Congrès AFEA 2010 — « De la nature à l’environnement »
Le thème central de ce congrès propose de s’interroger sur le passage de
la notion de « nature » – historiquement construite et idéologiquement
connotée – à celle d’« environnement », utilisée plus fréquemment de nos
jours pour étudier les rapports entre l’humain et le non-humain dans la
civilisation et la littérature des États-Unis. Il s’agira de
préciser la perception des nouveaux enjeux, notamment écologiques et
politiques, qu’implique le choix de ce nouveau terme.
Au cours du XIXe siècle, les États-Unis ont pris conscience de posséder
une nature exceptionnelle, sur laquelle ils ont partiellement assis leur
identité nationale et leur supériorité sur l’Europe. Colorée par les
conceptions pastorale et romantique, la perception de la nature s’est
trouvée entraînée par l’idéologie américaine et transformée en une sorte
de religion. Dans les dernières décennies du siècle, lorsque le
patrimoine naturel a subi une importante exploitation destructrice et
que la fin de la frontière a signifié la conquête de l’ensemble du
territoire, il est apparu urgent de sauvegarder au moins un minimum de
sites, en créant des parcs nationaux afin que les générations à venir
puissent encore se faire une idée de ce que les premiers colons avaient
vu « à l’origine ». Au XXe siècle, les progrès des connaissances
scientifiques ont entraîné la protection de sites moins spectaculaires,
mais importants du point de vue écologique. La création de ces réserves
révèle que la nature a cessé d’être perçue de façon homogène : on
distingue des zones aux fonctions diverses – pour l’agriculture,
l’exploitation minière, les loisirs, la mémoire.
La notion d’environnement qui se substitue fréquemment laisse entendre
ce qui est autour, les environs, les alentours, c’est-à-dire les
conditions naturelles dans lesquelles les organismes vivants se
développent. L’environnement paraît conçu d’abord dans ses
rapports avec l’homme, selon une relation proche, vitale, plus concrète,
voire plus sensuelle. Réfléchir à l’environnement conduit à
s’intéresser à la façon d’habiter la terre, de concevoir, d’aménager et
de protéger cet indispensable entourage non-humain ; c’est
envisager l’enracinement dans un lieu spécifique que l’on s’approprie,
mais qui dépend aussi de la qualité de zones plus lointaines, dont
l’air, l’eau ou le climat influent localement. La réflexion est conduite
à se pencher sur l’indissoluble interpénétration de l’humain et du
non-humain dans ses aspects politiques, économiques, scientifiques ou
esthétiques.
On s’interrogera sur la primauté humaine dans laquelle la notion
d’environnement semble souvent figée : la place de l’homme au centre
est-elle la seule, voire la meilleure façon de penser la relation entre
l’humain et le non-humain ? Peut-on se passer de la notion de nature
dans les grands débats locaux, régionaux et internationaux
sur la protection de l’environnement ?
Parmi les multiples sujets possibles, on pourra traiter:
– l’intégration de la végétation dans l’espace urbain (banlieues
résidentielles, jardins, parcs, murs ou toits de la nouvelle architecture) ;
– l’intérêt pour la tradition des commons, terrains communaux qui lient
les hommes à un espace naturel possédé et géré par la
collectivité ;
– la reconversion dans l’Ouest de zones rurales désertées en sites
d’éco-tourisme (rewilding) ;
– l’évolution de la protection de la nature, non plus au nom de la
mémoire, mais en fonction d’enjeux écologiques ;
– le rôle et (peut-être) les droits des animaux dans une nature devenue
environnement ;
– dans le cadre d’une réflexion sur l’environnement, les frontières
entre les différentes zones de nature gardent-elles leur
pertinence ?
– comment définir la notion même d’environnement dans un monde globalisé?
– comment mettre en regard la spécificité de la tradition américaine et
la globalisation des politiques environnementales ? Une politique
environnementale nationale a-t-elle encore un sens dans ce contexte ?
– Quels sont les défis posés à l’environnementalisme américain quand le
bilan des Etats-Unis dans ce domaine est perçu de façon largement
négative à l’étranger ?
Dans le domaine littéraire, depuis Walden, oeuvre qui consacre tant de
pages à l’habitation d’un milieu naturel particulier, de nombreux
écrivains américains ont tenté de dire leur enracinement dans une région
dont ils ont senti la fragilité.
La relation à l’environnement n’est d’ailleurs pas réservée aux oeuvres
centrées explicitement sur cette thématique.
– nature writing / environmental imagination: le choix des mots est-il
indifférent ou implique-t-il une perspective différente? Peut-on
voir dans nature writing une résistance à la notion d’environnement?
– Quelle est la pertinence des critères qui définissent selon Lawrence
Buell les « textes environnementaux »? Des écrivains contemporains
se sont-ils référés explicitement à ses analyses?
– Que devient pour l’écrivain la valorisation de ce qui est sauvage dans
un monde où tout ou presque a été cultivé, humanisé?
– Quelle est l’incidence de la réflexion scientifique environnementale
dans les textes à visée littéraire?
– Quel est, dans l’imaginaire littéraire, le rôle du local, de
l’enracinement dans un lieu?
À la suite de remarques formulées lors de discussions à Besançon, il
nous paraît nécessaire de préciser que le thème du congrès de Grenoble
(Bulletin n° 79, novembre 2008), centré sur la notion d’environnement,
vise à élargir le débat qui a pu être perçu comme trop centré sur la
place de la nature, rurale ou sauvage, dans la culture des États-Unis ;
à penser la présence du non-humain dans de nouveaux territoires (villes
et banlieues) où les enjeux de préservation et de réaménagement
paraissent vitaux, au moment où la vie locale semble toujours plus
menacée par des forces agissant au niveau global. Situé à la
croisée de chemins entre esthétique et politique, il conduit à
réenvisager la façon d’habiter les États-Unis.
Calendrier:
– date limite des propositions d’ateliers : 8 juillet 2009
annonce de la liste des ateliers: 20 juillet
– date limite de proposition de communication aux directeurs d’ateliers: 25 octobre
Envoi des propositions à Yves Figueiredo, Michel Granger et Thomas Pughe.