Motions votées par le bureau de l’AFEA juillet 2020

Le bureau de l’AFEA a voté les motions suivantes le 8 juillet 2020.

Motion pour un plan de création pluriannuel de postes de titulaires à l’université, et contre la LPPR

A l’issue de la campagne de recrutement 2020, le bureau de l’AFEA constate qu’en l’absence d’un plan adéquat de création de postes alors que la démographie étudiante explose, et du fait du budget insuffisant consenti par l’État aux universités, trop de jeunes docteur.e.s ne peuvent pas trouver de postes de MCF, alors même qu’ils et elles ont de brillants dossiers. La multiplication de postes de contractuels LRU, que la LPPR se propose de transformer en nouvelle norme, est une attaque frontale et massive sur le statut d’enseignant.e-chercheur.e. Obliger au service d’un.e MCF titulaire, voire au double de ce service, mais sans la garantie de l’emploi, la sécurité économique, et les droits qu’ont les MCF fonctionnaires, c’est délibérément précariser toute une génération et toute l’université, et la faire basculer inexorablement vers un système de type américain ou anglais, où la titularisation ou tenure est l’exception, réservée au professeur.e.s, tandis que les jeunes docteur.e.s tenure-track – terme qui appelle d’ores et déjà son complément inévitable et majoritaire des non-tenure-track resteront précaires. Nous rejetons cette politique de précarisation massive. 
Le comité d’éthique du CNRS vient par ailleurs de pointer, ce 1er Juillet 2020,  les effets discriminatoires de la LPPR: “De plus, la précarité programmée des personnels de la recherche, touchant notamment les femmes et les jeunes, n’est favorable ni à la recherche de base, qui nécessite le temps long, ni au travail dans une ambiance sereine, coopérative et productive.” https://comite-ethique.cnrs.fr/1932-2/
Nous exigeons donc des postes de MCF et de PR à la hauteur des besoins, partout sur le territoire. Lorsque des titulaires partent à la retraite, il faut que leur poste puisse être publié l’année suivante, et que les universités n’aient pas à les geler faute de financements pérennes. Lorsqu’ils sont vacants pour un an, ces emplois de titulaires doivent permettre la signature de contrats d’ATER tant qu’un.e titulaire fonctionnaire n’aura pas été recruté.e. S’agissant des postes de PRAG, qui n’ont pas vocation à remplacer les postes de MCF, précisément parce que l’université doit former des enseignant.e.s-chercheur.e.s dont la recherche nourrira les enseignements, le bureau de l’AFEA dit sa colère de voir proposer des postes de contractuels à 384h annuelles, c’est-à-dire des postes de CDD précaire dont le service horaire est exactement celui de titulaires agrégé.e.s détaché.e.s dans l’enseignement supérieur. 


Motion de soutien aux doctorant.e.s ayant signé un contrat doctoral ou un contrat d’ATER et qui essuient un refus de détachement de la part du rectorat.
Le refus de détachement (ou de disponibilité) par les rectorats de doctorant.e.s ayant signé un Contrat Doctoral (CD) ou un contrat d’ATER, ou d’agrégé.e.s en poste dans le secondaire ayant obtenu un poste de PRAG, n’est pas simplement une violence faite à tel ou telle jeune agrégé.e détaché.e dans le supérieur pour y entamer un doctorat, c’est une manière aussi d’assécher le vivier de la recherche dans nos disciplines, de mettre en tension des filières entières dans les universités, et d’augmenter le taux d’échec notamment en première année, les d’universités n’ayant alors d’autre choix que de faire appel à des trop nombreux vacataires précaires, et qui n’ont pas le temps nécessaire, avant et pendant leur prise de poste, de se former à la charge qui leur incombe. 

Motion contre la certification des langues par des organismes privés payés avec l’argent public et pour la défense du CLES.
Le décret du 3 avril 2020 qui rend obligatoire, pour toutes les licences, la certification en anglais, est une triple atteinte à notre profession: atteinte à notre défense sans relâche du plurilinguisme; détournement de l’argent public vers le privé, l’État payant désormais des certifications privées du type TOEIC; désaveu de la spécialisation de nos collègues formés au CLES et donc à la certification des langues au sein des universités. Pourquoi le CLES, service public, ne peut-il pas continuer à jouer son rôle, à moindres frais, littéralement, métaphoriquement, et symboliquement? Rappelons qu’une action est en cours devant le Conseil d’État, l’AFEA et la SAES et d’autres membres du GALET rejoignant les associations de nos collègues spécialistes de LANSAD. Voir le dossier d’analyse de nos collègues de la SAES ici:https://www.dropbox.com/s/26t37ireviswdqz/DOSSIER%20ANALYSE%20et%20PR%C3%89CONISATIONS-AvecAnnexes.pdf?dl=0

Motion contre le “suivi de carrière”
La LPPR vise évidemment à augmenter la précarisation de tout.e.s, ajoutant au dispositif de tenure-track pour les jeunes docteur.e.s (et visant ainsi l’extinction du corps entier des MCF), la modulation des services des enseignant.e.s-chercheur.e.s titulaires, sans consentement de l’intéressé.e. Le bureau de l’AFEA redit ici son opposition totale à cette logique néo-managériale mortifère, qui consiste à sans cesse faire travailler davantage les universitaires qui cumulent déjà trop de tâches (enseignement, recherche, charges administratives collectives, appels à projets chronophages). Le bureau de l’AFEA rappelle aussi à tout.e.s ses adhérent.e.s que le CNU section 11 refusera d’examiner les dossiers dits de “suivi de carrière”.

Motion contre les frais d’inscription élevés pour les étudiant.e.s étranger.e.s extracommunautaires
Le bureau de l’AFEA réitère son opposition à l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant.e.s hors Union Européenne et s’indigne de la décision du Conseil d’État du 1er juillet 2020: les étudiants extracommunautaires devront payer 2 770 euros pour s’inscrire à une licence (contre 170 euros aujourd’hui) et 3 770 euros pour un master ou un doctorat (contre 243 euros et 380 euros aujourd’hui). Nous allons constater un dommageable repli des savoirs, des échanges, et des pratiques, sans les apports d’expérience des étudiant.e.es venu.e.s d’autres parties du monde, puisque cette décision revient à restreindre notre public étudiant à nos frontières hexagonales. D’une part, l’imposition de frais élevés aux étudiant.e.s extra-européen.ne.s est xénophobe au sens littéral du terme, comme nous l’avons dit dès la création du programme “Bienvenue in France” (sic), mais elle est aussi inique. Il est donc prévisible que d’ici peu (dans quelques mois ou quelques années), un autre jugement imposera, au nom de l’égalité, que tou.te.s les étudiant.e.s en France paient de tels droits d’inscription. 
C’est faire basculer inexorablement l’enseignement supérieur vers le grand marché privatisé qui figurait au programme de campagne présidentielle d’Emmanuel Macron et que préconisait son conseiller Robert Gary-Bobo. Le désinvestissement de l’État depuis la LRU, la sélection à l’entrée de l’université instaurée par Parcoursup en 2018, la précarisation massive des personnels (via les contrats de mission) et le financement inégalitaire de la recherche que programme la LPPR sont autant d’étapes que cette augmentation des frais d’inscription pour les étudiants hors UE vient compléter. La prochaine et dernière étape sera la hausse de frais pour tout.e.s et l’instauration de prêts étudiants. On ne saurait trop conseiller à nos adhérent.e.s de voir ou revoir le documentaire Étudiants, l’avenir à crédit de Jean-Robert Viallet (Arte, 2016).

Motion pour une rentrée en présentiel
Le bureau de l’AFEA s’associe à la tribune de la CP-CNU “Pour une rentrée en présentiel” et appelle à la signer très largement. 
http://chng.it/BkW52xHd

L’enseignement à distance est en effet un outil précieux pour celles et ceux qui n’ont pas d’autre choix parce qu’ils et elles sont par exemple salarié.e.s à plein temps loin d’un campus, ou candidat.e.s à des formations spécifiques depuis l’étranger ou d’autres régions de France, mais il n’est pas l’avenir de l’université et ne doit en aucun cas être envisagé comme l’alternative low-cost à des recrutements de titulaires, à la rénovation de campus existants et à la construction des 40 campus qui auraient pu absorber l’augmentation prévisible de la démographie étudiante. La crise sanitaire ne doit pas être prétexte à un basculement durable de ce qu’est l’université, un lieu d’enseignement, de recherche, de sociabilité, de brassage des populations dans leur diversité. Nous rappelons par ailleurs, concernant cette diversité, que c’est le rôle de l’université, et des sciences humaines et sociales tout particulièrement, que d’enseigner la réalité des inégalités et de les analyser à la fois dans une perspective historique et de manière croisée et intersectionnelle. Ce n’est pas en taisant les inégalités que nous préparerons un meilleur avenir pour la jeunesse de notre pays.

Scroll to Top