceux) des Etats-Unis, que ces Suds soient géographiques ou métaphoriques, qu’il soient d’Amérique ou d’ailleurs, que l’on s’intéresse au Sud au non-Sud(s) ou à l’anti-Sud(s), l’on ne peut pas ne pas trouver sa place dans la thématique que nous proposons ici.
Venues de littéraires, linguistes, spécialistes des arts visuels ou non, du cinéma, de la culture populaire, historiens, géographes, urbanistes, sociologues, politologues, toutes les propositions seront les bienvenues.
Nous accueillerons dans un premier temps des propositions d’ateliers et des propositions individuelles de communications. Celles-ci seront à envoyer au plus tard pour le premier septembre.
Veuillez adresser toute proposition, qu’elle soit en littérature ou en civilisation, à la fois à Vincent Dussol et Nathalie Dessens.