Le PDF ci-dessus reprend la liste des ateliers, présentée en intégralité sur cette page.
- Atelier 1 Dans l’ombre de Maurice Edgar et Gaston — Passeurs méconnus et canon(s) littéraire(s) au XXe siècle
- Panel #1 In the shadow of Maurice Edgar and Gaston — Forgotten mediators and literary canon(s) in the 20th century
- Atelier 2 L’adaptation au cinéma et à la télévision : légitimité, autorité, canon
- Panel #2 Film and television adaptation: legitimacy, authority, canonicity
- Atelier 3 L’État américain avec et après Trump : (il)légitimité des institutions et pratique(s) du politique
- Panel #3 The American State with and after Trump: (il)legitimate Institutions and Political Process(es)
- Atelier 4 Gestes cartographiques : le canon poétique américain à l’épreuve de l’espace
- Panel #4 Cartographic Gestures: Putting the American Poetic Canon to the Test of Space
- Atelier 5 Confer : mais pour quoi faire ? Stratégies référentielles, entre légitimité et jeu d’autorité
- Panel #5 When texts refer to other texts: playing with legitimacy and redefining authority through textual references
- Atelier 6 « The world is full of books that narrate the deeds and utter the praises of men » : Écritures et réécritures canoniques de l’histoire du long 19e siècle étatsunien au prisme des figures « éminentes »
- Panel #6 “The world is full of books that narrate the deeds and utter the praises of men”: (re)writing the historical canon of the long 19th century through the United States’ “eminent” figures
- Atelier 7 « Not ‘regular’ TV » : contestation et légitimation en séries
- Panel #7 “Not ‘regular’ TV” : negotiating the canon in serial productions
- Atelier 8 Légitimité, autorité et canons dans le domaine écocritique et écopoétique
- Panel #8 Legitimacy, Authority, and Canons in Ecocriticism and Ecopoetics
- Atelier 9 Illégitime, non-canonique, un vrai gâchis de papier : le rôle de l’échec dans la culture de l’imprimé aux États-Unis
- Panel #9 Illegitimate, uncanonical, and “a total waste of paper”: failures in US print culture
- Atelier 10 L’évolution des canons hollywoodiens
- Panel #10 The evolution of Hollywood canons
- Atelier 11 Légitimité(s) politique(s) en temps de crise
- Panel #11 Political legitimacies in time of crisis
- Atelier 12 Can the master’s tools ever dismantle the master’s house? Récits canoniques, récits alternatifs et contre-récits LGBTQ+.
- Panel #12 Can the Master’s Tools Ever Dismantle the Master’s House? LGBTQ+ Canonical, Alternative, and Counter-narratives in the US
- Atelier 13 La mort de l’auteur–le retour (fiction, poésie, arts visuels)
- Panel #13 The death of the author–redux (fiction, poetry, visual arts)
- Atelier 14 Faire, défaire, refaire le canon poétique
- Panel #14 Making, Unmaking, Remaking the poetic canon
- Atelier 15 Crise de légitimité des médias traditionnels : négocier l’autorité
- Panel #15 Mainstream media’s legitimacy crisis: negotiating authority
- Atelier 16 Anthologies, canons et contre-canons
- Panel #16 Anthologies, canons, and counter canons
- Atelier 17 Contre-légitimités modernistes: les expatriés américains et le monde nocturne de l’entre-deux-guerres en France (1919-1939)
- Panel #17 Modernist counter-legitimacies: American expatriates and French nightlife between the wars (1919-1939)
- Atelier 18 Canon(s) transnationaux en Amérique : diasporas, mobilités et déplacements dans les arts
- Panel #18 Transnational canonicity in America: diasporas, mobilities, and placelessness in the arts
- Atelier 19 Les autobiographies militantes et politiques : stratégies de légitimation et postures d’autorité
- Panel #19 Activist and Political Autobiographies: Legitimation Strategies and Postures of Authority
- Atelier 20 Argentique canonique ? Qui sont les photographes ?
- Panel #20 The photographic canon? Photographers and Practices in Perspective
- Atelier 21 Les destinées historiques comme fondement de la légitimité : le genre biographique dans la culture populaire
- Panel #21 Historical destinies as the foundation of legitimacy: the biographical genre in pop cultural studies
- Atelier 22 « Beating My Head Against the Wall » : Légitimité, autorité, canons dans la musique et la danse américaines (19ème-21ème siècles)
- Panel #22“Beating My Head Against the Wall “:Legitimacy, Authority, and the Canon in American Music and Dance (19th-21st Centuries)
- Atelier 23 Les nouvellistes américains et la nouvelle comme institution culturelle aux États-Unis
- Panel #23 American short story writers and the American short story as cultural institution
- Atelier 24 Féminiser le Western au 21st siècle : Légitimer le discours féminin et défier l’autorité masculine
- Panel #24 Feminizing the Western in the 21st Century : Legitimizing Female Discourse and Challenging Male Authority
- Atelier 25 Alliances et allié·es du socialisme : dynamiques de légitimation des socialismes états-uniens
- Panel #25 “Alliances and allies of socialism: legitimization dynamics of American socialisms”
- Atelier 26 L’histoire orale et les enjeux de la légitimité historique
- Panel #26 Oral history and historical legitimacy
- Atelier 27 Des canons négatifs : “mauvaises” anthologies de poésie et anthologies de “mauvaise” poésie
- Panel #27 Negative canons: “bad” anthologies of poetry, anthologies of “bad” poetry.
- Atelier 28 Le nouveau canon de la politique étrangère américaine : quelle légitimité ?
- Panel #28 What is the legitimacy of the new canon of US foreign policy?
Légitimité, Autorité, Canons / Legitimacy, Authority, Canons
APPELS A COMMUNICATIONS/ CALLS FOR PAPERS
Atelier 1 Dans l’ombre de Maurice Edgar et Gaston — Passeurs méconnus et canon(s) littéraire(s) au XXe siècle
Cécile Cottenet (Aix-Marseille Université) et Peggy Pacini (CY Cergy Paris Université)
La relation « spéciale » entre la France et la littérature des États-Unis illustrée encore récemment par le magazine America, est depuis longtemps avérée. En défendant, dans La République mondiale des Lettres (1999), l’idée que Paris fut un méridien de Greenwich de la littérature mondiale, Pascale Casanova mettait en avant l’importance de « grands intermédiaires transnationaux (…), grands cosmopolites souvent polyglottes, (…) [qui] sont en effet des sortes d’agents de change, des ‘cambistes’ chargés d’exporter d’un espace à l’autre des textes dont ils fixent, par là même, la valeur littéraire » (37). De fait, le processus de canonisation ainsi décrit en termes économiques auquel participent ces « cambistes » ne saurait être dissocié du champ littéraire et éditorial français dans lequel interagissent ‘cambistes’ et intermédiaires professionnels de l’édition dont beaucoup restent méconnus.
L’exemple le plus célèbre – et mythique – du rôle de l’espace littéraire et éditorial français dans la canonisation de la littérature états-unienne est certainement celui de William Faulkner, consacré dès les années 1930 à Paris, mais seulement à partir du milieu des années 1940 outre-
Atlantique. L’histoire littéraire, et les archives d’éditeurs, montrent ce que cette canonisation doit à l’articulation du travail du traducteur (Maurice Edgar Coindreau), de l’éditeur (Gallimard), des « prescripteurs » (Valéry Larbaud et André Malraux, par le biais de leurs préfaces respectives à Sanctuaire [1934] et Tandis que j’agonise [1933]), mais aussi des critiques, Sartre au premier plan, qui hissa Faulkner au panthéon de génies du roman comprenant Dostoïevski, Kafka, Stendhal, et Dos Passos. Dans l’ombre, cependant, d’autres « passeurs » œuvrèrent au transfert et à la consécration de Faulkner, et de bien d’autres auteurs états-uniens : on pense, dans ce sillage, à Michel Mohrt, au service de traductions chez Gallimard en 1957, à Jean Paulhan, l’un des premiers interlocuteurs de Coindreau à la NRF dès le début des années 1930, ou encore à l’agence littéraire William A. Bradley.
Interrogeant les dimensions historique et économique de la littérature, cet atelier vise à identifier ces médiateurs éditoriaux méconnus, français ou étrangers installés en France, à éclairer et à analyser au long du XXe siècle leur rôle effectif dans la consécration française et parfois ultérieurement outre-Atlantique, de la littérature des États-Unis ; à mettre au jour les interactions, harmonieuses ou conflictuelles, les réseaux tissés par ces intermédiaires au sein des champs éditoriaux français et états-unien. On notera que tous ne furent pas des découvreurs, et l’on peut imaginer que dans bien des cas, la canonisation de certaines œuvres outreAtlantique avait précédé, et de fait, entraîné, leur passage en France.
Une attention particulière, mais non exclusive, sera portée aux éditeurs, directeurs éditoriaux, critiques, directeurs de collection mais également de revues, et agents littéraires. L’atelier cherchera, dans la mesure du possible, à présenter un ensemble de cas diversifiés, tant au plan du genre (gender) des auteurs et des intermédiaires, qu’à celui de leur identité « ethnoraciale », et à celui du genre littéraire. Sera également encouragé le décentrement vers des pôles éditoriaux extérieurs à Paris.
Les propositions de communications (abstract de 300 à 400 mots + brève biobibliographie) sont à envoyer à Cécile Cottenet, Aix-Marseille Université (cecile.cottenet@univ-amu.fr) et Peggy Pacini, CU Cergy Paris Université (peggy.pacini@cyu.fr) au plus tard le 17 janvier 2022.
Panel #1 In the shadow of Maurice Edgar and Gaston — Forgotten mediators and literary canon(s) in the 20th century
As illustrated even recently by the French magazine America, the « special » relation between France and US literature is long-standing. In the World Republic of Letters (2004 for the English translation), Pascale Casanova developed the idea of Paris as a “Greenwich meridian” of world literature while emphasizing the importance of “[t]he great, often polyglot, cosmopolitan figures of the world of letters [who] act in effect as foreign exchange brokers, responsible for exporting from one territory to another texts whose literary value they determine by virtue of this very activity” (21). Described in such economic terms, the process of canonization in which these “exchange brokers” participate cannot be disconnected from the French literary and publishing fields where ‘brokers’ and professional publishing intermediaries interact. And yet, many of these intermediaries remain in the shadows.
The case of William Faulkner, first acclaimed in Paris in the 1930s, before achieving fame in his home country a decade later, is perhaps the most famous – and mythical – example of the role the French literary and publishing fields played in canonizing US literature. Literary history, and publishers’ archives, reveal that this was the result of the combined work of his translator (Maurice Edgar Coindreau), his publisher (Gallimard), literary prescribers (Valéry Larbaud and André Malraux, who respectively authored the French prefaces to Sanctuary [1934] and As I Lay Dying [1933]); and eventually of critics, including Sartre who anointed Faulkner a genius, alongside novelists Dostoevsky, Kafka, Stendhal, and Dos Passos. Not as well known in this capacity, other “passeurs/ mediators” also worked at importing and canonizing Faulkner and countless other US authors—Michel Mohrt, for Gallimard’s Foreign Rights department, Jean Paulhan, one of Coindreau’s first contacts at the NRF in the early 1930s, or literary agent William A. Bradley, to name but a few.
Viewing literature in the 20th century from historical and economic perspectives, this panel will seek to identify within the publishing world some of these forgotten French or expatriate mediators, their role in the canonizing of US literature in France, and possibly later in the United States, their interaction with one another, their influence on and role in local and transatlantic networks both in the French and US publishing fields. Inarguably, all did not “discover” authors, and in many cases, US canonization had in fact preceded, and led to, their importation to France.
While a particular focus will be placed on publishers, editors (book, series, or review editors), critics, and literary agents, other professions will also be considered. The organizers wish to bring together a diversified array of case studies, both in terms of the ethnicity and gender of authors and mediators, and of literary genre. Speakers are also encouraged to explore French print culture outside of Paris.
Proposals (abstract of 300 to 400 words + short bio-bibliography) are to be sent to Cécile Cottenet (cecile.cottenet@univ-amu.fr ) and Peggy Pacini (peggy.pacini@cyu.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 2 L’adaptation au cinéma et à la télévision : légitimité, autorité, canon
Shannon Wells-Lassagne et Candice Lemaire (Université de Bourgogne)
La préoccupation constante que portent le cinéma et la télévision aux questions de légitimité fait écho à leur pratique de l’adaptation. Aux prémices de ces deux formes d’art, l’adaptation se pensait comme une manière de légitimer la capacité d’un film à retranscrire les récits les plus iconiques à l’écran, tandis que la télévision américaine recouvrait des bénéfices plus financiers liés à l’adaptation—prétextant le passage à l’écran d’émissions radio célèbres (Gunsmoke, I Love Lucy, The Goldbergs) pour encourager l’achat de téléviseurs, finançant ainsi la transition des grandes chaines (CBS, ABC, NBC) d’un support à l’autre. En établissant cette distinction entre talent artistique et bénéfices commerciaux, c’est l’affrontement entre l’argent et l’art que ces deux media métaphorisent et que les trois concepts connexes de légitimité, autorité et canon ont en partage. La légitimité s’obtient soit par la canonisation de certains réalisateurs en auteurs, inscrivant leur œuvre dans le canon filmique, soit par le succès de la vente de places, d’abonnements ou d’encarts publicitaires : un paradoxe récemment repris par Martin Scorsese dans sa dénonciation de l’impact des productions Marvel sur le paysage filmique.
L’adaptation, quant à elle, n’a que rarement atteint le même niveau de légitimité que son texte source, se trouvant trop souvent reléguée à un rôle subalterne, sauf dans le cas où la source nous est inconnue (Die Hard, Mars Attacks!), où la notoriété du réalisateur finit par gommer cette question de l’origine (Rebecca, et la plupart des films de Hitchcock), voire les deux (Casablanca, It’s a Wonderful Life, 2001 : A Space Odyssey). Dans sa quête de légitimité, à la fois en tant que discipline et champ d’étude, l’adaptation s’est toujours affrontée aux questions d’autorité et de canon : quel rôle joue l’auteur d’un texte source dans une adaptation ? Quel égard doit-on à un texte canonique que l’on transpose ?
Le thème choisi pour le présent congrès semble donc particulièrement pertinent pour réfléchir à l’adaptation audiovisuelle. Les communications pourront porter sur les axes suivants sans pour autant s’y restreindre (une telle liste n’est bien entendu pas exhaustive) :
– L’affirmation ou la remise en question du caractère et de l’interprétation canoniques d’un texte source. A ce titre, Fargo et son adaptation télévisuelle, ou encore l’adaptation filmique et télévisuelle des Watchmen en sont de bons exemples. On peut également songer aux nombreuses réinterprétations filmiques et télévisuelles d’auteurs canoniques tels que Jane Austen ou William Shakespeare : Pride and Prejudice and Zombies, Upstart Crow….
– La question de la légitimité des sources des œuvres adaptées, ou le support choisi pour cette adaptation. On pourra ainsi s’interroger sur les web-séries adaptées de textes reconnus comme Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu, aux jeux vidéo et leur rapport à l’adaptation et à leur source (The Witcher), ou enfin au lien entre le produit dérivé et la narration transmédia.
– L’influence de l’auctorialité sur l’adaptation filmique et télévisuelle, ou les relations conflictuelles entre un auteur et son adaptation. J.K. Rowling ou encore Andrew Lloyd Webber constituent de récents exemples d’auteurs désavouant (ou désavoués par) leur création et leur équipe de création initiale.
Seront acceptées les communications en anglais ou en français, d’une durée de 20 minutes. Les propositions de communications seront à envoyer avant le 17 janvier 2022. Elles devront inclure le titre de la communication ainsi qu’un résumé (environ 200 mots, en anglais ou en français, sous forme d’un document Word enregistré sur le modèle « AFEA2022 + votre nom »), une brève notice biobibliographique, votre affiliation universitaire et vos coordonnées.
Les propositions devront être envoyées aux deux adresses suivantes : shannon.wellslassagne@u-bourgogne.fr et candice.lemaire@u-bourgogne.fr.
Panel #2 Film and television adaptation: legitimacy, authority, canonicity
Film and television’s long-held concerns with questions of legitimacy are intrinsically linked to their practice of adaptation: in their infancy as art forms, adaptation was a way to prove film’s ability to portray the most iconic stories on screen, while arguably American television made obvious the more financial benefits associated with adaptation, using the screen transposition of well-known radio shows (Gunsmoke, I Love Lucy, Dragnet, The Goldbergs) to lure people into buying a television to finance the national networks’ (CBS, ABC, NBC) move from one medium to the other. In this foregrounding of aesthetic artistry and commercial benefits, the two media ultimately represent the struggle of money versus art shared by these three overlapping disciplines. Legitimacy can be found in the canonization of certain directors as auteurs, enshrining their work in the canon of film history – or it can be found in the financial manna of ticket, ad, or subscription sales, a paradox recently highlighted by Martin Scorsese’s comments on Marvel films and their effect on filmmaking as a whole.
Adaptation, for its part, has rarely acquired the legitimacy of its source text, all too often relegated to a secondary position in relation to its predecessor, unless the source is either unknown (Die Hard, Mars Attacks!), the filmmaker’s renown sufficient to make its origins irrelevant (Rebecca, or indeed most Hitchcock films) – or both (Casablanca, It’s a Wonderful Life, 2001: A Space Odyssey).In its own attempts to acquire legitimacy, both for the discipline and the works it studies, adaptation has always foregrounded issues of authority and canonicity: what role does the author of a source text play in an adaptation? What deference should be shown to a canonical text adapted to a new medium?
As such, this year’s theme seems particularly suited to a study of audiovisual adaptation. We welcome papers that focus on (but are not limited to) the following themes:
– Case studies foregrounding or challenging the canonicity or a canonical interpretation of their source texts (Fargo and its television adaptation, the film and television adaptations of Watchmen, the many reinterpretations of canonical authors like Jane Austen or William Shakespeare for film and television: Pride and Prejudice and Zombies, Upstart Crow…)
– Case studies arguing the legitimacy of their sources or their medium through adaptation (webseries of well-known texts like Le Fanu’s Carmilla; videogame narratives and their relationship to source or adaptation (The Witcher), the relationship between the “tie-in” product and transmedia storytelling)
– Case studies studying the impact of auteur theory on film and television adaptation, or contentious relationships between an author and its adaptation (J.K. Rowling or Andrew Lloyd Webber are recent examples of authors disavowing or disavowed by their creation and its associated creative team).
This list of topics is of course not exhaustive.
Papers can be written in English or French and should not exceed 20 minutes. The deadline for paper proposals is January 17th, 2022. Proposals should include the paper title, as well as a 200word abstract (in English or French – in the form of a Word document saved as “AFEA2022 + your name”), a short biographical note (one page-long maximum), your academic affiliation and your contact information.
Proposals must be sent to the following two email addresses: shannon.wells-lassagne@ubourgogne.fr and candice.lemaire@u-bourgogne.fr .
Atelier 3 L’État américain avec et après Trump : (il)légitimité des institutions et pratique(s) du politique
Aurore Portet (Sciences Po Lyon) et Maxime Chervaux (Institut Français de Géopolitique – Université Paris 8)
Malgré des appels à « assécher le marais » et à lutter contre « l’État profond », Donald Trump n’a que partiellement cherché à déconstruire l’État administratif américain. On peut, au contraire, affirmer qu’il a « embrassé les leviers de la discrétion et du pouvoir présidentiels inhérents à la fonction exécutive moderne » (Sidney M. Milkis & Nicholas Jacobs, 2017) et même travaillé à asseoir davantage l’autorité et la légitimité de l’exécutif sur les autres branches du gouvernement fédéral (Skowronek et al., 2021). Les soubresauts de la jeune administration Biden montrent également que son successeur est dépendant de ses choix réglementaires (accords de Doha sur les modalités du retrait d’Afghanistan, Titre 42 du Code des États-Unis sur l’expulsion des migrants illégaux) et humains (nominations politiques titularisées, départements exécutifs durablement sous-staffés (Adam Edelman, 2021 ; Badger et al., 2021)). Sur certains sujets autrefois polémiques, Biden s’inscrit d’ailleurs essentiellement dans la continuité de Donald Trump (Space Force, guerre commerciale avec la Chine). Dans ce contexte, ce panel souhaite accueillir les contributions qui chercheraient à mettre en lumière le bilan administratif et réglementaire de l’administration Trump et des premiers mois de Joe Biden ainsi que la dépendance de la Maison blanche à un éventuel « sentier » trumpien (Pierson, 2004).
Donald Trump est le vecteur d’une synthèse de courants antiétatiques, de mouvements et sentiments extra-partisans, et de divers acteurs voués à profondément reprendre en main la pénétration de l’État administratif dans la société américaine. Cette reprise en main s’est accompagnée d’attaques contre la démocratie représentative (droit de vote, modalité de l’élection, reconnaissance et certification des résultats) qui ont transformé un débat sur la légitimité et l’efficacité du personnel politique en une critique profonde des institutions. En conséquence, tout débat politique dans un environnement politique si divisé, à droite comme à gauche, mène à un conflit autour de l’autorité et de la légitimité de l’Etat qui se trouve « souvent divorcé de la réalité factuelle » (Lizza et al., 2021). Ce panel est ainsi ouvert à l’analyse de ces nouveaux discours politiques et des méthodes d’action et de légitimation qu’ils déploient. Comment interpréter et analyser le mouvement Stop the Steal ? Et les audits infructueux mais répétés des résultats de la dernière présidentielle ? Quelles sont les facettes de cette crise générale de l’autorité au sein du gouvernement américain ?
Naturellement, cette conflictualité ne doit pas masquer la diversité d’expérimentations politiques qui ont précédées, accompagnées et succédées à la présidence Trump et qui peuvent lui faire écho de près ou de loin. On peut ainsi penser aux changements électoraux de la dernière décennie (l’instant runoff récemment adopté à New York et en Alaska) ou aux commissions de redécoupage des cartes électorales. En quelques mots, ce panel souhaite véritablement « analyser le développement politique américain au fur et à mesure qu’il a lieu » (Theda Skocpol, 2016) et notamment l’ampleur de la résilience du système constitutionnel (Skowronek & Orren, 2020) et administratif américain, ainsi que des réseaux et systèmes d’acteurs qui les constituent, au moment où certains estiment les États-Unis plus que jamais en crise (Robert Kagan, 2021).
Les propositions de communication (500 mots maximum), accompagnées d’une notice biographique, doivent être envoyées à Aurore Portet (aurore.portet@sciencespo-lyon.fr) et Maxime Chervaux (maxime.chervaux@univ-paris8.fr) avant le 17 janvier 2022.
Références
Adam Edelman. (2021, April 10). High number of Trump political appointees sought permanent jobs in final year [NBC]. https://www.nbcnews.com/politics/donald-trump/highnumber-trump-political-appointees-sought-permanent-jobs-final-year-n1262234
Arendt, H. (2006). What is Authority? In Between past and future: Eight exercises in political thought. Penguin Books.
Badger, E., Bui, Q., & Parlapiano, A. (2021, February 1). “The Government Agencies That
Became Smaller, and Unhappier, Under Trump.” The New York Times.
Gallup. (2007, June 22). Confidence in Institutions. Gallup.Com.
https://news.gallup.com/poll/1597/Confidence-Institutions.aspx
Lizza, R., Palmeri, T., Bade, R., & Daniels, E. (2021, September 25). POLITICO Playbook:
‘Audit’ movement gains steam — even after Arizona. POLITICO. https://politi.co/3kG2O6b Pierson, P. (2004). Politics in time: History, institutions, and social analysis. Princeton University Press.
Robert Kagan. (2021, September 23). Opinion | Our constitutional crisis is already here. The Washington Post. https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/09/23/robert-kaganconstitutional-crisis/
Sidney M. Milkis & Nicholas Jacobs. (2017). ‘I Alone Can Fix It’ Donald Trump, the Administrative Presidency, and Hazards of Executive-Centered Partisanship. The Forum, 15(3), 583–613. https://www.degruyter.com/view/journals/for/15/3/articlep583.xml?language=en
Skowronek, S., Dearborn, J. A., & King, D. S. (2021). Phantoms of a beleaguered republic: The deep state and the unitary executive. Oxford University Press.
Skowronek, S., & Orren, K. (2020). The Adaptability Paradox: Constitutional Resilience and
Principles of Good Government in Twenty-First-Century America. Perspectives on Politics,
Volume 18(Issue 2), 1–16. https://doi.org/10.1017/S1537592719002640
Theda Skocpol. (2016). Analyzing American Political Development as It Happens. In R. M. Valelly, S. Mettler, & R. C. Lieberman (Eds.), The Oxford handbook of American political development. Oxford University Press.
Panel #3 The American State with and after Trump: (il)legitimate Institutions and Political Process(es)
Despite calls to “drain the swamp” and fight the “Deep State,” Donald Trump has only partially attempted to deconstruct the American Administrative State. Instead, it can be argued that he has “embraced the levers of presidential discretion and power inherent in the modern executive office” (Sidney M. Milkis & Nicholas Jacobs, 2017) and even worked to further entrench executive authority and legitimacy over the other branches of the federal government (Skowronek et al., 2021). The hesitations of the young Biden administration also show how dependent the new President is on his predecessor’s regulatory choices (Doha agreements on the terms of withdrawal from Afghanistan, Title 42 of the United States Code on the deportation of illegal migrants) and appointments (tenured political appointees, permanently understaffed executive departments (Adam Edelman, 2021; Badger et al., 2021)). On some issues that were controversial in the previous mandate, Biden is surprisingly aligned with Donald Trump (Space Force, trade war with China). In this context, this panel would like to welcome contributions that seek to shed light on the administrative and regulatory record of the Trump administration and Joe Biden’s early months as well as the White House’s dependence on a possible Trumpian “pathway” (Pierson, 2004).
Donald Trump draws from a range of anti-state currents, extra-partisan movements and sentiments, and a series of actors striving to reclaim the penetration of the administrative state in American society. Their attempted takeover has been accompanied by attacks on representative democracy (voting rights, election procedures, recognition and certification of election results) that have transformed a debate on the legitimacy and effectiveness of political leaders into a profound critique of institutions. As a result, any political debate in such a divided political environment, on both the right and the left, leads to a conflict around the authority and legitimacy of the State that is “often divorced from factual reality” (Lizza et al., 2021). This panel is thus open to the analysis of these new political discourses and the methods of action and legitimization they deploy. How can we interpret and analyze the Stop the Steal movement, or the unsuccessful but repeated audits of the results of the last presidential election? What are the facets of this general crisis of authority in the American government?
Of course, this conflict should not obscure the diversity of political experiments that have preceded, accompanied, and followed the Trump presidency and that may echo it in some way. We can think of the electoral changes of the last decade (the instant runoff recently adopted in New York and Alaska) or the independent redistricting commissions. In a word, this panel really wants to “analyze American political development as it happens” (Theda Skocpol, 2016) and in particular the extent of the resilience of the American constitutional and administrative system (Skowronek & Orren, 2020), including the networks and systems of actors that constitute them, at a time when some believe the United States is rocked by a profound crisis (Kagan, 2021).
500-word proposals and a short biographical statement should be sent to Aurore Portet (aurore.portet@sciencespo-lyon.fr) and Maxime Chervaux (maxime.chervaux@univparis8.fr) before 17 January 2022.
Atelier 4 Gestes cartographiques : le canon poétique américain à l’épreuve de l’espace
Yasna Bozhkova (Université Sorbonne Nouvelle) et Aurore Clavier (Université de Lille)
Des œuvres de la Renaissance américaine aux expérimentations de la New American Poetry, en passant par les monuments du Modernisme, le canon américain s’est le plus souvent constitué autour de lieux emblématiques : états ou régions (Nouvelle Angleterre, Californie), villes (Concord, New York, San Francisco, Chicago), quartiers (Greenwich, Harlem), ou encore microcosmes institutionnels (Harvard, Black Mountain College, Berkeley).
En définissant les contours littéraires de la jeune nation, ces ancrages ont non seulement contribué à affirmer la position de l’Amérique au sein d’une cartographie culturelle d’où elle était longtemps restée exclue, mais ils ont aussi permis la remise en jeu continuelle de marges multiformes, à partir desquelles avant-gardes, communautés éclipsées, ou identités singulières ont fait entendre la voix des « excentrés » (C. Thomas).
Nous nous proposerons ici d’interroger les rapports entre le canon – envisagé à la fois dans sa construction hégémonique et dans ses multiples reconfigurations –, et les différentes catégories spatiales qui informent nos lectures de la littérature, et plus particulièrement de la poésie étatsunienne.
Notre réflexion pourra s’appuyer sur les questions suivantes, sans pour autant s’y limiter :
– En quoi l’espace, et les gestes cartographiques qui tentent de lui donner forme, de façon concrète ou métaphorique, contribuent-ils à la fabrique du canon, ou comment œuvrent-ils au contraire à le déstabiliser, à le décentrer ou même à le déconstruire ?
– Comment les poètes ont-ils utilisé les ressources de leur medium (typographie, vers, page), et de sa diffusion (magazine, recueil, anthologie), pour définir leur position au sein, en périphérie, ou en dehors du canon, voire au carrefour de traditions diverses ?
– Quel usage la critique a-t-elle fait à son tour de ces textes, des catégories spatiales qu’ils ont eux-mêmes esquissées, ou de ses propres outils cartographiques, pour mettre au jour, situer, quadriller, isoler, ou exclure les différents phénomènes poétiques dont elle entendait rendre compte ? En quoi le prisme de l’espace nous aide-t-il à appréhender les positionnements et les points aveugles de l’histoire littéraire, depuis les accusations de provincialisme longtemps adressées aux États-Unis, jusqu’aux « canon wars » de la fin du 20ème siècle, ou encore à l’ouverture grandissante de la critique à des auteurs longtemps demeurés marginaux ?
– De quelle manière les passeurs de la poésie américaine en France ou ailleurs, se sontils faits les relais de ces géographies littéraires et critiques, ou en ont-ils au contraire modifié les contours à travers les échanges, traductions, publications qui ont, depuis plus d’un siècle, nourri « la conversation transatlantique » (A. Lang) ?
– Plus largement, de quelle façon le paradigme spatial, tel qu’il s’est imposé depuis plusieurs décennies (à travers la géocritique, l’écocritique, ou les cartographies numériques, par exemple), peut-il offrir un complément, si ce n’est même un contrepoint nécessaire, à la seule logique historique du canon (ainsi que le montre par exemple le projet « Living Nations, Living Words » de la Poet Laureate Joy Harjo) ? En quoi les figures nombreuses que ce paradigme recèle – topos, topique, constellations, cercles, centres, frontières, marges, pour n’en citer que quelques-unes –, opèrent-elles, au-delà de leur séduction métaphorique, comme des outils méthodologiques précieux, à même d’ouvrir la fabrique du canon à des constructions littéraires dynamiques, participatives, et délivrées de toute tentation hiérarchisante, à rebours des sélections figées et vite dépassées de l’anthologie, ou des grands récits de l’histoire littéraire ?
– Comment des échelles aussi diverses, et parfois contradictoires, que le « local », le « régional », le « national », le « continental » ou le « mondial » questionnent-elle « l’américanité » même du canon ? Comment le refus de clôture du geste cartographique nous invite-t-il, en somme, à repenser nos conceptions et nos usages de ce dernier, et nos définitions de ce qui fait l’Amérique ?
Les propositions de 300 mots accompagnées d’une courte biographie sont à envoyer à Yasna Bozhkova (yasna.bozhkova@sorbonne-nouvelle.fr) et Aurore Clavier (aurore.clavier@univlille.fr) au plus tard le 17 janvier 2022.
Panel #4 Cartographic Gestures: Putting the American Poetic Canon to the Test of Space
From the works of the American Renaissance to the experiments of the New American Poetry, via the monuments of Modernism, the American canon has more often than not been formed around emblematic places: states or regions (New England, California), cities (Concord, New York, San Francisco, Chicago), neighborhoods (Greenwich, Harlem), or institutional microcosms (Harvard, Black Mountain College, Berkeley).
By defining the literary contours of the young nation, these landmarks have not only contributed to affirming the United States’ position in a cultural cartography from which it had long remained excluded but have also allowed the continuous reengagement of diverse marginal groups, from which avant-gardes, eclipsed communities, or singular identities have raised various kinds of “outsider” voices (C. Thomas).
The objective of this workshop is to question the links between the canon—seen both as a hegemonic construction and in its multiple reconfigurations—and the different spatial categories that inform our reading of American literature, and of poetry in particular. The questions we would like to raise include—but are not limited to—the following:
– How does space, and how do the cartographic gestures that try to give it shape, either concretely or metaphorically, contribute to the making of the canon? Conversely, how do they destabilize, decenter or even deconstruct it?
– How have poets used the means of their medium (typography, lineation, page), and of its dissemination (journals, collections, anthologies), to define their position inside, on the periphery of, or outside the canon, or even at the crossroads of diverse traditions? – What use have literary critics made of these texts and of these spatial categories that they have outlined themselves, or of their own mapping tools, in order to bring to light, situate, crisscross, isolate or exclude the different poetic phenomena that they wanted to study? How does the prism of space help us grasp the positions and the blind spots of literary history, from the accusations of provincialism that have long targeted the United States, to the “canon wars” of the end of the 20th century, or literary scholarship’s increasing openness towards authors formerly considered marginal?
– How have the mediators of American literature in France and elsewhere become the disseminators of these literary and critical geographies, or, conversely, how have they altered them through the exchanges, translations, and publications that have, for more than a century, nourished “the transatlantic conversation” (A. Lang)?
– More broadly speaking, how can the spatial paradigm, such as it has become increasingly prominent in the past few decades (through geocriticism, ecocriticism, or digital mapping projects, for instance), offer a complement, or even a necessary counterpoint, to the solely historical logic of the canon (as shows for example the project “Living Nations, Living Worlds” of the Poet Laureate Joy Harjo)? How do the numerous forms this paradigm may take—topos, constellations, circles, centers, frontiers, margins, to name but a few—operate, beyond their metaphorical appeal, as precious methodological tools, capable of opening the canon to dynamic and participatory literary constructions without any hierarchical dimension, against the grain of the rigid and quickly obsolete selections of anthologies, or of the great narratives of literary history?
– How do scales as varied, and sometimes as contradictory, as the “local,” the “regional,” the “national,” the “continental” or the “global” question the very “Americanness” of the canon? How does the rejection of closure typical of cartographic gestures invite us,
in short, to rethink our conceptions and uses of the canon, as well as our definitions of American identity?
Proposals of 300 words accompanied by a short biography must be sent to Yasna Bozhkova (yasna.bozhkova@sorbonne-nouvelle.fr) and Aurore Clavier (aurore.clavier@univ-lille.fr) no later than January 17th, 2022
Atelier 5 Confer : mais pour quoi faire ? Stratégies référentielles, entre légitimité et jeu d’autorité
Atelier proposé par Pauline Pilote (Université Bretagne Sud) et Julien Nègre (ENS Lyon)
* Sir W. Jones, Diss. Antiq. Ind. Zod.
† Plut. De Plac. Philos. lib. ii, cap. 20.
‡ Achill. Tat. Isag. cap. 19; Ap. Petav. t. iii. p. 81 ; Stob. Eclog. Phys. lib. i. p. 56. Plutarch de plac. p. p.
‖ Diog. Laert. in Anaxag. 1. ii. sec. 8. Plat Apol. t. i. p. 26. Plut. de Superst. t. ii, p. 269. Xenoph. Mem. 1. iv. p. 815.
§ Aristot. Meteor. 1. ii. c. 2 ; Idem. Probl. sec. 15; Stob. Ecl. Phys. 1. i. p. 55. Bruck. Hist. Phil, t. i. p. 1154, et alii.
Parmi les différentes stratégies dont dispose le texte littéraire pour établir sa propre légitimité, la référence à des documents extérieurs est l’un des moyens les plus sûrs de faire autorité. À la manière d’un ouvrage scientifique, le texte s’appuie sur des objets qui lui sont extérieurs : sources manuscrites, textes antérieurs, traités, mais aussi cartes de géographie, documents d’archives, comptes rendus, etc. Au premier abord, ces différents objets sont convoqués car ils viennent apporter une forme de garantie : d’authenticité, de véracité, d’exactitude, notamment. Ils servent à placer le texte de fiction au sein d’un réseau de documents qui assurent la légitimité des propos avancés (notamment dans le contexte fictionnel), que ce soit par la référence à un texte considéré comme canonique ou par le renvoi à des documents hors du champ littéraire.
Mais ils permettent aussi d’ouvrir le texte vers un horizon plus large, le moment de la référence devenant un espace liminal qui est à la fois intratextuel, et ouvert vers l’extérieur. En témoigne tout particulièrement l’usage des notes de page dans les textes de fiction, qui créent sur la page, sous le texte principal, un espace textuel à part, où va jusqu’à se déployer parfois, au-delà du simple renvoi, une histoire parallèle. La note infrapaginale ou la référence extratextuelle ouvrent une porte vers d’autres textes et d’autres objets et brouillent ainsi la frontière entre le texte et son extérieur.
En désignant ainsi son dehors, le texte laisse alors voir ses coutures : il place au premier plan son statut d’artefact, mais laisse également deviner la présence de l’auteur ou autrice, chef d’orchestre habituellement escamoté derrière les voix narratives, qui réinvestit son texte pour montrer sa présence. Loin du simple name-dropping, le recours à une référence qui est exploitée par le texte devient le moment d’un dialogue entre l’auteur et son lectorat, autour d’une connaissance partagée si la référence est littéraire ou culturelle, ou une invitation à aller prolonger le récit vers d’autres lectures quand une référence précise est donnée. Il s’agit alors de dessiner, autour du texte, un lieu commun et de créer une connivence entre l’auteur et son lectorat.
Cet atelier cherche ainsi à s’interroger sur le rôle et la présence des notes de bas de page dans les textes littéraires, et, plus largement, sur la question de la référence comme stratégie délibérée, par exemple à des documents non-littéraires dans des ouvrages fictionnels. À quoi servent les confer (cf.) dans un texte ? Que permet ce débordement du cadre textuel ? Pourquoi imiter les codes de l’écriture scientifique ? On pourra également étudier les stratégies mises en place lors de références à des textes canoniques. Dans ces cas-là, quel rôle joue le recours à un texte canonique ? En quoi ce texte fait-il autorité ? Pourquoi lier un texte de fiction à d’autres textes, fictionnels ou non ? Que peut-on alors dire de l’auteur et de la façon dont il se positionne par rapport à d’autres ? La référence prend-elle une valeur ou un sens particulier dans le contexte américain ? Quelle légitimité apporte le recours à des textes issus du canon britannique, par exemple, dans la littérature américaine ?
Mais que dire aussi des références qui jouent avec ces enjeux de légitimation ? Que faire par exemple de la note ci-dessus, issue de A History of New-York de Washington Irving (1809), qui joue avec ce système de référentialité pour produire une note illisible ? ou fausse, lorsque les objets extratextuels convoqués sont eux aussi fictifs ? Que faire d’un texte comme House of Leaves de Mark Danielewski (2000) où les notes en viennent progressivement à raconter une histoire parallèle ? L’emploi de la référence est en effet intimement lié à la question du canon : faire référence à un autre texte peut certes contribuer à ancrer encore davantage un texte déjà canonique, mais peut également servir à déconstruire cette canonicité, comme on le voit à l’œuvre dans certains textes postmodernes par exemple.
Nous invitons donc des communications qui examinent des textes littéraires dans lesquels sont mises en œuvre des stratégies délibérées de référence à des objets extérieurs, notamment par le biais de notes de bas de page ou d’autres procédés textuels localisés. Les propositions pourront porter sur l’ensemble de l’histoire littéraire américaine, sans distinction d’époque.
Les propositions de communication (500 mots maximum), accompagnées d’une notice biographique, doivent être envoyées à Julien Nègre (julien.negre@ens-lyon.fr) et Pauline Pilote (pauline.pilote@univ-ubs.fr) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.
Panel #5 When texts refer to other texts: playing with legitimacy and redefining authority through textual references
Referring to existing documents is one of the most effective strategies for a literary text to establish its own legitimacy and authority. By referring to exterior documents such as manuscript sources, previous publications, treatises, but also geographical maps, archival documents, or first-person accounts, the literary text imitates the codes of scientific writings and appears to prove its own authenticity, veracity, and precision. Such exterior objects connect the text with a network of documents that help establish its legitimacy through references to more canonical texts or non-literary items.
Such documents also open a larger horizon within the text, the reference itself becoming a liminal space placed inside the text but opening a window onto the outside world. This is particularly true of footnotes in fictional texts: placed under the main body of text, footnotes constitute a separate textual space in which a secondary story can be told. Footnotes and extratextual references create a passageway to other texts and other objects and blur the limit between the text and the outside world.
By gesturing at these exterior objects, the text also reveals its own artificiality (its status as an artefact) and brings to the fore the central role played by the author himself or herself as the stage-director of the book as a whole: instead of hiding behind narrative voices, the author steps into the spotlight by referring to documents that exist in the world he or she shares withhis or her readers. As opposed to simple name-dropping, textual references allow for a dialogue and connection between author and reader through shared cultural references, or an invitation to read other texts. In this case the reference establishes a common ground shared by author and reader.
This workshop intends to examine the role and the presence of footnotes in literary texts and, more generally, the question of deliberate referential strategies, typically to non-literary documents in fictional texts. Why use “cf.” in a text? What is made possible through the reference to something beyond the frame of the text itself? Why imitate the habits of scientific writings? Papers can also examine the strategic use of references to canonical texts. What is the function of such a reference? How and why are certain texts more authoritative than others? What is the use of drawing a connection between one text and another? Do textual references have a specific value and meaning in the American context? Do references to the British canon bring a specific legitimacy to American literature?
Such references also allow for a playful redefinition of legitimacy. The footnote quoted above can be found in Washington Irving’s A History of New-York (1809), in which the author deliberately produces footnotes that are so crowded and cryptic that they become illegible. Texts can also include references to objects that simply do not exist. Mark Danielewski’s House of Leaves (2000), for example, is characterized by an overabundance of footnotes, to the point that a second, parallel story gradually emerges from this specific textual space. Referring to other texts is intimately connected to the question of the canon: references tend to reinforce the canonical nature of oft-quoted texts, but they can also be used to deconstruct it, as many postmodernist texts do.
We invite proposals that examine literary texts containing deliberate references to exterior objects (texts, maps, archives, sources, etc.), be it through the use of footnotes or other localized textual devices. Papers may focus on any aspect and period of American literary history.
Proposals should be sent to Julien Nègre (julien.negre@ens-lyon.fr) and Pauline Pilote (pauline.pilote@univ-ubs.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 6 « The world is full of books that narrate the deeds and utter the praises of men » : Écritures et réécritures canoniques de l’histoire du long 19e siècle étatsunien au prisme des figures « éminentes »
Hélène Cottet et Hélène Quanquin (Université de Lille)
Cet atelier invite les spécialistes de littérature et de civilisation des États-Unis à se pencher sur le cas des figures « éminentes » – femmes et hommes – du long 19e siècle : selon quelles logiques, quels critères, quelles valeurs, choisit-on les figures représentatives, fondatrices, ou encore canoniques de la nation ? Comment ces choix ont-ils évolué historiquement ? Qui les porte ? Pour cerner les enjeux attenants à ces célébrations, désacralisations, et réhabilitations des grands individus, il s’agit ici de se pencher sur l’écriture de l’histoire et de l’histoire littéraire du long 19e siècle. Parmi les sujets qui pourront être abordés, nous discernons notamment :
– La réévaluation des grandes figures du long 19e siècle étatsunien.
On pensera tout d’abord aux hommes et femmes politiques : Thomas Jefferson et George Washington, par exemple, Pères Fondateurs esclavagistes que les travaux d’historiennes telles qu’Annette Gordon-Reed et Erica Armstrong Dunbar respectivement ont contribué à présenter sous un autre jour, donnant à voir la réalité même de la Révolution Américaine ; les pionnières féministes, à l’instar de Susan B. Anthony et Elizabeth Cady Stanton, dont les positions racistes et nativistes ont fait l’objet de réévaluations plus ou moins récentes (Michele Mitchell ; Lori D. Ginzberg), et qui ont construit dans The History of Woman Suffrage une mémoire du mouvement pour les droits des femmes du long 19e siècle qui excluait l’action de nombreuses militantes noires et blanches (Lisa Tetrault). Les « grands auteurs » du 19e siècle ont été également reconsidérés avec les canon wars,initiées dans les années 1980, qui remettaient en cause l’influence hégémonique de figures telles que Nathaniel Hawthorne, Herman Melville, Ralph Waldo Emerson, Walt Whitman, et Edgar Allan Poe. Quel est l’héritage aujourd’hui de ces querelles ? Comment comprendre, par exemple, les arguments récents de Dana Nelson lorsqu’elle explique que les nombreuses révisions du canon n’empêchent pas la persistance d’un discours exceptionnaliste sur la littérature des États-Unis au 19e siècle ?
– La matérialisation d’un statut d’exception.
Les monuments et statues qui consacrent les grandes figures des États-Unis ont également leur histoire, et cette figuration des individus d’exception dans l’espace public cristallise de nombreux débats. À nouveau, il s’agit de savoir qui inclure, qui effacer, comment représenter physiquement l’importance du grand homme et de la grande femme (du gigantisme de Rushmore à des représentations beaucoup plus euphémisées), et dans quels espaces. Les portraits et la circulation des images et des premières photographies sont des pratiques qui méritent également d’être interrogées, par exemple à partir de la figure de Frederick Douglass, censément l’homme le plus photographié du 19e siècle, ou encore à partir des débats sur les visages qui, à l’instar de Harriet Tubman, pourraient figurer sur les billets de banque. On peut également noter l’importance de pratiques éditoriales : les collections prestigieuses dans lesquelles sont publié.e.s les grand.e.s auteurs et autrices, une pratique qui remonte notamment à James T. Fields pour promouvoir ses « Olympiens », le rôle des anthologies ou encore des encyclopédies pour mettre en avant la légitimité de certaines figures. Enfin, la matérialisation d’un statut d’exception passe parfois par les maisons-musées des figures célèbres – de Monticello aux demeures de Mark Twain et de Harriet Beecher Stowe à Hartford.
– Les « grands noms »
C’est aussi dans la transmission de leurs prénoms et patronymes que l’on donne un héritage aux grandes figures. Qu’il s’agisse de noms d’écoles, par exemple (Longfellow étant, ici, particulièrement populaire au 19e siècle), mais aussi du choix de placer son enfant dans une lignée exceptionnelle en lui donnant le nom d’une personnalité publique (on pense par exemple aux abolitionnistes tels que William Lloyd Garrison et Frederick Douglass qui nommèrent leurs enfants d’après les grandes figures du mouvement).
– L’écriture biographique de l’histoire et de l’histoire littéraire.
La théorie des « grands hommes » correspond à un paradigme historiographique qui met en avant les récits biographiques, pour lequel il existe un grand engouement au 19e siècle, ce dont attestent des collections telles que American Men of Letters ou American Statesmen. Dès le dernier quart du siècle, historiens professionnels et spécialistes de littérature s’en prennent aux limites du genre, qui n’en démontre pas moins un besoin d’héroïsation des grandes figures ainsi que l’importance donnée à la moralité et à l’exemplarité de celles-ci. Aujourd’hui, l’écriture biographique permet bien souvent, au contraire, de contrer ces régimes d’exceptionnalité, qu’il s’agisse de redécouvrir des figures tenues pour mineures, ou de proposer des biographies collectives et de mettre en avant des généalogies par exemple militantes.
– Les difficultés d’écriture posées par le statut de la « grande femme ».
Comment écrit-on les vies des « grandes femmes » du long 19e siècle ? Exclues de fait des collections American Men of Letters ou American Statesmen, elles sont pourtant les sujets de biographies et d’articles encyclopédiques. On pensera par exemple aux “biographies des femmes éminentes” (biographies of eminent women) et aux « listes » des grandes figures féminines, très populaires au 19e siècle (Gerda Lerner). Leur héroïsation n’est pas pour autant chose aisée : Margaret Fuller et Emily Dickinson, par exemple, posent de nombreux problèmes d’écriture, leurs réussites étant présentées sous l’angle de l’échec, où la biographie devient une « correction » masculine de ces existences non arrimées aux normes de la domesticité. Ainsi que le notait Gerda Lerner, les « grandes femmes » ne sauraient être tenues pour représentatives, elles sont au contraire exceptionnelles ou « déviantes ». Restent-elles alors des figures isolées, sans héritage ? Comment leurs histoires circulaient-elles, et de quelles manières ces figures reléguées à la minorité — souvent infantilisées — sont-elles devenues, à leur tour, représentatives ?
Les propositions de communication (résumé de 500 mots accompagné d’une liste de références et d’une biobibliographie de 200 mots) sont à envoyer à Hélène Cottet (helene.cottet@univlille.fr) et Hélène Quanquin (helene.quanquin@univ-lille.fr) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.
Panel #6 “The world is full of books that narrate the deeds and utter the praises of men”: (re)writing the historical canon of the long 19th century through the United States’ “eminent” figures
This workshop will bring together scholars of U.S. literature and history to study the “eminent” figures—women and men—of the long 19th century. What are the criteria and the values which inform the selection of the individuals we define as canonical, founding, or representative? How have these selections changed through time? Who makes the decisions? To explore what lies at stake in the celebration, debunking, or rehabilitation of great individuals means looking at the ways in which the history and literary history of the long 19th century have been written and re-written. Among the topics that can be taken up, we welcome a discussion of the following issues:
– Reappraising the great figures of the long 19th century
We can discuss the fate of political figures : Thomas Jefferson and George Washington, for example, both slave-holding Founding Fathers who were shown in a new light by the scholarship of Annette Gordon-Reed and Erica Armstrong Dunbar respectively, changing our perception of the very nature of the American Revolution; feminist pioneers, such as Susan B. Anthony and Elizabeth Cady Stanton whose nativism and racism has been reassessed (Michele Mitchell, Lori Ginzberg), and who, in the History of Woman Suffrage, presented a distorted version of the movement for women’s rights that excluded a number of black and white female activists (Lisa Tetrault). The “great authors” of the 19th century have also been under scrutiny ever since the “canon wars” which were launched in the 1980s and which took issue with the hegemonic influence of a small group of white male authors such as Nathaniel Hawthorne, Herman Melville, Ralph Waldo Emerson, Walt Whitman, and Edgar Allan Poe. How have these quarrels changed our appreciation of U.S. literature today? What should we make of Dana Nelson’s recent argument, for instance, that despite revisionist claims exceptionalism continues to inform our discourse and our curricula on U.S. literature in the 19th century?
– Material manifestations of an exceptional status
The statues and monuments which enshrine the great figures of the United States also have their history, and the presence of these figures in public spaces has been the topic of many debates. At issue, again, are questions such as: who to feature, who to erase, how to encode physically the importance of the great man or woman (moving from the hyperbolic Mount Rushmore to much more understated monuments), and in which spaces? Portraits and the spreading of images and of photographs are also a very relevant topic, starting for example with Frederick Douglass, purportedly the most photographed man of the 19th century, or discussions about the images—such as Harriet Tubman’s—to put on banknotes. We can also look into editorial practices, such as the prestigious series in which great authors are published (a strategy which we can trace back to James T. Fields as he was promoting his “Olympians”), or the role of anthologies and encyclopedias to legitimate certain figures. Finally, an exceptional status can become enshrined through house museums – from Monticello to Mark Twain’s and Harriet Beecher Stowe’s houses in Hartford. – The “great names”
Major figures are also given a legacy through the appropriation of their first and last names. These may be given to schools, for instance (with Longfellow an especially popular name in the late 19th century), but also to one’s children, who symbolically integrate an exceptional lineage when they are named after a public figure (we can think for examples of abolitionists such as William Lloyd Garrison and Frederick Douglass, who named their children after the movement’s major activists).
– Biography and the writing of political history and literary history.
The “Great Men” theory of history was dependent on biographical narratives which were very popular throughout the 19th century, as shown by publishing projects such as the American Men of Letters series or the American Statesmen series. By the end of the 19th century, professional historians and literature scholars increasingly abandoned this genre, which nonetheless testifies to the public’s passion for the heroic and to the moral qualities and exemplarity which great figures are asked to demonstrate. Today, on the contrary, biographies —whether they uncover the lives of marginalized figures, offer collections of portraits, or retrace genealogies of activism—are often used to go against the grain of exceptionalism.
– Writing the “great woman”: pitfalls and recurring scenarios.
How to write the lives of the “great women” of the long 19th century? Excluded from series such as the American Men of Letters or American Statesmen, they were nonetheless portrayed in biographies and encyclopedia articles. We can think for example of the “biographies of eminent women,” and of the “lists” of great women which were very popular in the 19th century (Gerda Lerner). The heroic paradigm is, however, often ill-suited to these figures: the lives of Margaret Fuller and Emily Dickinson for instance, have been told in odd ways, their successes often presented as failures by male writers striving to “correct” the mistakes of these idiosyncratic experiences which were insufficiently domestic. As Gerda Lerner has explained, “great women” were not shown as representative but as “exceptional” or “deviant.” Did they remain, then, isolated figures, cut off from any legacy? How did their life-stories circulate, and in which ways have these “minor” figures—who were very often infantilized when they were presented to the public—become, in turn, representative?
500-word proposals with a list of references and a 200-word biographical statement should be sent to Hélène Cottet (helene.cottet@univ-lille.fr) and Hélène Quanquin (helene.quanquin@univ-lille.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 7 « Not ‘regular’ TV » : contestation et légitimation en séries
Emmanuelle Delanoë-Brun (Université de Paris) et Alexis Pichard (Université de ParisNanterre)
En 1996, Robert J. Thompson célébrait l’entrée de la télévision dans son second âge d’or en évoquant quelques séries de networks comme Hill Street Blues, qui se distinguaient des autres productions de l’époque par leurs ambitions narratives et esthétiques. Dix ans plus tard, Kim Akass et Janet McCabe délimitaient les contours d’une télévision dite « de qualité », alors que l’émergence de la chaîne câblée HBO propulsait la production sérielle vers de nouvelles exigences. « It’s not TV. It’s HBO », promettait la chaîne de 1997 à 2006, établissant une distinction qui fonctionna longtemps comme principal critère définitionnel de programmes de qualité. D’ailleurs, Thompson l’écrivait lui-même dès 1996 : « Quality TV is best defined by what it’s not. It’s not ‘regular’ TV. » La télévision ne pouvait être qualitative que lorsqu’elle reniait son identité populaire et qu’elle lorgnait vers les arts plus nobles, le cinéma en tête.
Depuis lors, malgré les résistances, les séries télévisées ont été érigées comme forme d’art à part entière : elles ont maintenant leurs festivals, leur panthéon de stars – showrunners, scénaristes, actrices et acteurs. Elles ont leurs TV studies, leurs publications academiques consacrées, leurs entrées dans les formations et séminaires universitaires. Pour autant, les débats autour de ce qui fait la qualité d’une série ont toujours cours et témoignent de la persistance d’une approche élitiste, et socialement ancrée, de ce nouvel acteur culturel. Cela se remarque par exemple au niveau des hiérarchies prescriptives qui se sont mises en place dans le but de légitimer le genre, et dans la formation des canons sériels selon une culture élitaire, canons qui s’imposent autant qu’ils sont contestés.
Par ailleurs, venues d’un univers culturel longtemps dénigré, les séries dialoguent avec les canons culturels, littéraires, cinématographiques, théâtraux, photographiques, littéraires, musicaux, à mesure qu’elles y cherchent leur place. De South Park à American Horror Story, des Simpsons à Fargo, de Charmed à Game of Thrones ou Succession, les séries brassent des références qui disent un rapport au canon, entre légitimation, récupération, et contestation, entre révérence et irrévérence. Un regard critique vis-à-vis des processus de constitution des valeurs et canons culturels s’y déploie aussi, par la voix de celles et ceux qui en sont exclu.e.s, mais en revendiquent leur part. De Master of None à Sense8, de Buffy à How to Get Away with Murder, les séries se font espace de revendication d’autres rapports à l’autorité et aux formes de domination dont le canon est aussi une expression, d’autres rapports à la construction de normes culturelles.
Cet atelier souhaite inviter à des communications qui considéreront les multiples façons dont les séries télévisées tissent des rapports critiques avec le canon et les forces culturelles, idéologiques, sociales, qu’il cristallise, dans le temps même où il se constitue, fluctuant, contesté, mais également constructif, dans la création sérielle et culturelle contemporaine.
Les propositions (résumé de 300 mots environ accompagné d’une notice biographique) sont à envoyer conjointement à Emmanuelle Delanoë-Brun (emmanuelle.delanoebrun@u-paris.fr) et Alexis Pichard (apichard@parisnanterre.fr) avant le 17 janvier 2022.
Panel #7 “Not ‘regular’ TV” : negotiating the canon in serial productions
In 1996, Robert J. Thompson considered television had entered into its second golden age, noting how such network series as Hill Street Blues stood out from other productions in their narrative and aesthetic ambitions. Ten years later, Kim Akass and Janet McCabe purported to delineate the contours of “quality” television, while HBO propelled serial production to new heights. “It’s not TV. It’s HBO,” HBO boasted from 1997 to 2006, establishing a distinction that long served as the defining criterion for quality programming. As Thompson wrote in 1996: “Quality TV is best defined by what it’s not. It’s not ‘regular’ TV. Television could only be qualitative when it renounced its popular credentials and looked to the more noble arts, more specifically to cinema, first and foremost.
Television series have since then been recognized as an art form in their own right, despite early resistance: they now have their festivals, their pantheon of stars – showrunners, screenwriters, actresses and actors. They have their TV studies, their dedicated academic publications, their entries in university courses and seminars. Still, the debates over what earns a series its « quality » stamp testify to the persistence of an elitist and socially anchored approach to the new cultural player. Prescriptive hierarchies are used to legitimize the genre, establishing serial canons along elitist lines, brooding resistance and contestation.
Furthermore, as products of a long-denigrated culture, series have from the start engaged in a dialogue with other cultural, literary, cinematographic, photographic, theatrical, musical canons, while seeking their place in the cultural discourse. Like many others, South Park, American Horror Story, The Simpsons, Fargo, Charmed, Game of Thrones or again Succession play on multilayered intertexts that express a relationship to other cultural canons, however irreverentially at times. Series also offer spaces where to deploy critical perspectives on the processes of how cultural values and canons are established, as outsiders claim their share of the cultural discourse. From Master of None to Sense8, from Buffy to How to Get Away with Murder, series explore other relationships to authority and forms of domination of which the canon is also an expression, other relationships to the construction of cultural norms.
With these multiple lines of approach in mind, this workshop wishes to invite papers that will consider the multiple ways in which television series weave critical relationships with the canon and the cultural, ideological, and social forces that it crystallizes, in the very time when it is constituted, fluctuating, contested, but also constructive, in contemporary serial and cultural creation.
Proposals (300 words abstracts with a biographical note) should be sent jointly to Emmanuelle Delanoë-Brun (emmanuelle.delanoebrun@u-paris.fr) and Alexis Pichard (apichard@parisnanterre.fr) before January 31, 2022.
Atelier 8 Légitimité, autorité et canons dans le domaine écocritique et écopoétique
Yves-Charles Grandjeat (Université de Bordeaux Montaigne, Bénédicte Meillon, Université de Perpignan Via Domitia, et Frédérique Spill, Université de Picardie Jules Verne)
L’essor de l’écocritique comme champ de recherche aux États-Unis, dans les années quatre-vingt-dix, a été marqué par des études portant majoritairement sur des textes signés par des hommes blancs, qui, à la manière de Henry David Thoreau, John Muir, Edward Abbey, Barry Lopez ou Rick Bass, ont momentanément délaissé leur milieu urbain pour vivre seuls dans les bois ou dans les grands espaces de la ‘wilderness,’ pour explorer ce que la nature sauvage pourrait leur révéler. La domination de ce schéma fut telle qu’Annie Dillard, pour son Pilgrim at Tinker Creek, qu’elle rédigea à partir de déambulations dans la zone péri-urbaine qui était la sienne, se sentit obligée d’escamoter cette proximité de la ville pour créer l’illusion que bien que femme, elle se pliait aux stéréotypes associés à la tradition de la ‘nature writing’ célébrée par la critique et les maisons d’édition.
Néanmoins, bien d’autres œuvres aux dimensions écopoétiques ont été produites qui n’ont pas au départ trouvé leur place dans les canons. Bien que longtemps relégués à la marge des corpus classiques, nombre d’auteurs et autrices issus de peuples premiers, parmi lesquels Leslie Marmon Silko, N. Scott Momaday, Paula Gunn Allen, Louise Erdrich, Simon Ortiz et Linda Hogan, ont cependant œuvré à désanthropocentrer notre regard sur le monde et à faire place dans nos discours à des voix issues de groupes minorisés et, au-delà de l’humain, aux voix et aux rythmes de la terre. Par ailleurs, une partie de la critique a, depuis le tournant du siècle, entrepris de faire la lumière sur les apports écolittéraires d’auteurs et autrices afro-américains tels Frederick Douglass, Harriet Jacobs, W.E.B. Dubois, Maya Angelou et bien sûr Toni Morrison, dépassant ainsi une approche majoritairement centrée sur la question raciale en rapport avec l’histoire de l’esclavagisme et la lutte pour les droits civiques. En outre, même si elles attirent encore moins l’attention en France qu’aux États-Unis, les autrices et penseuses écoféministes comme Riane Eisler, Susan Griffin, Carolyn Merchant, Charlene Spretnak et Starhawk ont cependant largement contribué aux nombreux décentrements de la perspective induits par les approches écocritiques et écopoétiques, ainsi qu’à une réflexivité écopoétique. Dans le même temps, certain.e.s ‘penseureuses’ investi.e.s dans les mouvements de contreculture étasuniens des années soixante et soixante-dix (notamment Théodore Roszak) ont bâti le socle d’une écopsychologie fondée sur la capacité à nous relier à notre inconscient écologique par lequel s’exprimerait toujours notre dialogue avec les voix de la terre. Ces influences se retrouvent dans l’élaboration d’une écophénoménologie telle que la conçoit David Abram à partir de Merleau-Ponty, mais aussi dans ces mouvances à la fois philosophiques et littéraires trop longtemps marginalisées que sont les écoféminismes, l’écopsychologie, et les courants issus des savoirs traditionnels. Enfin, grâce à des auteurs et autrices comme Wendell Berry, Barbara Kingsolver, Bobbie Ann Mason, Ann Pancake, Tim Gautreaux et Ron Rash, un autre courant irriguant les champs écocritique et écopoétique prend sa source dans une littérature régionaliste relayant des cultures rurales et réhabilitant des langages vernaculaires et des modes de vies longtemps déclassés par les élites intellectuelles et urbaines dominant les milieux universitaires.
À l’heure où la visibilité et la légitimité des peuples premiers et des femmes dans les combats écologiques sont souvent mises en avant sur la scène politique et médiatique, qu’en est-il de la place et de l’autorité accordées dans les domaines écocritiques et écopoétiques à toutes ces voix humaines trop longtemps minorisées par une intelligentsia majoritairement masculine, blanche et issue de classes urbaines privilégiées ?
En France, il aura fallu attendre que l’un de nos plus grands penseurs contemporains, Bruno Latour, théorise les différents visages de Gaïa pour qu’on les reconsidère enfin avec sérieux, alors même qu’ils étaient déjà au cœur d’une élaboration indigène, écoféministe, et écopsychologique aussi rationnelle que poétique et politique, mais qui a longtemps été balayée comme relevant de sympathiques élucubrations régressives, ‘païennes’ et non-pertinentes. Il aura fallu attendre que Philippe Descola élabore une anthropologie structuraliste pour permettre de repenser le caractère édifiant des ontologies animistes et totémiques propres aux peuples indigènes. Il aura fallu attendre les approches bioacoustiques de Murray Schafer et Bernie Krause pour que les notions d’un ‘chant du monde’ ou de ‘paysages sonores’ soient réévaluées. Il s’agira, dans ce contexte, d’éclairer dans le cadre de cet atelier la façon dont les écopoètes et écopoétesses, les auteurs et autrices d’une écolittérature qui n’entre pas dans les cases de la traditionnelle ‘nature writing’ étasunienne offrent néanmoins des entrées précieuses pour réévaluer les liens entre humains et autres qu’humains, ainsi qu’entre langages humains et langages autres qu’humains.
Les propositions de communications en anglais ou en français sont à envoyer à Yves-Charles Grandjeat (Yves.Grandjeat@u-bordeaux-montaigne.fr), Bénédicte Meillon (benedicte.meillon@univ-perp.fr) et Frédérique Spill (frederique.spill@u-picardie.fr) au plus tard pour le 17 janvier 2022.
Panel #8 Legitimacy, Authority, and Canons in Ecocriticism and Ecopoetics
The rise of ecocriticism in the United States in the 1990’s depended on studies mainly focusing on texts penned by white males who, like David Henry Thoreau, John Muir, Edward Abbey, Barry Lopez or Rick Bass, temporarily fled their urban homes to go live in the woods or somewhere out in the “wilderness.” In doing so, these writers were aiming to explore what revelations nature might hold in store for them. This typical schema prevailed to the point that, when writing Pilgrim at Tinker Creek, inspired by her peregrinations in her own neighborhood, Annie Dillard felt obligated to obliterate the suburban context from which her writing emerged, thus creating the illusion that, although writing as a woman, she could otherwise comply with the standards associated with the much celebrated ‘nature writing’ tradition.
However, many other ecopoetic works have been published that were initially left out of the canons. Even though they long remained excluded from classical corpuses, many indigenous writers such as Leslie Marmon Silko, N. Scott Momaday, Paula Gunn Allen, Louise Erdrich, Simon Ortiz, and Linda Hogan have yet carefully labored to shift the dominant, anthropocentric gaze prevailing in the Western world. At the same time, these writers made room in the house of fiction and discourse for voices belonging to minoritized groups. Moreover, they reclaimed the voices and rhythms of the earth. Besides, since the turn of the century, some critics have started shedding new light on African American ecoliterary contributions from writers such as Frederick Douglass, Harriet Jacobs, W.E.B. Dubois, Maya Angelou, and, of course, Toni Morrison, calling attention to dimensions of their writing beyond issues tied to the history of slavery and civil rights movement. In addition, and even though they had until very recently garnered even less attention in France than in the USA, ecofeminist writers and thinkers such as Riane Eisler, Susan Griffin, Carolyn Merchant, Charlene Spretnak, or Starhawk have largely contributed both to the many shifts in perspectives induced by ecocritical and ecopoetic approaches, and to ecopoetic self-reflexivity. At the same time, while partaking in the counterculture movement of the sixties and seventies, thinkers such as Theodore Roszak have laid the foundations of ecopsychology. To put it in a nutshell, ecopsychology rests on our capacity to relate to the ecological unconscious still informing our ongoing dialogue with the earth’s other-than human-voices. While they long remained marginalized, these influences are now visible in the ecophenomenology elaborated by David Abram, who taps into Merleau-Ponty’s work as much as in the philosophical and literary insights first provided by ecofeminism, ecopsychology, and traditional knowledges. Last but not least, thanks to writers such a Wendell Berry, Barbara Kingsolver, Bobbie Ann Mason, Ann Pancake, Tim Gautreaux, and Ron Rash, there is another current irrigating ecocritical and ecopoetic studies and which draws from regionalist literature. Relaying rural cultures, this regional literature has worked toward the rehabilitation of vernacular languages and lifestyles which have long been under-estimated by the intellectual and urban elites dominating academia.
As first peoples and women are now being given much media visibility and political legitimacy and are being recognized as important agents of ecological struggles/environmental struggles, how might this compare with the place and authority granted in ecocriticism and ecopoetics to all those human voices who have been minoritized for way too long by an intelligentsia predominantly composed of white males who, for the most part, additionally come from privileged urban classes?
In France, it took for one of our greatest, contemporary thinkers—namely Bruno Latour— to theorize the many faces of Gaia so that these could finally be taken seriously. These were in fact already at the heart of indigenous, ecofeminist, and ecopsychological theories and practices which were meant to be at once poetic and political, and which yet have long been dismissed overall as sweet, pagan, regressive, and finally irrelevant propositions. It took for Philippe Descola to elaborate a structural anthropology for people to envision the potential enlightenment contained in the animistic and totemic worldviews characteristic of indigenous groups. It took for the bioacoustic approaches of Murray Schafer and Bernie Krause for intellectuals to reexamine the ancient notion of a “song of the world” and reconsider the existence of “soundscapes.” In this context, this panel aims to cast light on the ways in which ecopoets writing a kind of prose or poetry that cannot easily be wedged into the early canon of “nature writing” may yet be offering precious insights to help us reevaluate the ties between humans and other-than-humans, and to potentially redeem the links between human and otherthan-human languages.
Abstracts in French and English must be sent to Yves-Charles Grandjeat (Yves.Grandjeat@ubordeaux-montaigne.fr), Bénédicte Meillon (benedicte.meillon@univ-perp.fr), and Frédérique Spill (frederique.spill@u-picardie.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 9 Illégitime, non-canonique, un vrai gâchis de papier : le rôle de l’échec dans la culture de l’imprimé aux États-Unis
Nicolas Labarre (Université Bordeaux Montaigne) and Isabelle Licari-Guillaume (Université Côte d’Azur).
Il n’est pas rare de voir l’échec élevé en étape clé d’un récit d’apprentissage ; chez J.K. Rowling par exemple, qui déclarait dans un discours à Harvard en 2008 : « Rock bottom became a solid foundation on which I rebuilt my life. » Dans ce cas, l’échec participe de la construction de la posture de l’auteur (Meizoz), il est transmué en péripétie, en épreuve campbellienne avant le triomphe final qu’est le livre lui-même. Mais qu’en est-il des vrais échecs ? Qu’en est-il des livres mal écrits et opportunistes, de ceux qui sont d’un ennui mortel et qui ne sont rien d’autre qu’un « gâchis de papier » (Rokk) ? Nous nous intéressons à ces livres, ces bandes dessinées et ces magazines qui constituent les déchets non-canoniques et illégitimes de la culture contemporaine de l’imprimé.
L’échec, comme la beauté, relèvent de la faculté de jugement dans un contexte spécifique, et dans certains cas, l’échec résulte de l’intensité du battage médiatique qui entoure un livre. Vingt ans après avoir créé The Dark Knight Returns, un récit de super-héros central dans le canon du genre (Beaty et Woo, 57), Frank Miller est ainsi revenu au personnage pour écrire All Star Batman and Robin the Boy Wonder, avec le dessinateur vedette Jim Lee. Cette entreprise s’est avérée désastreuse sur pratiquement tous les plans (le travail de Lee faisant peut-être exception), avec une série s’enfonçant un peu plus dans l’illisibilité à chaque numéro, et l’histoire est restée inachevée. Cet échec très médiatisé a néanmoins généré une œuvre « infamous », célèbre pour son échec-même, mémorable et, pour certains lecteurs, agréable précisément parce qu’elle déjoue les attentes.
Dans une culture où les notes et évaluations sont omniprésentes, les échecs exceptionnels ont quelque chose de touchant. Lorsqu’un livre, un magazine ou une bande dessinée quitte la tiédeur du médiocre pour entrer dans le cercle restreint des véritables désastres ou du « trash ». Au cinéma, de telles œuvres ont fini par former un canon sous-culturel à part entière, celui des films Z et des « nanars ». Des tendances similaires existent dans la presse écrite, comme par exemple les Bad Sex Awards, qui célèbrent les fautes de goût flagrantes dans les scènes érotiques.
Certains échecs commerciaux tiennent quant à eux moins au contenu de l’œuvre qu’à son mode de publication. En 2007, DC comics lançait le label Minx, destiné aux adolescentes et positionné en alternative aux mangas, avec à sa tête Karen Berger et Shelly Bond, deux responsables éditoriales à succès. Pourtant, les romans graphiques Minx ont été un échec retentissant. Les analyses a posteriori ont montré qu’ils avaient été classés par les libraires dans la catégorie “bandes dessinées” plutôt que “Young Adult”, échouant ainsi à atteindre leur lectorat. Les modèles de distribution, de promotion et de marketing jouent donc un rôle essentiel dans le succès ou l’échec des livres et des magazines. Cela étant, l’échec commercial n’empêche pas nécessairement les œuvres de connaître un succès critique à long terme.
Nous recherchons des contributions explorant le rôle de l’échec dans la culture de l’imprimé aux États-Unis, y compris les bandes dessinées, les livres pour enfants, les magazines et les romans. En particulier, nous aimerions explorer les nombreuses façons dont l’échec et la canonicité ne s’excluent pas mutuellement, notamment parce que l’échec, tout comme le canon, est une notion discursive et hautement contingente.
Nous sommes particulièrement intéressés par les thèmes suivants :
– Le seuil de l’échec : Qu’est-ce qui distingue les simples médiocrités des échecs complets ? Quels seuils une œuvre doit-elle franchir pour être identifiée comme un échec total, et comment ces seuils sont-ils créés et maintenus de manière discursive ?
– Apprendre de l’échec : comment les récits des éditeurs rendent-ils compte des échecs, et comment ces échecs affectent-ils les décisions ultérieures ? Ce processus d’apprentissage est-il similaire à celui subi par les créateurs eux-mêmes ? Les lecteurs apprennent-ils eux-mêmes des échecs ?
– Le plaisir de l’échec : pourquoi prenons-nous plaisir à lire des récits d’échec ? L’échec a-t-il une valeur pour les créateurs ? Dans quelle mesure peut-on considérer les livres “cultes” comme des échecs ?
– L’échec et le « trash » : si les deux notions présentent des similitudes, toutes les œuvres trash ne sont pas des échecs en soi ou pour le public auquel elles sont destinées. Même les genres peu recommandables, comme l’horreur ou la pornographie, recèlent des succès et des échecs.
– Au mauvais endroit au mauvais moment : De mauvaises stratégies commerciales peuvent-elles compromettre le succès de bons livres ? Dans quels cas l’échec commercial devient-il un motif ultérieur de fierté, et quels sont les mécanismes permettant de dissocier succès esthétique et échec commercial ?
– Condamnés à l’échec : certains personnages, genres, thèmes et lectorats sont-ils plus susceptibles d’échouer que d’autres ? Comment expliquer l’existence Bad Sex Awards mentionnés plus haut, alors qu’il n’existe pas de prix pour les plus mauvaises scènes de conduite ou même pour les plus mauvaises explications scientifiques, par exemple ?
Les propositions de communication (500 mots maximum), accompagnées d’une notice biographique, doivent être envoyées à Nicolas Labarre (nicolas.labarre@u-bordeauxmontaigne.fr) et Isabelle Licari-Guillaume (Isabelle.LICARI-GUILLAUME@univcotedazur.fr) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.
References
Beaty, Bart, and Benjamin Woo. The Greatest Comic Book of All Time: Symbolic Capital and the Field of American Comic Books. New York: Palgrave Macmillan, 2016.
Cartmell, I. Q. Hunter, H. Kaye, & I. Whelehan (Eds.), Trash Aesthetics: Popular Culture and its Audience. Film/Fiction 2. London: Pluto, 1997.
Glynn, Kevin. Tabloid culture: trash taste, popular power, and the transformation of American television. Durham: Duke UP, 2000.
Meizoz, Jérôme. Postures littéraires. Mises en scène moderne de l’auteur: essai. Genève: Slatkine, 2007.
Rokk. “Comic Book Review: Countdown to Final Crisis #23”. Comic Book Revolution, Nov. 23, 2007. https://www.comicbookrevolution.com/comic–book–review–countdown–23/ Witek, Joseph. “If a Way to the Better There Be: Excellence, Mere Competence, and The Worst Comics Ever Made.” Image [&] Narrative 17, no. 4 : 2016.
Panel #9 Illegitimate, uncanonical, and “a total waste of paper”: failures in US print culture
It is not uncommon to see failure romanticised as a low point that reveals one’s true self – confer J.K. Rowling (“rock bottom became a solid foundation on which I rebuilt my life”, she said in a 2008 speech at Harvard). In such cases, failure plays a role in the construction of the author’s posture (Meizoz) – it is a narrative conceit, the Campbellian ordeal before the final triumph that is the book itself. Yet what of the real failures? What of the badly written, the exploitative, the supremely boring trash, amounting to nothing but “a total waste of paper” (Rokk)? We are interested in those books, comics and magazines that form the uncanonical, illegitimate refuse of modern print culture.
Failure, like beauty, is in the eye of the beholder, and in some cases, failure is made spectacular by the intensity of the hype surrounding the book. Twenty years after creating The Dark Knight Returns, one of the most canonical superhero narratives (Beaty and Woo, 57) Frank Miller returned to the character to write All Star Batman and Robin the Boy Wonder, along with star artist Jim Lee. That endeavour proved disastrous on virtually all fronts (barring perhaps Lee’s art), with one reviewer noting that the series “just spirals deeper and deeper into the abyss of unreadable”, and the story was left unfinished. That high-profile failure nevertheless generated an infamous work, memorable and to some readers pleasurable, precisely because of its inability to conform to expectations.
In a culture where ratings are everywhere, there is something touching about outstanding failures. When a book, magazine or comic leaves the tepid realm of the mediocre in order to enter the select circle of absolute trash. In cinema, such works have come to form a subcultural canon of their own, from Z-movies to films so-bad-they’re-good. Yet similar trends exist in print culture, one prime example being the Bad Sex Awards, which celebrates resounding failures of good taste in erotic scenes.
Some commercial failures have to do not with the contents of the work itself, but with the context within which it was published. In 2007, DC comics launched Minx, an imprint aimed at teenage girls that sought to provide them with an alternative to manga. At its helm were Karen Berger and Shelly Bond, two successful editors with impeccable credentials. Yet the
Minx books were a resounding failure. The postmortem revealed that they were shelved under “comics” rather than “young adult,” and failed to reach their readers. This goes to show that distribution, promotion, and marketing models play a vital role in the success or failure of books and magazines. Yet commercial failure does not necessarily prevent works from becoming critically successful in the long run.
We invite contributions exploring the role of failure in US print culture, including comics, children’s books, magazines, and novels. In particular, we would like to explore the many ways in which failure and canonicity are not mutually exclusive, if only because failure, no less than the canon, is a discursive and highly contingent notion.
Suggested topics of inquiry include:
– Trying hard to fail: What distinguishes mere mediocrities from utter failures? What thresholds does a work need to cross to be identified as the latter, and how are these thresholds discursively created and maintained?
– Learning from failure: how do publishers’ narratives account for failures, and how do these failures affect later decisions? Is this learning process similar to the ones undergone by the creators themselves? Do readers themselves learn from failures?
– The pleasure of failure: why is it that we enjoy reading failed narratives? Does failure have value for creators? To what extent can we regard “cult” books as failures?
– Failure and trash: while the two notions harbor similarities, not all trashy works are failures on their own terms or for their intended audience. Even disreputable and “trashy” genres, such as horror or pornography, harbor successes and failures.
– In the wrong place at the wrong time: Can bad commercial strategies undermine the success of good books? In what cases does commercial failure become a badge of honor, and what are the mechanisms enabling the dissociation of aesthetic success and commercial failure?
– Doomed to failure: are some characters, genres, themes, and readerships more likely to fail than others? How can we explain the existence of the aforementioned Bad Sex award in literature, while no such prize exists for Bad Driving Scene or even Bad Scientific Explanation, for instance?
Proposals should be sent to Nicolas Labarre (nicolas.labarre@u-bordeaux-montaigne.fr) and Isabelle Licari-Guillaume (Isabelle.LICARI-GUILLAUME@univ-cotedazur.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 10 L’évolution des canons hollywoodiens
Julie Assouly (Université Artois) et Christophe Chambost (Université Bordeaux-Montaigne).
Comment naissent et évoluent les canons du cinéma hollywoodien ? Quelle légitimité leur apportent le système des studios et le succès planétaire des films produits dans l’ère dite « classique » ? Quel fut le rôle joué par les fondateurs juifs d’Hollywood dans l’établissement de ces canons ? Quel est le rôle de mouvements artistiques extérieurs (l’expressionisme allemand, la Nouvelle Vague, le néo-réalisme italien, ou dernièrement les influences asiatiques ou sud-américaines) dans l’évolution de ces canons ? Peut-on parler d’hybridation des canons de cinémas nationaux pendant la période des studios ?
Les mouvements transnationaux favorisent cette hybridation à l’œuvre dans des blockbusters et films commerciaux américains réalisés par des réalisateurs français (Jeunet, Gondry, Audiard), britanniques (Hitchcock, Gilliam, Scott, McQueen), asiatiques (John Woo, Ang Lee, Park Chan-wook ou sud-américains (Cuarón, Iñárritu, Del Toro) qui acquièrent une légitimité à Hollywood sans être de culture nord-américaine. On peut s’interroger sur la part que prennent les échanges transnationaux dans l’évolution et la légitimation des canons hollywoodiens aujourd’hui, ou bien sur leur remise en question. Les canons du cinéma classique hollywoodien font-ils toujours autorité à l’heure de l’hybridité culturelle, générique et même médiale ? Quel est le rôle joué par les autres arts dans l’établissement et l’évolution de ces canons ?
Il serait également pertinent de prendre en compte les films indépendants dont l’un des traits définitoires a longtemps été sa résistance au rouleau-compresseur hollywoodien imposant ses normes par sa puissance financière. Par ailleurs, le renversement des codes des genres (le pastiche, la parodie…) peut être considéré comme une stratégie déployée par les studios pour se moquer de leurs propres canons, tout en en créant de nouveaux. Les années 80-90 ont d’ailleurs vu se développer des comédies parodiques dont l’autodérision a fait le succès.Telles sont les questions et réflexions, non exhaustives, auxquelles ce panel s’intéresse.
Nous invitons les collègues intéressés à soumettre un abstract d’environ 2000 signes (espaces compris) ainsi qu’une courte bibliographie. Merci de joindre également un court paragraphe biographique. Les propositions sont à envoyer à Julie Assouly (Julie.assouly@gmail.com) et Christophe Chambost (Christophe.chambost@wanadoo.fr) avant le 17 janvier 2022.
Les communications se feront en langue anglaise pour les besoins d’une éventuelle publication.
Suggestions bibliographiques
Bordwell, David, The Way Hollywood Tells It: Story and Style in Modern Movies, Berkeley, University of California Press, 2006.
Bourget, Jean-Loup et Jacqueline Nacache (eds.), Le classicisme Hollywoodiens, Rennes, PUR, 2009.
Etcheverry, Michel, « Morts et renaissances du cinéma hollywoodien », Revue Française d’Études Américaines, 76 (1), 1998, 93-103.
Gabler, Neal, An Empire of Their Own: How the Jews Invented Hollywood, New York, Anchor Books, 1988.
Howes, David (ed), Cross-Cultural Consumption: Global Markets, Local Realities. Routledge, 1996.
Larry Langman, Destination Hollywood: The Influence of Europeans on American Filmmaking, Jefferson (N.Ca.), McFarland, 2000.
Mendik, Xavier and Steven Jay Schneider (eds.), Underground U.S.A.: Filmmaking Beyond the Hollywood Canon, London, Wallflower Press, 2002.
Rosen, Philip, “History, Textuality, Nation: Kracauer, Burch, and some problems in the study of national cinema” (1984) in Valentina Vitali, Paul Willemen (eds.), Theorising national cinema, London, BFI Publishing, 2006, 17-29.
Stam, Robert, World Literature, Transnational Cinema, and Global Media: Towards a Transartistic Commons, Routledge, 2019.
Stam Robert & Ella Shohat, « From the Imperial Family to the Transnational Imagery: Media Spectatorship in the Age of Globalization », Global/Local: Cultural Production and Transnational Imagery,Rob Wilson & Wimal Dissanayate (ed.), Durham, Duke University Press, 1996.
Shaw, Deborah, The Three Amigos: The Transnational Filmmaking of Guillermo Del Toro, Alejandro Gonzales Iñárritu, and Alfonso Cuaron, Manchester University Press, 2013.
Panel #10 The evolution of Hollywood canons
How do Hollywood canons emerge and evolve? What form of legitimacy did the studio system and international success of Hollywood films produced in the so called “classical era” give to this model? What was the role of the Jewish founders of Hollywood (Gabler 1989) in the creation of these canons? What is the role played by external art movements and trends (e.g., German expressionism, the French New Wave, Italian neorealism or more recently Asian and South American directors) in the evolution of these canons? Can we consider that the studio era enabled the hybridization of the canons of national cinemas? And to what extent are these canons still legitimate today?
Transnational movements favor such hybridization which is visible in American blockbusters and mainstream films made by French (Jeunet, Gondry, Audiard), British (Hitchcock, Gilliam, Scott, McQueen), Asian (John Woo, Ang Lee, Park Chan-wook) or South American (Cuarón, Iñárritu, Del Toro) directors, who have gained a form of legitimacy in Hollywood without sharing a North American cultural background. One can question the role played by international exchanges in the evolution and legitimation of Hollywood canons today. Do classic Hollywood canons still prevail in the age of cultural, generic and even medial hybridity? What is the role of other art forms in the creation and evolution of these canons?
One should also consider the case of independent cinema whose main principle has long been its endeavor to resist the crushing influence of the Hollywood juggernaut imposing its norms through financial power. On the other hand, the debunking of generic conventions (e.g., pastiche, parody) can be considered as a strategy adopted by the studios to mock their own canons while creating new ones (e.g., 1980s-90s comedies).
These questions and reflections, though not exclusive, will be welcomed for consideration in this workshop. We will ask colleagues wishing to submit a paper to send us a 2000-character abstract (spaces included) and a short bibliography along with a short biographical note to Julie Assouly (Julie.assouly@gmail.com) and Christophe Chambost (Christophe.chambost@wanadoo.fr) before January 17, 2022.
Atelier 11 Légitimité(s) politique(s) en temps de crise
Olivier Richomme (Université Lyon 2) et Éric Rouby (Institut de Recherche Montesquieu, Université de Bordeaux)
Les concepts de légitimité et d’autorité sont deux faces d’une même pièce, centrale dans la compréhension moderne des faits politiques. Au début du 20e siècle, le sociologue Max Weber subdivisait la légitimité – comprise comme la croyance des individus dans le caractère socialement acceptable de l’autorité des gouvernants, des institutions politiques et des règles qu’ils prescrivent – en trois idéaux-types appelés à se combiner dans la pratique (légitimité traditionnelle, charismatique et légale-rationnelle).
Les États-Unis offrent de parfaits exemples de la mise en œuvre et du travail de ces modes de légitimation du pouvoir. Au travers la place prépondérante des références politiques (par les Républicains comme par les Démocrates) à la constitution américaine, des appels aux Pères fondateurs, à l’exceptionnalisme américain et autres mythes fondateurs, ils illustrent le poids de la légitimité traditionnelle dans le politique. Au travers de la tendance à la personnalisation de la fonction politique, de l’image du Commander in Chief, ils montrent l’importance de la légitimité charismatique. Également comprise comme « compétence technique reconnu à un individu », la légitimité charismatique permet de mettre en lumière une tension (particulièrement prégnante depuis le début de la pandémie de covid-19) entre expertise et « sagesse populaire ».
Aux États-Unis certaines critiques des institutions porteuses de l’autorité légale-rationnelle resurgissent de manière récurrente. Ainsi, il est régulièrement reproché à la Cour Suprême son caractère partisan ou son poids politique malgré le fait que ses membres ne soient pas élus. Parallèlement, le faible taux d’approbation que connaît le Congrès révèle une gêne de la population face à ses procédures parfois jugées trop lentes ou trop opaques et ses querelles partisanes qui dénaturent son rôle. Le débat sur la séparation des pouvoirs (aussi vieux que la création des États-Unis eux-mêmes) entre autorité centrale et pouvoir des États fédérés permet également de voir une autre dimension de cette lutte de légitimité politique. Tout comme c’est le cas de la lutte entre pouvoirs législatif, exécutif et judiciaires encadrés par le fameux système de freins et contrepoids et qui est notamment illustrée par des critiques mobilisant les termes de « présidence impériale » ou de « gouvernement des juges ». Enfin, une lutte similaire est observable au travers des résistances face aux programmes des organisations internationales (en matière environnementale ou sanitaire par exemple) qui se voient opposer des discours revendiquant la souveraineté nationale des États-Unis.
Cependant, au fur et à mesure que l’écart politique créé par la polarisation s’accentue aux États-Unis, les critiques et accusations concernant l’illégitimité des gouvernants, des institutions, des normes démocratiques américaines ou des discours sont exacerbés et créent différentes acceptions irréconciliables non seulement de la forme de l’autorité publique, mais également du réel. Ainsi, les « faits alternatifs » sont venus appuyer les arguments de l’administration Trump, la presse est devenue « ennemie du peuple », les résultats des élections ne bénéficient plus du losers’ consent et le camp d’en face (qu’il soit démocrate ou républicain selon où l’on se place) ne semble plus être un partenaire politique avec qui un minimum d’espace symbolique puisse être partagé à mesure que l’incompréhension vis-à-vis des prises de positions des opposants grandit (comme le montre les tensions autour des questions de genre, par exemple). Les représentants sont tantôt vus comme étant trop corrompus, cyniques, politiquement corrects ou déconnectés de la réalité.
Cette perte extrême de légitimité vient justifier, en parallèle, des discours, des prises de positions et des actions plus radicales qui remettent en cause les fondements démocratiques américains. Le charcutage électoral ou les réformes du droit de vote sont motivés par des intérêts partisans et justifiés par l’idée selon laquelle certains électeurs seraient moins légitimes que d’autres à participer à la vie de la cité. Les résultats d’élections sont remis en cause jusqu’au plus haut niveau de l’État sur les bases de fraudes imaginaires. Les procédures, jugées trop lourdes et trop lentes, de l’État de droit sont abandonnées au profit d’une promesse de rapidité, d’efficacité et de résultats tangibles. Parallèlement, tous ces efforts sont – à leur tour – autant d’éléments politiques jugées illégitimes par leurs opposants dans la mesure où ils sont perçus comme allant à l’encontre de principes fondamentaux. Ainsi, le rôle et la figure de l’opposition démocratique se voient bouleversés.
Dans ce contexte émerge une lutte de légitimité(s) au sein du débat politique dont la gestion de la pandémie de covid-19 offre une parfaite illustration. Avec d’un côté la légitimité populaire d’un président élu détenant la parole officielle de l’État (en la personne de Donald Trump) et de l’autre celle des experts sanitaires, plusieurs réalités et plusieurs logiques d’actions ont semblé avoir été renvoyées dos-à-dos. Cet atelier proposera donc d’analyser les dynamiques contemporaines de légitimité et d’illégitimité, de légitimation et de délégitimation du pouvoir politique aux États-Unis dans le contexte de polarisation politique. Il s’agira de contribuer à l’analyse des causes, des mécanismes et des conséquences des formes de remise en cause de l’autorité publique.
Les propositions de communication (résumé de 500 mots accompagné d’une liste de références et d’une biobibliographie) sont à envoyer à Olivier Richomme (Olivier.Richomme@univlyon2.fr) et Eric Rouby (eric.rouby@gmail.com) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.
Bibliographie
Anderson, C. et al. (2005). Losers’ Consent: Elections and Democratic Legitimacy. Oxford University Press.
Berger, Peter L., & Luckmann, T. (1991). The Social Construction of Reality. Penguin.Binder, L. & La Palombara, J. (1971). Crises and Sequences in Political Development, Princeton University Press.
Cain, Bruce. (2015) Democracy: More or Less. Cambridge University Press.
Fletcher, J., Russell, P., and Tetlock, P. (1996). The Clash of Rights: Liberty, Equality, and Legitimacy in Pluralist Democracy. Yale University Press.
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Panel #11 Political legitimacies in time of crisis
The concepts of legitimacy and authority are two sides of the same coin, central to the modern understanding of political events. At the beginning of the 20th century, the sociologist Max Weber subdivided legitimacy – understood as the belief of individuals in the socially acceptable character of the authority of rulers, of political institutions and the rules they prescribe – into three ideal types that combine in practice (traditional, charismatic, and rationallegal legitimacy).
American politics offers perfect examples of the workings of these types of political legitimacy. References to the Constitution of the United States, appeals to the Founding Fathers (by both Republicans and Democrats), American exceptionalism and other founding myths are ubiquitous in American politics and illustrate the weight of traditional authority. The tendency to personalize political functions or the image of the “Commander in Chief”, for example, show the importance of charismatic authority. Also understood as a “certain quality or knowledge of an individual” that is “regarded as of divine origin or as exemplary”, charismatic legitimacy allows us to highlight a tension – particularly acute since the beginning of the covid-19 pandemic – between expertise and “popular wisdom”.
In the United States, criticisms towards the institutions that carry rational-legal authority are constant. The Supreme Court is regularly criticized for the partisan character of its rulings or its political weight despite being composed of unelected members. At the same time, the low approval rating of Congress reveals public distrust of legislative procedures that are sometimes considered too slow, inefficient or confusing. Moreover, partisan quarrels distort the role of Congress. The debate over the separation of powers (dating as far back as the creation of the United States itself) between federal and State governments also reveals another dimension of this struggle for political legitimacy. The imbalance between the legislative, executive, and judicial branches of government theoretically prevented by the system of checks and balances has led critics to use the terms “imperial presidency” or “government of judges”. Finally, a similar struggle can be observed regarding the refusal to abide by international organizations mandates (in environmental or health matters, for example), which are opposed by national sovereignty discourses.
However, as the political gap created by polarization in the United States widens, criticisms and accusations of the illegitimacy of rulers, institutions, American democratic norms, or discourses are exacerbated and create different irreconcilable understandings not only of the form of public authority, but also of reality itself. As opponents’ points of view are distorted (as shown by the tensions around gender issues, for example) “alternative facts” are called upon to support the positions and policies of the Trump administration. The press has become the “enemy of the people”. Election results are no longer strengthened by “losers’ consent”, and the opposition (whether Democrat or Republican, depending on where one stands) no longer seems to be a political partner with whom one can share fundamental principles and values and a minimum of “symbolic space”. Representatives are sometimes described as corrupt, cynical, “politically correct” or out of touch with reality.
Furthermore, this extreme loss of legitimacy justifies speeches, stances and actions that are more radical and challenges the foundations of American democracy. Electoral gerrymandering or voting reforms are motivated by partisan interests and justified by the idea that some voters are less legitimate than others to be part of the polity. Election results are challenged at the highest levels of government without evidence. The procedures of the rule of law – considered too cumbersome and slow – are abandoned in favor of the promise of efficiency and tangible results. All these efforts are – in turn – political elements deemed illegitimate by their opponents insofar as they seem to go against fundamental principles. As a result, the very idea of democratic opposition is completely shattered.
In this context, different forms of legitimacy compete on the political scene, the management of the covid-19 pandemic being a perfect illustration. Several realities and modes of action collide with one another when for instance the democratic legitimacy of an elected president representing the official position of the United States contradicts that of health experts whose recommendations are based on scientific analyses. This workshop aims therefore to analyze the contemporary dynamics of legitimacy and illegitimacy, of legitimization and delegitimization of political power in the United States in the context of political polarization. It will contribute to the analysis of the causes, mechanisms, and consequences of the questioning of public authority.
500-word proposals with a list of references and a biographical statement should be sent to Olivier Richomme (Olivier.Richomme@univ-lyon2.fr) and Eric Rouby (eric.rouby@gmail.com) no later than January 17th, 2022.
Atelier 12 Can the master’s tools ever dismantle the master’s house? Récits canoniques, récits alternatifs et contre-récits LGBTQ+.
Cassandre Di Lauro (Université de Lille), Audrey Haensler (Université Paul Valéry-Montpellier 3) et Charlotte Thomas-Hébert (Université Paris 1)
Parler de canon « suppose la présence d’une autorité capable de décréter, de reconnaître les textes qui le composent »(Lucas, 2021). La notion met en place un rapport vertical, une hiérarchie qui repose sur la domination et l’exclusion : s’il y a autorité, c’est qu’il y a des autorisé·e·s et des non-autorisé·e·s, des personnes dominantes et dominées. Le canon pose ainsi l’existence intrinsèque d’une altérité, d’un·e autre vu·e d’abord comme inférieur·e, mais aussi différent·e, anormal·e, ex-centrique ou déviant·e.
Dans son acception restrictive, en tant que discours des marges contestant la catégorisation cis-hétéronormative, le queer se place d’emblée comme adversaire idéal au processus canonique. Cette polarisation entraîne alors un questionnement épistémologique : est-il possible de parler de “canon queer” ou bien est-ce paradoxal, voire oxymoronique? Assigner un genre – à la fois littéraire et social – et une qualité à certaines oeuvres s’accorde-t-il avec le projet de décloisonnement radical de la théorie queer ? Peut-on accoler “canon” et “queer” sans priver ce dernier de sa qualité subversive et de sa portée révolutionnaire ? En d’autres termes, et en reprenant la formulation d’Audre Lorde ([1984] 2007), les outils du maître peuvent-ils un jour démanteler la maison de celui-ci ?
Cet atelier s’intéresse au queer, dans son sens à la fois restrictif et extensif, c’est à dire comme terme générique désignant la communauté LGBTQ+. Il cherche à interroger les rapports entre norme et marge au sein d’une communauté historiquement stigmatisée. Sans offrir de réponse péremptoire, il propose de réfléchir ensemble aux différentes façons qu’a eues et a encore la communauté de s’emparer de la notion de « textes canoniques », compris en tant que performances, discours, récits de soi, ou encore objets audiovisuels, littéraires et politiques (Barthes, [1974] 2002). S’approprier un canon ou en générer un nouveau, en détournant des récits hégémoniques ou en créant des contre-récits, permet-il à ces textes d’agir comme autant de « chevaux de Troie », d’objets infiltrés dont la forme et le fond viennent chambouler l’ordre culturel, social et politique (Wittig, 2001) ? Dans quelles conditions ces contre-récits sont-ils produits, que font-ils aux récits dominants et quels effets ont-ils sur la communauté LGBTQ+ en elle-même ?
Cet atelier se veut interdisciplinaire et en ceci invite les contributions provenant des études littéraires, culturelles, cinématographiques mais aussi de la sociologie et des sciences sociales.
Un premier axe s’intéressera à l’existence et à la possibilité de production d’un canon LGBTQ+. Les classements recensant les “classiques” de la culture queer abondent et se recoupent, en particulier sur Internet. Ces convergences font ressortir des œuvres – tels Orlando de Virginia Woolf (1928), Giovanni’s Room de James Baldwin (1956) ou The Color Purple d’Alice Walker (1982) pour les romans ou The Watermelon Woman (1996), But I’m A Cheerleader (1998), ou Brokeback Mountain (2005) pour les films – qui semblent faire consensus. On pourra ainsi chercher à comprendre ce qui, dans ses œuvres, remporte l’unanimité, en s’attachant à faire ressortir les caractéristiques récurrentes dans la représentation des personnages LGBTQ+ ou la prédominance de certains facteurs, comme le genre de l’aut·eur·rice et des protagonistes, l’époque, le médium, etc. L’évolution de ces corpus de textes érigés au rang de canon pourra aussi être analysée à l’aune des bouleversements sociaux, culturels, économiques et technologiques du XXe et XXIe siècle. Une seconde piste de réflexion consistera à interroger les desseins à l’œuvre derrière la constitution de tels classements : dans quelle mesure la création d’un canon permet-elle de légitimer une sousculture face à la culture dominante ? Dans la continuité des réflexions entamées par Bammer (1982), les articulations entre fabrique d’un canon et fabrique d’une identité communautaire pourront également être développées, jusqu’à s’interroger sur la possibilité d’un canon unique, homogène, pour la communauté LGBTQ+. N’existe-il pas plutôt des canons pour des communautés plurielles, selon que l’on soit Lesbienne, Gay, Bi·e, Trans, Queer et/ou Intersexe, à l’intersection de différentes identités de race et de classe ? Enfin, en reprenant des problématiques déjà soulevées par plusieurs anthologies gays telles que The Gay Canon. Great Books Every Gay Man Should Read (Drake, 1998) ou The Columbia Anthology of Gay Literature: Readings from Western Antiquity to the Present (Fone, 1998), une question de définition s’impose : de quoi parle-t-on quand on parle de canon queer ? Est-ce l’orientation ou l’identité sexuelle de l’aut·eur·rice qui donne au texte cette qualité (Sedgwick, 1990) ? Estce le contenu ? Est-ce la réception (Haggerty, 2000) ? Dans quelle mesure le caractère queer d’un texte doit-il être explicite ? Quid des textes crypto-lesbiens ou crypto-gays ? Enfin, on pourra s’interroger sur les relations dialectiques que ces récits alternatifs ou contre-récits queer entretiennent avec le canon dominant, entre pastiche, parodie, réécriture, ou mise à distance radicale.
Dans la continuité de ces questionnements, un deuxième axe choisira de se concentrer sur le rapport des individus au(x) canon(s) dominant(s), hétéronormatif(s). Le canon est alors d’abord entendu comme un point d’identification prescriptif (Bamberg & Andrews, 2004) qui en fait, du moins a priori, un instrument de renforcement des normes sociales de genre et de sexualité. Sa réception par des populations marginales, extérieures à la norme, peut néanmoins le transformer en un terrain fertile d’interrogation voire de dévoiement idéologique lorsqu’elle relève non plus d’une lecture hégémonique mais propose au contraire une lecture négociée, voire oppositionnelle (Hall, 1973) des textes. Dans la lignée des études féministes, études de genre et études queer, l’atelier invite ainsi à s’interroger sur les possibles relectures, contrelectures ou réappropriations subversives des récits canoniques mainstream. Si l’on admet que toute réception est nécessairement production de sens (Eco, 1985) ces lectures à contre-sens parviennent-elles pour autant à subvertir le canon dominant, à le queeriser ? Renforcent-elles au contraire l’idéologie dominante originellement encodée dans le texte ? La question est celle de la capacité d’action d’une lecture dissidente (Sinfield, 1992) du canon : que peuvent les réappropriations du canon par un « contre-public » (Warner, 2005) LGBTQ ? L’atelier accueillera des communications qui s’intéresseront au lien parfois ambigu qu’entretiennent populations et militant.e.s LGBTQ aux récits canoniques, entre rejet, assimilation et détournements ludiques, à la manière par exemple du camp ou des performances drag qui rejouent autant qu’ils interrogent les performances canoniques du genre (Sontag, 1964 ; Butler, 1990).
Un troisième axe se concentrera sur ce que le canon LGBTQ+ fait à la communauté en elle-même. A l’exemple des commémorations de Stonewall, qui résonnent de manières différentes selon les époques et construisent, à travers leur patrimonialisation, ces évènements comme l’étincelle qui déclencha le mouvement pour les droits des personnes LGBTQ+ (Armstrong & Crage, 2006) : comment un récit alternatif dans un contexte mainstream devient-il hégémonique, voire normatif, dans une sous-culture ? Et quelles relations entretiennent les flancs radicaux et réformistes au sein de communautés marginalisées ? Comme l’illustre la canonisation récente de Marsha P. Johnson et Sylvia Riveira, quels sujets se retrouvent légitimés ou dé-légitimés, dans quelle(s) arène(s) (militante, médiatique, politique ou autres) cela se passe-t-il, et quels processus le favorisent-il ? Ou bien encore, dans un plus large contexte d’assimilationnisme et d’institutionnalisation des luttes LGBTQ+ (Marche, 2017), qui sont les sujets queer exemplaires ? Quels facteurs sociaux (race, classe, âge et plus.) contribuent à les produire ? A quelles injonctions implicites ou explicites se conforment-ils ?
Merci d’envoyer vos propositions par email aux responsables scientifiques au plus tard le 17 janvier 2022: Cassandre Di Lauro (cassandre.dilauro@gmail.com), Audrey Haensler (audrey.haensler@univ-paris1.fr) et Charlotte Thomas-Hébert (charlotte.thomashebert@univ-paris1.fr)
Panel #12 Can the Master’s Tools Ever Dismantle the Master’s House? LGBTQ+ Canonical, Alternative, and Counter-narratives in the US
To speak of a canon “presupposes the presence of an authority capable of asserting, of recognizing the texts that make it up” (Lucas, 2021). The notion sets up a vertical relationship, a hierarchy based on domination and exclusion: if there is an authority, it is because there are authorized and unauthorized, dominant, and dominated people. The canon thus posits the intrinsic existence of an otherness, of another first deemed as inferior, but also different, abnormal, ex-centric or deviant.
In its restrictive meaning, as a discourse of the margins contesting cis-heteronormative categorization, the queer places itself as an ideal adversary to the canonical process. This polarization leads to an epistemological questioning: is there such a thing as a “queer canon,” or is it paradoxical, even oxymoronic? Does assigning a genre and a quality to certain works fit with the project of queer theory of radical decompartmentalization? Can “canon” and “queer” be associated without depriving the latter of its subversive quality and revolutionary scope? In other words, and in the wake of Audre Lorde’s ([1984] 2007) famous statement, can the master’s tools ever dismantle the master’s house?
This panel focuses on queer narratives, both in their restrictive and extensive sense, i.e., as a generic term for the LGBTQ+ community. It seeks to question the relationship between norm and margin within a historically stigmatized community. Without offering any definitive answers, it wants to think of the different ways in which the community appropriates the notion of “canonical texts,” understood here as performances, discourses, self-narratives, as well as audiovisual, literary, and political objects (Barthes, [1974] 2002). Does claiming a canon as one’s own or generating a new one – thus diverting hegemonic narratives or creating counternarratives – allow these texts to act as “Trojan horses”, i.e., infiltrated objects whose form and content upset the cultural, social, and political order (Wittig, 2001)? Under what conditions are these counter-narratives produced, what do they do to dominant narratives and what effects do they have on the LGBTQ+ community itself?
This panel is interdisciplinary and therefore invites contributions from literary, cultural and film studies as well as from sociology and other subfields of social sciences.
A first line of inquiry will focus on the existence and production of a queer canon. Listings of “queer classics” abound and overlap, especially on the Internet. The inclusion of some of them – novels such as Virginia Woolf’s Orlando (1928), James Baldwin’s Giovanni’s Room (1956) or Alice Walker’s The Color Purple (1982); or films such as The Watermelon Woman (1996), But I’m A Cheerleader (1998), or Brokeback Mountain (2005) – seems to be unquestioned. We can thus try to understand what, in these works, creates unanimous support, by bringing out the recurrent characteristics in the representation of LGBTQ+ characters or the predominance of certain factors, such as the author’s and the protagonists’ genders, the time period, the type of medium, etc. The evolution of these canonical texts can also be analyzed in light of the social, cultural, economic and technological upheavals of the 20th and 21st centuries. Another line of inquiry will question what is at work behind the constitution of such classifications: to what extent does the creation of a canon make it possible to legitimize a subculture in the eyes of the dominant culture? Following Bammer’s reflections (1982), the articulations between the making of a canon and the making of a community identity could also be developed and go as far as questioning the possibility of a unique, homogeneous canon for the LGBTQ+ community. Are there not several canons for plural communities, depending on whether one is Lesbian, Gay, Bisexual, Trans, Queer and/or Intersex, and at the intersection of different racial and class identities? Consequently, and as discussed in several gay anthologies such as The Gay Canon. Great Books Every Gay Man Should Read (Drake, 1998) or The Columbia Anthology of Gay Literature: Readings from Western Antiquity to the Present (Fone, 1998), definition is a key issue: what are we talking about when we speak of the queer canon? Is it the author’s sexual orientation or gender identity that make the text queer (Sedgwick, 1990)? Is it the content? Is it its reception (Haggerty, 2000)? How explicitly queer does a text have to be? What about crypto-lesbian or crypto-gay texts? Finally, what kind of relationship do these alternative narratives or queer counter-narratives have with the dominant canon, between pastiche, parody, rewriting, or radical distancing?
A second line of inquiry will then focus on the nature of the relationship tying queer individuals and heteronormative master narratives together. Although the canon is to be understood as a prescriptive point of identification (Bamberg & Andrews, 2004) which tends to reinforce gender and sexual norms, the way that it is received and interpreted by marginal populations, standing outside the norm, can transform master narratives into a fertile ground for interrogating, negotiating, or opposing the ideologies embedded at their core (Hall, 1973). In the tradition of feminist, gender and queer studies, this panel calls for papers exploring the possible re-readings, counter-readings, or subversive reappropriations of dominant heteronormative texts through alternative readings. Provided that any act of reception is always also an act of production of meaning (Eco, 1985), can these alternative readings truly subvert the canon, change its meaning by queering it? On the contrary, are they bound to endlessly reproduce and reinforce the dominant ideology encoded in the text? What change can a dissident reading (Sinfield, 1992) of a canonical text by an LGBTQ counter-public (Warner, 2005) produce? This panel welcomes communications interested in the ambiguous relationship between LGBTQ individuals and activists and dominant texts, be it rejection, assimilation, or playful diversions, such as camp (Sontag, 1964) or drag performances, which simultaneously reproduce and question canonical gender performances (Butler, 1990).
Finally, a third line of inquiry will focus on what the LGBTQ+ canon does to the community itself. For example, what happened at Stonewall resonates differently across time and place, as the events have become part of the national cultural heritage (Armstrong & Crage, 2006) while recently reemerging as a site of radical uprising. In this light, how does an alternative or counter-narrative in a mainstream context become hegemonic, even normative, in a subculture? And what relationships do radical and reformist flanks have within marginalized communities? As the recent canonization of Marsha P. Johnson and Sylvia Riveira illustrates, which subjects are legitimized or de-legitimized, in which arena(s) (activist, media, political, or otherwise) does this happen, and which processes foster it? Or, in a broader context of assimilationism and institutionalization of LGBTQ+ struggles (Marche, 2017), who are the exemplary queer subjects? Which social factors (race, class, age, and more) help produce them? To which implicit or explicit injunctions do they conform to?
Please send your proposals by email to the panel organizers no later than January 17th, 2022:
Cassandre Di Lauro (cassandre.dilauro@gmail.com), Audrey Haensler (audrey.haensler@univ-paris1.fr), and Charlotte Thomas-Hébert (charlotte.thomashebert@univ-paris1.fr).
Atelier 13 La mort de l’auteur–le retour (fiction, poésie, arts visuels)
Hélène Aji (École Normale Supérieure) et Monica Manolescu (Université de Strasbourg/IUF)
Cet atelier invite une réflexion sur les pratiques et discours qui remettent en question la figure de l’auteur depuis le modernisme et jusqu’à l’époque contemporaine, dans la littérature et dans les arts. Avec les théories de T.S. Eliot sur l’impersonnalité (et leurs mises en œuvre par les Imagistes d’Ezra Pound ou par les Objectivistes autour de William Carlos Williams et Louis Zukofsky), avec la généralisation des procédés de désinvestissement de la voix narrative (dans le sillage du journalisme littéraire d’Ernest Hemingway ou de John Steinbeck comme dans les passages de « camera eye » de John Dos Passos) ou la montée en puissance du précisionnisme, le questionnement sur les modes d’intervention auctoriale devient de plus en plus technique et pressant. Du niveau syntaxique (suppression du « je » ou au contraire omniprésence d’un « je » limitant voire étouffant) au niveau idéologique (production de personnages et d’intrigues calées sur des scénarii à portée didactique dans le roman prolétarien) voire au niveau philosophique (remise en cause de l’intégrité du sujet dans des textes mettant en scène un chorus dépersonnalisé comme dans les opéras de Gertrude Stein), l’origine du discours est malmenée et sa légitimité contestée.
Après 1945, cette contestation se trouve renforcée par la double mise en péril de l’engagement politique, discrédité par les prises de position fasciste d’un Ezra Pound, ou réduit au silence par désespoir comme par réflexe de sauvegarde personnelle comme dans le cas de George Oppen. Le roman américain de l’après-guerre oscille entre différentes postures, qui vont de la proclamation d’un auteur fort, que l’on a pu qualifier de tyrannique, chez Nabokov, jusqu’à la remise en question de celui-ci dans les techniques de « cut-up » de la Beat Generation qui mettent l’accent sur la dimension aléatoire de l’écriture. L’œuvre d’art s’abstrait ou se minimalise comme dans un mouvement de rétraction hors d’un monde marqué au sceau des conformismes et des coercitions. Dans les marges, les artistes américains développent alors différentes pratiques collectives et inclusives, avec de nombreuses ramifications dans les happenings d’Allan Kaprow, dans les modèles de co-création expérimentés à Black Mountain College, et plus récemment dans l’art conversationnel (Helen Mayer Harrison et Newton Harrison) ou dans l’art participatif mettant l’accent sur l’engagement du spectateur et sur la dimension sociale et politique (Mierle Laderman Ukeles, Mel Chin, Rick Lowe, Rirkrit Tiravanija).
Éminemment fondées sur des pratiques, plus qu’une théorie de l’art, ces nouvelles modalités de l’engagement esthétique peuvent aussi être comprises (dans leur réception et dans leur conception) comme un retrait non interventionniste inspiré du bouddhisme zen (John Cage, Jackson Mac Low, Gary Snyder), informé par la variante fin-de-20e-siècle d’un dandysme désabusé (Kenneth Goldsmith, Vanessa Place) ou modélisé par des algorithmes qui dépossèdent l’auteur de son objet (Christian Bök, Craig Dworkin) : les paradigmes sont nombreux pour approcher ce « génie » détrôné dont parle Marjorie Perloff dans Unoriginal Genius.
Dans la fiction américaine contemporaine, la figure de l’auteur prend tout autant un tournant critique. Les écrivains qui écrivent après le Roland Barthes de « La Mort de l’auteur » (1968) et le Michel Foucault de « Qu’est-ce qu’un auteur ? » (1969), versés en théorie critique, répondent à ces thèses provocatrices et prolongent la discussion dans leurs œuvres de fiction. Auteurs et critiques participent ainsi au même débat. La figure de l’auteur se projette dans la fiction américaine contemporaine avec une distance ironique et métacritique. Ainsi, le double de l’auteur fait surface chez Richard Powers, où il se confronte à l’effritement des canons littéraires classiques et aux défis de l’intelligence artificielle (Galatea 2.2), chez Percival Everett, où il subit l’effacement et se heurte aux attentes du marché littéraire (Erasure, Percival Everett by Virgil Russell), ou chez Ben Marcus, dans Notable American Women et The Flame Alphabet, où toute production langagière devient toxique et indésirable. Chez Ben Lerner, le double de l’auteur se construit dans les tâtonnements et les contradictions de narrateurs peu fiables, qui émettent des doutes sur le pouvoir de l’art et sur leur propre autorité (Leaving the Atocha Station et 10 :04). Enfin, la question de l’intention auctoriale se pose avec une acuité particulière après la mort physique de l’auteur dans le processus de publication de romans restés inachevés comme The Pale King de David Foster Wallace ou The Original of Laura de Vladimir Nabokov.
On pourra donc s’intéresser tant aux œuvres qui thématisent l’autorité de l’auteur qu’aux textes critiques et théoriques qui l’interrogent, le corpus évoqué précédemment n’étant que purement indicatif d’un nombre de possibilités.
Les propositions de communication (environ 300 mots) sont à envoyer conjointement à Hélène Aji (helene.aji@ens.psl.eu) et à Monica Manolescu (manoles@unistra.fr), accompagnées d’une brève note biobibliographique (environ 150 mots) avant le 17 janvier 2022.
Panel #13 The death of the author–redux (fiction, poetry, visual arts)
This workshop invites papers that discuss practices and discourses that question the figure of the author since modernism up to today in literature and the arts. Authorial intervention comes under scrutiny in more technical and pressing ways after T. S. Eliot’s theories of impersonality (that influenced Ezra Pound’s Imagists or the Objectivists coalescing around William Carlos Williams and Louis Zukofsky), after the generalized relinquishment of narrative voice (in the wake of Ernest Hemingway’s and John Steinbeck’s literary journalism, or in John Dos Passos’s “camera eye” passages) and after the rise of Precisionism. The origin of discourse is challenged, and its legitimacy is undermined on several levels, be it syntactic (suppression of the “I” or, on the contrary, omnipresence of a reductive, stifling “I”), ideological (production of characters and plots modeled on didactic scenarios in proletarian novels) or even philosophical (the integrity of the subject is defied in texts that feature depersonalized choruses as is the case in Gertrude Stein’s operas).
After 1945, this charge is reinforced by the double danger represented by political commitment, which was discredited by Ezra Pound’s fascist stance, or silenced by despair, out of an impulse for self-preservation in the case of George Oppen. The postwar American novel oscillates between distinct postures, from the assertion of a powerful author, which some have called tyrannical, in Nabokov, to the abandon of authorial control in the “cut-up” techniques of the Beat generation, which emphasize the random element in writing. The work of art becomes abstract or minimalist in a gesture of withdrawal from a world characterized by conformism and coercion. On the margins, American artists develop various collective and inclusive practices that ramify in various directions: Allan Kaprow’s happenings, the models of cocreation experimented at Black Mountain College, and more recently the conversational art of Helen Mayer Harrison and Newton Harrison or participatory art highlighting the spectator’s engagement and the social and political dimension (Mierle Laderman Ukeles, Mel Chin, Rick Lowe, Rirkrit Tiravanija).
Largely based on practices rather than an artistic theory, these new modes of commitment can also be understood, as far as their reception and conception are concerned, as a noninterventionist withdrawal inspired by Zen Buddhism (John Cage, Jackson Mac Low, Gary Snyder), informed by a late-20th-century avatar of disillusioned dandyism (Kenneth Goldsmith,
Vanessa Place) or shaped by algorithms that deprive the author of his or her object (Christian Bök, Craig Dworkin). These are some of the paradigms that allow us to understand the overthrown “genius” discussed by Marjorie Perloff in Unoriginal Genius.
In contemporary American fiction, the figure of the author also takes a critical turn. The writers writing after Roland Barthes’s “Death of the Author” (1968) and Michel Foucault’s “What is an Author?” (1969) are conversant with critical theory and respond to these provocative theses, continuing the debate in their works of fiction. Authors and critics engage in the same discussion. The figure of the author displays an ironical and metacritical distance. Thus, doubles of the author surface in Richard Powers, where the author is confronted with the dismemberment of the classical canon and the challenges of artificial intelligence (Galatea 2.2), in Percival Everett’s novels that present the erasure of the author and his clashes with the literary market (Erasure, Percival Everett by Virgil Russell) or in Ben Marcus’s Notable American Women and The Flame Alphabet, where all linguistic production is toxic and undesirable. In Ben Lerner, the double of the author is constructed out of the hesitations and contradictions of unreliable narrators who express doubts about the power of art and their own authority (Leaving the Atocha Station and 10:04). Finally, the question of authorial intention becomes crucial after the physical death of the author in the process of editing and publishing unfinished novels such as David Foster Wallace’s The Pale King or Vladimir Nabokov’s The Original of Laura.
We invite papers that explore authorial authority on a thematic level or from critical and theoretical perspectives. The above-mentioned works are simply indicative of a certain number of possibilities.
Please send proposals (up to 300 words) jointly to Hélène Aji (helene.aji@ens.psl.eu) and Monica Manolescu (manoles@unistra.fr), accompanied by a short bio-bibliographical notice (up to 150 words) by January 17, 2022.
Atelier 14 Faire, défaire, refaire le canon poétique
Abigail Lang (Université de Paris) et Vincent Broqua (Université de Paris 8)
Pour sonder les processus de canonisation de la poésie états-unienne, nous invitons à une réflexion sans limite de période, de corpus ou de méthodologie, afin de réinterroger cette question fondamentale des études littéraires depuis la poétique, l’histoire, la sociologie littéraire ou toute autre perspective qui permettra de repenser la façon dont le canon poétique états-unien se fait, se défait et se refait.
Comment une (dé)canonisation a-t-elle lieu ? Comment des autrices et auteurs oublié.e.s sont-il.elle.s redécouvert.e.s ? Comment d’autres tombent-il.elle.s en défaveur ? Qu’est-ce qui rend une œuvre à nouveau actuelle ? Comment des corpus classiques sont-ils bouleversés par des relectures ?
La poésie comme champ de contestation. On peut penser le champ poétique comme lieu d’affrontement entre des poètes et des poétiques. Quels sont les enjeux de ces affrontements ? La reconnaissance symbolique, et les bénéfices éventuellement économiques qui l’accompagnent ? Des valeurs esthétiques, éthiques ou politiques ? Comment ces différents enjeux s’énoncent-ils et s’articulent-ils ? Comment le champ poétique s’en trouve-t-il redessiné et le genre poétique lui-même redéfini, par la remise en question de ses formes et de ses fonctions ?
Comment les critères d’évaluation des textes ont-ils évolué et que disent-ils de leur époque et de la société états-unienne ?
– H.D., T. S. Eliot, James Weldon Johnson, Ezra Pound, Gertrude Stein: les poètes modernistes se sont saisis de la question des classiques, de la tradition et des chefsd’œuvres : comment les générations suivantes ont-elles poursuivi et reformulé ce questionnement ?
– Les critères des New Critics mettaient en avant l’esthétique : quels sont les nouveaux critères d’évaluation au moment où la littérature semble vouloir prendre un tournant éthique et pragmatique ?
– Comment les différentes approches critiques et, plus particulièrement, la multiplication des studies outre-Atlantique modifient-t-elles l’appréhension des textes et la constitution du canon ? S’ouvre-t-il verticalement (hiérarchiquement) ou horizontalement (pour inclure des textes non-littéraires) ?
– Avec la globalisation et l’accent porté sur la transnationalité, le canon devient-il plus international ? Multiculturel ? Quelle place y occupent les traductions ? Quelle place y tient le détour par l’étranger ? Le canon poétique états-unien est-il différent à l’étranger?
– À quoi certaines œuvres doivent-elles de traverser les époques ? Peut-on encore invoquer leur universalité ?
Canon et minorités. Actuellement, la prise en compte des minorités conduit non seulement à une réévaluation, voire à une déconstruction du canon poétique, mais aussi à la confection d’outils critiques mettant en échec la pensée dominante. Quelles ont été les stratégies des poétesses et des critiques féministes (de Sandra Gilbert et Susan Gubar et Gloria Anzaldùa à Vida Count) ? Les procédés de canonisation sont-ils genrés ? Comment décolonise-t-on le canon aujourd’hui ? En minimisant l’approche historique ou en la déconstruisant (Cathy Park Hong, Juliana Spahr) ? En incluant des sources orales et multilingues ? En élargissant le spectre générique de ce qu’on appelle poésie ? Pour les minorités ou les poétiques contestataires, s’agit-il de prendre place dans le canon, de créer des canons alternatifs, ou d’en récuser la notion même ? Comment tenir ces positions ? Et dans ces réévaluations, qu’en est-il de la poétique ?
Comment s’articulent canon, célébrité et popularité ? D’autres questions pourront être abordées comme celle des instances légitimantes (prix littéraires, bourses, syllabi, Norton anthology, réseaux sociaux …) et leur évolution. On pourra aussi s’interroger sur les rapports entre canon, célébrité et popularité, que l’on pense aux poètes de la beat generation ou, plus récemment aux instapoètes tels que Rupi Kaur. Quel est le statut de ces productions dans le champ poétique états-unien?
Les propositions de communication de 300 mots, accompagnées d’une notice biographique de 150 mots sont à envoyer à Abigail Lang (abigail.lang@u-paris.fr) et à Vincent Broqua (vincent.broqua@univ-paris8.fr) au plus tard le 17 janvier 2022.
Panel #14 Making, Unmaking, Remaking the poetic canon
This panel for the French Association of American Studies seeks to investigate the processes of (de)canonization in US Poetry. We wish to open this typically literary question to the long history of US poetry and a wide range of objects and we welcome contributions using any disciplinary methodology (e.g. poetics, history, or literary sociology) that will illuminate how the US poetic canon is made, unmade and remade.
How does (de)canonization occur? How are forgotten authors rediscovered? How do others fall into disrepute? What makes a work relevant again? How do re-readings modify classic corpuses?
Poetry as a field of contestation. The poetic field can be conceived as a space structured by confrontation, be it that of poets or poetics. What are the stakes of such confrontations? Symbolic recognition, and the economical benefits that may ensue? Aesthetic, ethical or political values? How are these stakes expressed and articulated? How do such confrontations reshape the poetic field and redefine the poetic genre itself, challenging its forms and function?
How have the criteria for evaluating poems evolved and how do these evolutions reflect their times and US society?
– Modernist poets such as H.D., T. S. Eliot, James Weldon Johnson, Ezra Pound and Gertrude Stein took up the question of tradition, masterpieces and classics: how did the following generations reformulate these questions?
– New Critics emphasized aesthetics: what are the new criteria for evaluative criticism at a time when literature appears to be taking an ethical and pragmatic turn?
– How have multiplying studies and critical theories modified the view and use of texts? Is the canon opening vertically (hierarchically) or horizontally (to include non-literary texts)?
– With globalization and the emphasis on transnationality is the canon becoming more international? Multicultural? What place do translations hold? Are some works sooner recognized abroad? Is the US poetic canon different abroad?
– Why are some works standing the test of time? Can one still invoke the notion of universality? And if so, under what conditions ?
Canon and minorities. The current revaluation of poetry from the perspective of minorities is challenging the canon and calling for new critical tools to question dominant thought. What were the strategies of feminist poets and critics (from Sandra Gilbert and Susan Gubar, or Gloria Anzaldùa to Vida Count)? Are the processes of canonization gendered? How does one decolonize the canon? By downplaying historical approaches (Cathy Park Hong, Juliana Spahr)? By including oral and multilingual sources? By broadening the generic spectrum of poetry? Do activist and minority poetics seek to enter the canon, to create alternative ones, or to do away with the notion entirely? Are these positions tenable? And what becomes of poetics in the context of such re-evaluations?
How do canon, celebrity and popularity relate to each other?
Speakers are also encouraged to reflect on canon-making authorities (literary prizes, scholarships, syllabi, the Norton anthology, social networks, etc.) and their evolution. Or on the vexed articulation of canon, celebrity and popularity, as exemplified by the poets of the beat generation or instapoets such as Rupi Kaur. What is the status of their work?
300-words proposal and a 150-word biographical presentation should be sent to Abigail Lang (abigail.lang@u-paris.fr) and Vincent Broqua (vincent.broqua@univ-paris8.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 15 Crise de légitimité des médias traditionnels : négocier l’autorité
Charles Joseph (Le Mans Université), Anaïs Le Fèvre-Berthelot (Université Rennes 2) et David Lipson (Université de Strasbourg).
L’écosystème culturel de plus en plus numérisé dans lequel nous évoluons aujourd’hui ne fait plus aucun doute. La pandémie de Covid a participé à son essor, et nous sommes désormais toutes et tous au contact de la profusion d’objets qu’il génère en continu, bien qu’à des degrés d’engagement variables selon les utilisations que chacun·e a des réseaux sociaux et d’internet. Le tournant digimoderne tel qu’envisagé par Alan Kirby (2009) et la transformation vers une culture éminemment participative dans une logique de convergences (Henry Jenkins, 2013) constituent le socle sur lequel se construit une culture dématérialisée qui se déploie sur toute une variété de canaux de diffusions et soulève de nouveaux débats.
Le succès des réseaux sociaux et des contenus qui y circulent va de pair avec une crise de légitimité et parfois une remise en cause du fonctionnement économique des médias traditionnels, qu’ils proposent des informations ou du divertissement. Dans ce contexte, la frontière devient floue entre faits et fiction, mais aussi entre auteur·ices / producteur·ices et spectateur·ices / consommateur·ices (Frank Rose, 2011), ce qui peut encourager la créativité et la subversion des canons, mais aussi générer des tensions politiques et économiques.
Dans le domaine de la fiction et du divertissement (TV, jeux vidéo, cinéma, musique…), les pratiques participatives ainsi que les productions amateurs ou semi-professionnelles ne semblent pas encore faire vaciller les médias traditionnels qui s’inspirent, associent, voire s’approprient les contenus produits sur internet et les réseaux sociaux. L’accessibilité nouvelle des outils de production et de diffusion est susceptible d’encourager une plus grande diversité des contenus, l’émergence de voix subalternes et le détournement des canons, mais on constate également un phénomène de récupération par les conglomérats médiatiques et les plateformes qui dominent le marché.
Dans le domaine de l’information et de l’infodivertissement, la remise en cause des hiérarchies est plus évidente : les médias traditionnels sous le feu des critiques finissent par prêter du crédit aux discours qui se développent sur les nouveaux médias, qui substituent la conviction à la démonstration, la croyance à la pensée, et qui sapent les fondements habituels de l’autorité informationnelle que sont le respect des faits et la vérification des sources. Paradoxalement, l’hybridation qui s’impose aux médias traditionnels pour maintenir une position dominante est indissociable d’une remise en cause de l’autorité, des canons et des faits.
Parmi les phénomènes liés à ces transformations des usages médiatiques, on peut citer la récupération par un chanteur de country blanc d’une video TikTok réalisée par une femme noire qui critiquait le genre (https://www.npr.org/2021/08/13/1027537457/beer–beer–trucktruck–tiktok–sound–hits–the–radio) ; le passage de créateur·ices de contenus en ligne sur des chaînes de télévision (cf. Rachel Bloom, Issa Rae, Ilana Glazer and Abbi Jacobson, Derek Waters) ; la publication de fanfictions par des maisons d’édition traditionnelles ; les processus de désinformation et leur complexe déconstruction (cf. Nicki Minaj à propos du vaccin contre le Covid 19) ; le phénomène QAnon et le développement de son réseau de commentateurs ; l’exclusion de Donald Trump des réseaux sociaux après le 6 janvier 2021 et ses répercussions ; la place de la satire aujourd’hui dans le paysage médiatique américain comme potentiel facteur aggravant de la charge contre les « fake news media » (cf. South Park, The Daily Show & Klepper).
Les propositions pourront analyser : les séries, le cinéma, la musique, les podcasts, les programmes d’information, les documentaires, les organes de presse et de l’audiovisuel, les contenus (d’utilisateurs professionnels et amateur) publiés sur les réseaux sociaux ; et les liens complexes que ces supports entretiennent avec les systèmes de production, leur circulation et leur réception, dans le souci non pas d’opposer les modèles, mais de mettre au jour leur imbrication.
Les questions suivantes pourront être soulevées : la rupture est-elle si nette d’un modèle à l’autre ? La production de contenus numériques remet-elle profondément en cause la position d’autorité des médias plus anciens ou les canons qui leur sont associés ? Comment se construit la légitimité – d’un point de vue discursif, formel, technologique – en fonction des médias et des publics ? Comment ces pratiques redéfinissent-elles la figure de l’auteur·ice et que fontelle à son autorité ? Sous quelles conditions ces transformations permettent-elles l’émergence de nouvelles voix ? Comment ces nouvelles pratiques de production et de consommation des contenus s’inscrivent-elles dans des rapports de pouvoir intersectionnels ? De quels rapports au réel ces pratiques témoignent-elles ? Quelles sont les conséquences sociales, économiques et politiques de ces transformations ?
Les propositions de communication seront envoyées conjointement à Charles Joseph (charles.joseph@univ-lemans.fr), Anaïs Le Fèvre-Berthelot (anais.lefevre@univ-rennes2.fr) et David Lipson (lipson@unistra.fr) au plus tard le 17 janvier 2022.
Panel #15 Mainstream media’s legitimacy crisis: negotiating authority
The digitized cultural ecosystem that we live in today is without a doubt here to stay. The Covid pandemic has contributed to its rise, and we are now all connected to or affected by the profusion of objects that it continuously generates, although with varying degrees of involvement depending on the uses that each person has of social networks and the internet. The digimodernistic watershed moment imagined by Alan Kirby (2009) and the transformation towards an eminently participative culture following the logic of convergences (Henry Jenkins, 2013) constitute the basis on which a dematerialized culture is built. The latter, disseminated on a wide variety of distribution channels, raises new issues and debates.
The success of social networks and the content spread therein, go hand in hand with a legitimacy crisis, oft calling into question the mainstream media’s economic business model, whether they offer information or entertainment. In this context, the line between fact and fiction is blurred, but also between author/producer and viewer/consumer (Frank Rose, 2011), which can encourage creativity and the repurposing of standards and norms, yet on the other hand can also generate political and economic tension.
In fiction and entertainment (TV, video games, cinema, music…), participatory media projects as well as amateur or semi-professional productions have not yet seemed to supplant mainstream media, which are inspired by, associate with, and even appropriate content produced on the Internet and social networks. The new accessibility of production and broadcasting tools is likely to encourage a greater diversity of content, the emergence of subordinate voices and the subversion of standards and norms, but this is also co-opted by media conglomerates and platforms that dominate the market.
In news and infotainment, calling into question hierarchies is easier to notice: the beleaguered mainstream media end up lending credence to the discourses that develop on new media, which substitute conviction for demonstration, belief for thought, and which undermine the usual foundations of informational authority: respect for facts and verification of sources. Paradoxically, the hybridization that is imposed on the mainstream media to maintain a dominant position is inseparable from a questioning of authority, norms, and facts.
Among the phenomena linked to this transformation of media uses, we can cite a white country singer who appropriates a TikTok video made by a black woman criticizing the country genre (https://www.npr.org/2021/08/13/1027537457/beer-beer-truck-truck-tiktok-sound-hitsthe-radio); the migration of online content creators to television channels (cf. Rachel Bloom, Issa Rae, Ilana Glazer and Abbi Jacobson, Derek Waters); the publication of fan fiction by traditional publishing houses; the process of misinformation and its complex deconstruction (cf. Nicki Minaj on the Covid 19 vaccine); the QAnon phenomenon and the development of its network of commentators; the exclusion of Donald Trump from social networks after January 6, 2021 and its repercussions; the place of satire today in the American media landscape as a potential aggravating factor in the criticism leveled against the “fake news media” (cf. South Park, The Daily Show & Klepper).
Proposals could analyze TV series, cinema, music, podcasts, news programs, documentaries, press and audiovisual media, content (professional and amateur) published on social networks; and the complex links that these outlets have with production, distribution, and reception, with the aim of not opposing them, but of revealing how they are interwoven and interdependent.
The following questions may be raised: is the fracture between one model and the other so clear? Does the production of digital content profoundly call into question the position of authority of older media, or the standards and norms associated with them? How is legitimacy constructed – from a discursive, formal, technological point of view – according to the media and different audiences? How do these media experiments redefine the figure of the author and what do they do to his or her authority? Under what conditions do they allow the emergence of new voices? How do these new production and consumption of content models fit into intersectional power relations? What relationship to reality do these practices reflect? What are the social, economic, and political consequences of these instances of media transformation?
Proposals should be sent jointly to Charles Joseph (charles.joseph@univ-lemans.fr), Anaïs Le Fèvre-Berthelot (anais.lefevre@univ-rennes2.fr) and David Lipson (lipson@unistra.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 16 Anthologies, canons et contre-canons
Marie-Jeanne Rossignol (Université de Paris) et Marlène Daut (University of Virginia) Discutant : Yohann Lucas (Université de Rouen Normandie).
Comme le démontre efficacement la thèse de Yohann Lucas, une anthologie ne sert pas seulement à « canoniser » des auteurs classiques déjà connus[1]. Le format de l’anthologie, tel qu’il a été utilisé par les Africains-Américains en particulier, a servi à mettre en valeur des textes méconnus mais également à structurer un nouveau « canon » : The New Negro (1925)d’Alain Locke, The Negro Caravan (1941) de Sterling A. Brown, Arthur P. Davis et Ulysses Lee, Early Negro Writing de Dorothy Porter(1971) et la Norton Anthology of African American Literature (1997) de Henry Louis Gates Jr. et Nellie McKay sont quelques-uns des titres les plus emblématiques. L’anthologie africaine-américaine du XXe siècle n’est d’ailleurs pas un objet entièrement nouveau, puisqu’elle s’inscrit dans des pratiques d’anthologisation et de compilation plus anciennes, qu’on pense aux biographies collectives de Noirs célèbres à destination de la communauté africaine-américaine, par exemple The Black Man (1863) de William Wells Brown, ou aux listes et bibliographies de textes africains-américains étudiées par Elizabeth McHenry dans son récent ouvrage, To Make Negro Literature (2021)[2]. Le cas des Africains-Américains n’est pas isolé – même s’il comporte des singularités – et les anthologies jouent aujourd’hui plus largement un rôle dans la remise en question du savoir canonique, nourrissant les débats sur le colonialisme atlantique comme le rappelle la récente anthologie Haitian Revolutionary Fictions[3]. On peut également penser au combat féministe qui est aussi passé par la compilation d’anthologies, la plus connue étant peut-être The Norton Anthology of Literature by Women. The Traditions in English, de Sandra M. Gilbert and Susan Gubar (troisième édition en 2007), qui a à la fois accompagné le mouvement de « recovery » des femmes écrivains américaines, et ouvert la voie à d’autres entreprises telles que celles portées par les femmes de couleur, les femmes lesbiennes, par exemple[4].
Dans cet atelier, nous voudrions réfléchir à l’anthologie et au rôle qu’elle peut jouer dans la construction de canons, et plus précisément de contre-canons. Quelles communautés se sont emparées du format « anthologie » aux États-Unis et ailleurs pour mieux l’utiliser aux fins de diffusion d’un corpus peu connu ? Quels sont les objectifs des directeurs et directrices de publication lorsqu’ils et elles rassemblent des textes (littéraires ou autres) ? Ces anthologies « contre-canoniques » constituent-elles une transition indispensable pour construire un savoir collectif plus divers, ou risquent-elles de figer un savoir « minoritaire » dans des niches particulières et au final isolées ?
Merci d’envoyer vos propositions avant le 17 janvier 2022 à Marlène Daut (mld9b@virginia.edu) et Marie-Jeanne Rossignol (marie-jeanne.rossignol@u-paris.fr)
Panel #16 Anthologies, canons, and counter canons
As Yohann Lucas’ s dissertation shows, an anthology is not only supposed to « canonize » already well-known classic authors.[5] Anthologies, as they have been used by African Americans most particularly, have served to bring little-known texts to the public’s attention, but also to structure a new « canon » : The New Negro (1925)by Alain Locke, The Negro Caravan (1941) by Sterling A. Brown, Arthur P. Davis and Ulysses Lee, Early Negro Writing by Dorothy Porter(1971) and the Norton Anthology of African American Literature (1997) edited by Henry Louis Gates Jr. and Nellie McKay, are some of the most emblematic titles. Those 20th century anthologies are not radically new objects, since they are inscribed in older practices of anthology-making and compilation : one can think of the collective biographies of famous African Americans which were prepared by and for the black community in the 19th century, for example The Black Man (1863) by William Wells Brown, or the lists and bibliographies of African American texts which Elizabeth McHenry recently studied in her book To Make Negro Literature (2021).[6] The case of African Americans is not isolated—even if it has specificities—and anthologies today play a more important role in the questioning of canonical knowledge, and fuel debates on Atlantic colonialism as the recent anthology Haitian Revolutionary Fictions reminds us.[7] Feminist struggles are also documented through anthologies, the most famous of which being probably The Norton Anthology of Literature by Women. The Traditions in English by Sandra M. Gilbert and Susan Gubar (3rd edition 2007); it both accompanied the movement of « recovery » of American women writers and opened the way to other works such as those which were carried out by women of color and lesbians for example.[8]
In this panel, we would like to think about anthologies and the role they can play in the construction of canons, most particularly counter-canons. Which communities have seized upon anthologies in the United States and elsewhere in order better to use this particular format so as to make little-known works more widely known? What are the goals of the editors of such publications when they collect texts, whether they be literary texts or other documents? Are those « counter-canonical » anthologies a necessary transition if we want to edify a more diverse form of collective knowledge, or are they likely to shunt « minority » knowledge to specific, and eventually isolated, niches?
Please send a 500-word abstract and a one-page bio-bibliography to Marlène Daut (mld9b@virginia.edu) and Marie-Jeanne Rossignol (marie-jeanne.rossignol@u-paris.fr) by January 17, 2022.
Atelier 17 Contre-légitimités modernistes: les expatriés américains et le monde nocturne de l’entre-deux-guerres en France (1919-1939)
Benoît Tadié (Université Rennes 2)
La nuit, le champagne, la joie, la fièvre, la danse encore, les fleurs, les femmes, les danses. (Les Mémoires de Josephine Baker, 1927)
All the old habitués were there, the low-down gans and old-an-hard youth, girls and men, white, brown and black, mingled colors and odoers come together, drinking, gossipping, dancing and perspiring to the sound of international jazz (Claude McKay, Romance in Marseille, 2020)
Cet atelier cherchera à reconstruire certaines expériences d’écrivains, artistes et acteurs culturels américains lorsqu’ils entrent en contact avec, ou écrivent sur, le monde underground, souvent louche, de la vie nocturne française pendant l’entre-deux-guerres. Il vise, plus généralement, à relier ces expériences vécues aux expériences esthétiques du modernisme, telles qu’elles s’expriment par exemple dans la théorie d’Eugene Jolas sur le « langage de la nuit », dans les écrits de Djuna Barnes, Henry Miller, Claude McKay et Glenway Wescott, ou dans les magazines américains alors basés à Paris. Son objectif est de préciser la cartographie toujours in progress de l’expérience culturelle américaine en France en mettant en lumière certaines de ses facettes encore peu connues.
Plus spécifiquement, deux lieux, Paris et Marseille, se détachent dans le paysage français comme deux pôles principaux de la vie nocturne américaine et deux foyers spécifiques et contrastés de socialisation et de créativité. Si les deux villes résonnent des accords du jazz international, leurs rythmes nocturnes s’avèrent cependant foncièrement distincts. En tant qu’elle représente une « capitale véritable, bien que méconnue, de l’Atlantique noir » (W. J. Maxwell), Marseille by night vibre des accords et désaccords physiques, culturels et politiques d’une population de travailleurs noirs (marins, dockers, prostituées, militants politiques) engagés dans un ou plusieurs courants diasporiques. Paris génère d’autre formes d’échanges : expatriés et touristes de passage y sont les clients et les agents d’une vie nocturne vibrionnante mêlant érotisme, pornographie et culture populaire. Ce constat invite à confronter les expériences américaines propres à ces deux villes afin d’affiner, tout en la complexifiant, notre compréhension des textes, des périodiques et des circulations. On pourra ainsi mieux comprendre dans quelle mesure les mondes nocturnes sondés par les Américains constituent des scènes discursives à part entière, voire des « contrepublics subalternes » (Nancy Fraser), où se vivent et se formulent des expériences émancipées des normes régnant sur les formes plus institutionnelles de la culture.
Les propositions (250-300 mots) sont à envoyer pour le 17 janvier 2022 à Benoît Tadié (benoit.tadie@univ-rennes2.fr) accompagnées d’une courte biographie.
Panel #17 Modernist counter-legitimacies: American expatriates and French nightlife between the wars (1919-1939)
La nuit, le champagne, la joie, la fièvre, la danse encore, les fleurs, les femmes, les danses. (Les Mémoires de Josephine Baker, 1927)
All the old habitués were there, the low-down gangs and old-and-hard youth, girls andmen, white, brown and black, mingled colors and odors come together, drinking, gossipping, dancing and perspiring to the sound of international jazz (Claude McKay, Romance in Marseille, 2020)
This workshop will seek to reconstruct some of the experiences of American writers, artists and cultural actors as they entered in contact with or wrote about the underground, often louche, world of nightlife in French cities during the interwar period. It will, more broadly, seek to connect these lived experiences to the aesthetic experiments of modernism, as reflected for example in Eugene Jolas’s theory of the “language of night,” in the writings of Djuna Barnes, Henry Miller, Claude McKay and Glenway Wescott, or in the Paris-based American magazines of the time. By shedding light on the role of mediators, exchanges and circulations, it will contribute to a more precise mapping of American cultural experiences in France in the interwar years.
Moroever, within the French landscape, the two cities of Paris and Marseilles stand out as the two main poles of American nightlife and as two distinctive and contrasting focuses of socialization and creativity. Though the two cities were steeped in the vanguardism of international jazz, their nightly rhythms were crucially different. As the “true if disregarded capital of the Black Atlantic” (W. J. Maxwell), Marseilles vibrated with the physical, cultural and political accords and disaccords of a population of black workers — sailors, dockers, prostitutes, political activists — at the crossroads of several diasporic currents. In Paris, expatriates and tourists were both the clients and agents of a permissive nightlife blending eroticism, pornography and popular culture. Confronting such site-specific American experiences invites further exploration and confrontation of texts, magazines, exchanges and circulations, with a view to deepening and complexifying our understanding of the intersections between different cultural centres and strata. It will also help to understand to what extent the French nightworlds thus probed by Americans may constitute alternative discursive scenes, “subaltern counterpublics” (Nancy Fraser), where experiences emancipated from the norms governing the more institutionalized cultural forms may be lived and formulated.
Proposals (250-300 words) should be sent along with a short biography to Benoît Tadié (benoit.tadie@univ-rennes2.fr) by 17 January 2022.
Atelier 18 Canon(s) transnationaux en Amérique : diasporas, mobilités et déplacements dans les arts
Mélanie Joseph-Vilain (Université de Bourgogne) et Kerry-Jane Wallart (Université d’Orléans)
Face à la montée des mobilités[9] globalisées et à leur concentration accrue aux États-Unis (et depuis les États-Unis), Arjun Appadurai a proposé de remplacer la notion d’identités américaines « à trait d’union » par le terme de « transnation[10] ». Le champ des études transnationales qui a récemment émergé fournit un réservoir de catégories appropriées pour interpréter une part importante de la production artistique américaine de la fin du vingtième et du début du vingt-et-unième siècles, qui comprend des auteurs ayant immigré aux États-Unis (à commencer par Salman Rushdie, précédemment une figure majeure d’autres littératures :
indienne, pakistanaise et britannique), ou depuis les États-Unis (par exemple Eddy Harris, qui s’est installé en France). Ces mobilités transnationales peuvent associer les deux mouvements : c’est le cas de Jumpha Lahiri, une « Indienne non résidente » née à Londres, élevée dans le Rhode Island, qui vit désormais à Rome et écrit en italien.
Des influences centripètes et centrifuges caractérisent paradoxalement à la fois le canon américain (depuis Herman Melville et ses voyages à l’étranger jusqu’à Chimamanda Ngozie Adichie, dont le roman Americanah figure désormais aux programmes d’une grande majorité d’universités américaines) et les marges de la reconnaissance littéraire. Les formes artistiques transnationales se sont constituées, ou ont été interprétées, comme des mouvements (l’afrofuturisme, par exemple) ou des tendances (l’afropolitanisme, par exemple). En revisitant ou en remettant en question les normes et conventions qui régissent la réception des œuvres, ces formes artistiques offrent un point de vue unique sur ces codes ; on peut citer, par exemple, la façon dont Edwige Danticat associe le témoignage, l’autobiographie, l’essai et le documentaire dans Brother, I’m Dying, l’utilisation innovante des médias sociaux par Teju Cole, ou encore les activités variées de Shailja Patel (performance, théâtre, poésie) réunies dans Migritude, une œuvre qui traduit artistiquement son expérience transnationale.
Les redéfinitions du canon américain dépassent les frontières linguistiques, avec des auteurs « chicanos » comme Cherrie Moraga ou Gloria Anzaldúa, dont le bilinguisme devient la matrice d’où émergent les critiques théoriques de structures patriarcales et de dominations (néo-)coloniales. Ce type de circulation peut également être à l’œuvre avec l’opéra de Jorge Martin, Before Night Falls, dont la première représentation a eu lieu en 2010 et qui est inspiré du texte autobiographique publié en 1992 par Reinaldo Arenas. De tels exemples révèlent comment des pratiques « translangagières[11] » déployées par les écrivains diasporiques peuvent devenir des outils permettant d’explorer des identités personnelles, collectives et artistiques.
Dans le champ des arts visuels, toute une génération d’Américains d’origine asiatique, par exemple, a émergé. Ces artistes explorent leurs racines complexes et leurs appartenances multiscalaires à travers un certain nombre de techniques transmédiales (Kang Seung Lee, Oscar yi Hou, Hangama Amiri, Bambou Gili). On pourrait aussi scruter la tradition désormais bien établie de romans graphiques et bandes dessinées américains « transnationaux », du Maus d’Art Spiegelman aux œuvres de Joe Sacco. Le champ de notre réflexion inclut aussi les études filmiques et médiatiques.
Les défis lancés par ces artistes à des héritages parfois figés sont à la fois récents et en conformité avec une certaine tradition américaine fondée sur le mouvement et le déplacement marginal : cet atelier voudrait aussi revenir sur une certaine continuité de l’expérience diasporique aux États-Unis depuis la « découverte » de l’Amérique par les colons européens. On pourrait donc envisager des communications visant à repenser la dimension diasporique des œuvres de Mark Twain, Henry James, T.S. Eliot, de la « Génération perdue », de Richard Wright et James Baldwin, Sylvia Plath, ou encore des Beatniks ; ou encore une analyse de l’œuvre d’artistes qui, bien que n’étant pas américains, ont trouvé l’inspiration aux États-Unis (D.H. Lawrence, Anita Desai). Il est même possible de revenir sur des moments fondateurs, par exemple les premières années de la République (Washington Irving, ou Alexis de Toqueville), afin de remettre en question la qualité unique de la littérature américaine conçue comme la traduction littéraire d’un projet politique s’appuyant sur un « exceptionnalisme » américain ; cette idée doit être confrontée avec des positionnements divergents, des voix discordantes et des modalités artistiques subversives.
Cet atelier vise à reconfigurer l’américanité pour en faire le site de tensions théoriques et de déplacements méthodologiques entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’appartenance et le déracinement, entre la stase et le mouvement, entre résonances et dissonances, inclusion et exclusion, ordre et désordre. A une époque où Joséphine Baker est sur le point d’entrer au Panthéon, nous aimerions proposer un espace idoine pour réfléchir de façon critique aux divergences liées à la construction de la nation et à ses représentations esthétiques, à la canonicité et aux diverses formes d’autorité.
Prière d’envoyer vos propositions (longues de 170 à 200 mots) et une courte présentation biobibliographique (70 à 100 mots) à Mélanie Joseph-Vilain (melanie.joseph-vilain@ubourgogne.fr) et Kerry-Jane Wallart (kerry-jane.wallart@univ-orleans.fr) au plus tard le 17 janvier 2022.
Panel #18 Transnational canonicity in America: diasporas, mobilities, and placelessness in the arts
In view of the increased mobilities[12] of globalisation and of their marked concentration in (and out of) the United States, Arjun Appadurai has suggested that the practice of “hyphenated” American identities be replaced by the term “transnation.”[13] The recently established field of transnational studies provides an apt toolbox of categories in order to interpret a wide section of American arts in the late twentieth and early twenty-first century, with authors who have immigrated to the United States (starting with Salman Rushdie, a former pillar of other literatures, Indian, Pakistani, and British), from the United States (as Eddy Harris did, settling in France). These mobilities can associate both movements, as is the case with Jumpha Lahiri, a “Non Resident Indian” born in London, raised in Rhode Island who now lives in Rome, and writes in Italian.
Centripetal and centrifugal influences are paradoxically part of the American canon (from Herman Melville, who travelled abroad, to Chimamanda Ngozi Adichie, whose Americanah now figures on the syllabi of a vast majority of American universities), and of the margins of literary recognition. Transnational art forms have constituted themselves, or been interpreted, as movements (afrofuturism) or trends (afropolitanism). They provide a unique glimpse at the norms and conventions which rule audience response, as they revisit or challenge them; one could quote the combination of testimony, autobiography, essay, and documentary that Edwige Danticat’s Brother, I’m Dying constitutes; Teju Cole’s innovative use of social media; or Shailja Patel’s various activities as performer, playwright, poet and activist, brought together in Migritude, an artistic rendering of her transnational experience.
The redefinitions of the American canon also cut across languages, with such chicano authors as Cherrie Moraga or Gloria Anzaldúa, whose bilingualism becomes a matrix for theoretical critiques of patriarchal structures and (neo-)colonial dominations. These circulations are also at play with Jorge Martín’s opera Before Night Falls, which premiered in 2010 and was based upon the 1992 autobiographical text by Reinaldo Arenas. They testify to the way in which “translanguaging[14]“ practices used by diasporic writers become a tool for explorations of personal, collective, and artistic identities.
In the field of the visual arts, a whole new generation of Asian American has been seen to emerge who explore their tangled roots and multi-scalar belongings through a number of
transmedial techniques (Kang Seung Lee, Oscar yi Hou, Hangama Amiri, Bambou Gili). One could also look at the now long-standing tradition of transnational “American” graphic albums, from Art Spiegelman’s Maus to Joe Sacco’s works. The remit of our reflexion also includes film studies and media studies.
The challenges to cemented legacies which are posited by these artists are both recent and aligned with a certain American tradition of motion and marginal displacement: this workshop wishes to recall how there is a continuum of diasporic experience in the United States since the “discovery” of America by Europeans, at least. We would welcome papers re-thinking the diasporic dimension of the works of Mark Twain, Henry James, T.S. Eliot, the “Lost Generation”, Richard Wright and James Baldwin, Sylvia Plath, or the Beatniks, for instance; or of the works by non-American artists who have – also – found inspiration in the United States (D.H. Lawrence, Anita Desai). It is even possible to go back to such foundational moments as the early years of the Republic (Washington Irving, or Alexis de Toqueville) in order to call into question the uniqueness of American literature: a literary translation of the political project which posited an American exceptionalism which must be confronted with divergent positionalities, off-key voices and subversive artistic modalities.
The potential workshop purports to reconfigure Americanness as a site of theoretical tensions and methodological shifts between the inside and the outside, between belonging and uprootedness, between stasis and motion, resonances and dissonances, inclusion and exclusion, order and disorder. At a time when Josephine Baker is about to enter the Pantheon, we would like to create a space for critical thinking around the tangentialities of nation-building and aesthetic representations, of canonicity and diverse authorships.
Please send proposals (170 to 200 words) and a short bio-bibliographical presentation (70 to 100 words) to Mélanie Joseph-Vilain (melanie.joseph-vilain@u-bourgogne.fr) Kerry-Jane Wallart (kerry-jane.wallart@univ-orleans.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 19 Les autobiographies militantes et politiques : stratégies de légitimation et postures d’autorité
Hugo Bouvard et Guillaume Marche (Université Paris-Est Créteil)
Les récits autobiographiques, qu’il s’agisse d’ouvrages publiés sous la forme d’autobiographies à proprement parler, de mémoires, de témoignages, de journaux, ou de textes mis en ligne sur un blog, une plateforme de réseau social ou un site internet personnel, sont fréquemment employés par des militant·es et acteur∙rices de mouvements sociaux, par des élu·es et responsables politiques comme des outils permettant de se construire ou de reconstruire une « identité stratégique » (Collovald 1988). À ce titre, ces autobiographies militantes et politiques (terme recouvrant ici l’éventail des formes précédemment citées) peuvent être analysées comme des stratégies littéraires et scripturales « de présentation ou de production de soi » (Le Bart 2012), qui permettent par exemple à leur auteur·rice d’asseoir ou de consolider une légitimité, voire de rétablir une autorité mise à mal. Par exemple, dans le contexte étatsunien, la publication d’un ouvrage à caractère autobiographique est aujourd’hui devenue un passage presque obligé pour tout·e présidentiable cherchant à obtenir l’investiture de son parti (Lepore 2019). Cet atelier interroge la façon dont ces formes narratives reflètent ou, au contraire, mettent en cause ces processus de légitimation, que ce soit dans l’espace des mouvements sociaux ou dans la sphère politique institutionnalisée.
Dès l’époque coloniale – où des récits comme l’histoire de la Virginie de John Smith racontent aussi une expérience individuelle vécue de la colonisation –, puis pendant la période révolutionnaire – où l’autobiographie de Benjamin Franklin place l’histoire de sa propre vie sous le sceau de la conquête de l’indépendance – et au-delà, des récits autobiographiques ont servi d’outils de légitimation pour des dirigeant∙es politiques et leaders d’organisations militantes. Peut-on considérer que ces textes ont constitué des canons du genre de l’autobiographie militante et politique, en vertu par exemple du statut de « père fondateur » conféré à Benjamin Franklin ? Quels ont précisément été leur influence et leur héritage sur les ouvrages qui leur ont succédé ? De manière générale, relève-t-on des formes plus ou moins directes d’intertextualité entre ces autobiographies militantes et politiques d’une époque à une autre ?
Le genre de l’autobiographie militante et politique pose centralement la question du rapport de l’individu au collectif : récit à la première personne et centré sur un individu dans ses rapports au corps social, l’autobiographie militante et politique peut être vectrice d’affirmation de l’autorité – tel∙le chef∙fe de file se posera ainsi en référence de son mouvement, de son parti – comme de contestation – on se posera à rebours, en franc-tireur∙se ou en frondeur·se. La narrativité et la littérarité de l’écriture autobiographique, la singularité, mais aussi l’exemplarité d’une expérience qu’elles mettent en exergue sont-elles des outils particulièrement efficaces ou des ressources particulièrement précieuses pour ce faire ? L’auctorialité que confère l’écriture autobiographique est-elle en elle-même vectrice ou productrice d’autorité, de légitimité ou de canonicité ?
Ce genre peut aussi être une forme investie par des prétendant∙es frappant à la porte du cénacle de la légitimité, ou par des outsiders, traditionnellement exclu·es du jeu politique en raison de leur sexe, de leur appartenance raciale ou ethnique, de leur confession religieuse, de leur orientation sexuelle, ou encore de caractéristiques construites comme handicaps. Comment l’appartenance minoritaire est-elle alors mise en récit, accentuée ou euphémisée ? S’agit-il de contester les formes traditionnelles du récit politique autobiographique, voire de proposer un contre-récit ? L’appartenance simultanée à plusieurs groupes minoritaires fait-elle l’objet d’un discours que l’on pourrait qualifier d’intersectionnel, ou bien la priorité est-elle donnée, dans le récit, à telle ou telle identité ? Les auteur·rices prétendent-ils et elles y porter la parole de leur(s) groupe(s) d’appartenance ? En particulier, comment sont mis en scène les liens avec les mouvements sociaux fondés autour de cette appartenance minoritaire – les mouvements féministes, pour les droits civils et civiques des personnes en situation de handicap, contre la stigmatisation des musulman·es, etc. ? Le registre de l’exemplarité est-il alors dominant dans ces ouvrages, ou est-il concurrencé par d’autres registres (l’authenticité, l’universalité, etc.) ? Et, qu’il s’agisse de légitimation des outsiders, d’affirmation ou de contestation de l’autorité, dans quelle mesure ces récits autobiographiques se plient-ils ou, au contraire, résistent-ils à des scripts standardisés ou préétablis, comme celui du coming out, de l’héroïsme, de la résilience, du retournement du stigmate, etc. ?
Du point de vue de leur production, on sait que l’écriture des autobiographies politiques est souvent déléguée, en partie ou en totalité, à une tierce personne (Le Bart 2012) : qu’est-ce que l’identité de ces prête-plumes, quand elle est connue, peut nous enseigner sur les liens entre journalistes politiques, essayistes, et professionnel·les de la politique ? On pourra également s’intéresser aux enjeux de publication, mais aussi de non-publication de ces récits autobiographiques : quelles dynamiques éditoriales et économiques sont à l’œuvre dans la légitimation ou le discrédit de ces voix ? Dans quelle mesure la publication, mais aussi son support et la diffusion qu’il favorise ou non, est-elle factrice de légitimation ? Faut-il accorder un statut distinct aux récits publiés et non publiés – et, le cas échéant, comment traiter des seconds ?
Du point de vue de la réception, quel public ces récits visent-ils ? Comment sont-ils reçus par celui-ci ? Quelles luttes se déploient autour de la formulation de verdict quant au succès ou à l’échec (commercial, littéraire, politique) de ces ouvrages, et donc de ces stratégies de légitimation ? On peut également se demander dans quelle mesure l’écriture, ou peut-être surtout la publication, la diffusion et la promotion d’une autobiographie politique peut contribuer à combattre les préjugés et discriminations (antisémites, islamophobes, racistes, xénophobes, validistes, homophobes, sexistes, transphobes…). On pourra aussi, dans une perspective interdisciplinaire, se demander si, dans leur réception, la valeur, la légitimité et la crédibilité de ces récits se mesure aussi à l’aune de critères de littérarité. Autrement dit, les canons de l’écriture littéraire sont-ils invoqués comme étalons de légitimité des voix autobiographiques militantes ou politiques – qui ne manifestent pas forcément d’ambition littéraire – et les littératures dites minoritaires – Native American, African American, Italian American, Arab American, women’s literature – leur fournissent-elles des cadres, des schèmes, voire des canons auxquels se référer ou, au contraire, se mesurer ou s’affronter ?
Se pose enfin la question du statut à accorder à ces autobiographies militantes et politiques, si l’on souhaite s’en servir comme sources pour écrire l’histoire des mouvements sociaux et de la vie politique. Faut-il poser la question de leur fiabilité et, si oui, comment ? Une autobiographie politique vaut-elle pour elle-même ou n’a-t-elle de sens que mise en série, comparée avec d’autres ? La valeur heuristique de ces récits tient-elle au fait qu’ils donnent à entendre des voix qui sont par ailleurs réduites au silence ou insuffisamment audibles ? Proposent-ils des contre-récits dont l’étude et la prise en compte permettent d’enrichir et d’approfondir, voire de renouveler la compréhension des mutations sociopolitiques qu’ils relatent ? On prêtera aussi bien attention au texte, à ses matrices narratives et à ses topiques qu’au métadiscours (le titre, les première et quatrième pages de couverture, les remerciements, les préface et postface, les photographies ou vidéos qui accompagnent le texte, etc.), tout en faisant preuve de réflexivité quant aux implications méthodologiques et épistémologiques spécifiquement liées à l’analyse de ce genre (voir notamment Marche 2015).
Les propositions de communication (entre 300 et 500 mots), précisant la méthode employée et les matériaux mobilisés, et accompagnées d’une brève notice biographique, sont à envoyer d’ici au 17 janvier 2022 à Hugo Bouvard (hugo.bouvard@u-pec.fr) et à Guillaume Marche (gmarche@u-pec.fr).
Références
Collovald, Annie. 1988. « Identité(s) stratégique(s) ». Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 73 (1) : 29‑40.
Le Bart, Christian. 2012. La politique en librairie. Les stratégies de publication des professionnels de la politique. Paris: Armand Colin.
Lepore, Jill. 2019. « Confessions of a Presidential Candidate ». The New Yorker, 13 mai 2019. https://www.newyorker.com/magazine/2019/05/20/confessions–of–a–presidential–candidate (consulté le 4 octobre 2021).
Marche, Guillaume. 2015. « Memoirs of Gay Militancy: A Methodological Challenge ». Social Movement Studies 14 (3): 270‑90.
Panel #19 Activist and Political Autobiographies: Legitimation Strategies and Postures of Authority
Autobiographical narratives—whether published as autobiographies per se, memoirs, testimonies, diaries, or texts posted online on blogs, social media, or personal websites—are frequently used by activists and social movement actors, but also elected officials and political leaders as tools for constructing or reconstructing a “strategic identity” (Collovald 1988). As such, these activist and political autobiographies (a term that covers the range of forms previously mentioned) can be analyzed as literary and scriptural strategies “of self-presentation or self-production” (Le Bart 2012), which allow their authors to establish or consolidate legitimacy, or even restore damaged authority. For example, in the United States, publishing an autobiography has basically become a prerequisite for any presidential candidate seeking the nomination of his or her party (Lepore 2019). This panel examines how such narrative forms reflect or, on the contrary, challenge these legitimation processes, whether in social movements or in the institutionalized political sphere.
As early as the colonial era—when narratives such as John Smith’s History of Virginia also recounted an individual lived experience of colonization—, the revolutionary period— when Benjamin Franklin’s autobiography recounted his individual life story within the frame of independence—and beyond, autobiographical narratives have served as tools of legitimation for political and activist organization leaders. Can these texts be considered to have instituted canons of the genre of activist and political autobiography, by virtue, for example, of the “Founding Father” status conferred on Benjamin Franklin? What precisely have their influence and legacy been on subsequent works? Generally speaking, are there more or less direct forms of intertextuality between activist and political autobiographies from one era to another?
A central question that the genre of activist and political autobiography raises is how the individual relates to the collective: as first-person narratives centered on an individual in his or her relationship to the rest of society, activist and political autobiographies can affirm authority—as when a leader poses as a reference for his or her movement or party—or protest—when one poses as a challenger, a maverick, or a rebel. Are the narrativity and literariness of autobiographical writing, and hence the singularity and exemplarity of an experience that they highlight, particularly effective tools or valuable resources for doing so? Does the auctoriality of autobiographical writing in itself convey or produce authority, legitimacy, or canonicity?
This genre can also be invested by those seeking inclusion within the pale of legitimacy, or by outsiders traditionally excluded from the realm of politics because of their gender, racial or ethnic identity, religious affiliation, sexual orientation, or characteristics constructed as disabilities. How is belonging to a minority then narrativized, emphasized, or euphemized? Is it a matter of challenging the traditional forms of autobiographical political narrative, or even proposing a counter-narrative? Does simultaneously belonging to several minority groups generate discourses that may be described as intersectional, or do narratives tend to highlight one identity at the expense of the others? Do the authors claim to speak for their group(s)? In particular, how do they address their connection with the social movements founded around this minoritized identity—feminism, movements for the rights of people with disabilities or against Islamophobia, etc.? What repertoire is dominant in these works: exemplarity, authenticity, universality, etc.? And, whether it be a matter of legitimizing outsiders, affirming, or challenging authority, to what extent do these autobiographical narratives abide by, or on the contrary resist, standardized, pre-determined formats, such as the scripts of coming out, heroism, resilience, the reversal of stigma, etc.?
In terms of production, writers are often hired to do part or all of the actual writing of political autobiographies (Le Bart 2012): what can these writers’ identity, when known, teach us about the links between political journalists, commentators, and politicians? Another worthwhile issue of inquiry is the publication, or non-publication, of these autobiographical accounts: what editorial and economic processes determine the legitimation or discrediting of these voices? To what extent does publication, but also its medium and the dissemination it either manages or fails to promote, determine legitimacy? Should published and unpublished narratives be approached differently, and if so, how should the latter be considered?
In terms of reception, which audiences do these narratives target and how are they received? How contentious is the assessment of the success or failure (commercial, literary, political) of these works, and hence these strategies of legitimation? To what extent can the writing, publication, circulation, and promotion of an activist or political autobiography help fight prejudice and discrimination (anti-Semitism, Islamophobia, racism, xenophobia, validism, homophobia, sexism, transphobia…)? From an interdisciplinary perspective, it is also worth examining whether these works’ value, legitimacy, and credibility are gauged according to standards of literariness. In other words, do the canons of literary writing perform as standards of legitimacy for activist or political autobiographical voices—which do not necessarily manifest literary ambition—and do minority literatures—Native American, African American, Italian American, Arab American, women’s literature—offer them frameworks, patterns, or canons with which to comply, compare, or contrast?
A final question is what status scholars should give these activist and political autobiographies, when using them as sources for the history of social movements and politics. How to address the issue of reliability? Is an activist or political autobiography worthwhile in itself, or does it only make sense when compared, serially, with others? Do these narratives owe their heuristic value to the fact that they give voice to voices that are otherwise silenced or insufficiently audible? Do they offer counter-narratives whose study and consideration may allow scholars to enhance, deepen, or even renew their understanding of social and political changes? Participants are encouraged to pay attention not only to textual content, narrative patterns, and topical substance, but also to metadiscursive elements (title, first and fourth cover pages, acknowledgements, preface, foreword, and afterword, accompanying photographs or videos, etc.), while being reflexive about the methodological and epistemological implications of analyzing this genre (Marche 2015).
Please send paper submissions (300 to 500 words), including a presentation of method and sources, and a short biographical note by January 17, 2022 to Hugo Bouvard (hugo.bouvard@u-pec.fr) and Guillaume Marche (gmarche@u-pec.fr).
Atelier 20 Argentique canonique ? Qui sont les photographes ?
Carolin Görgen (Paris IV Sorbonne) et Camille Rouquet (CY Cergy Paris)
Invention de la bourgeoisie européenne des débuts du 19ème siècle, la photographie reste longtemps un club fermé excluant notamment les femmes et les personnes de couleur de ses pratiques. La première préoccupation du médium photographique au 20ème siècle est de se frayer une place dans le monde culturel et de gagner une légitimité artistique en montrant que son aspect technologique ne doit pas la cantonner à un rôle documentaire. Les Pictorialistes sont souvent présentés comme le premier groupe réalisant des chefs d’oeuvre visuels avec leurs chambres noires et permettant à des photographies d’investir les galeries d’art européennes et états-uniennes. Le statut de canon artistique n’est désormais plus réservé aux oeuvres relevant de la catégorie des arts plastiques et la photographie peut à son tour se développer au fil des modes et des mouvements. L’ouverture du médium à une population plus large au 20ème a aussi permis à des figures comme Dorothea Lange ou Gordon Parks d’atteindre le statut de professionnel·les, voire de célébrités. Mais ces évolutions rapides sont-elles représentatives des idées de liberté et de démocratisation attachée au médium photographique, ou éclipsent-elles des processus d’exclusion systématiques ?
Bien que les développements de la photographie soient extrêmement rapides, passant des chambres noires aux appareils numériques en seulement un siècle, ils sont constamment accompagnés de questionnements similaires à ceux qui illustrent l’histoire des arts plastiques. Dans l’histoire du médium, les préoccupations « formalistes » dominent trop souvent le discours alors que les questions de matérialité, d’usage et de production sont écartées. Cet atelier invite toute reflexion sur les questions de création de la figure de l’auteur et du “bon” sujet en photographie, avec une volonté de redonner de la visibilité aux auteur·ices et sujets provenant des marges. On pourra se pencher notamment, mais pas exclusivement sur les thèmes suivants :
– La fondation de l’entreprise Kodak à la fin du 19ème siècle et l’invention des pellicules de négatifs rendront l’accès à la photographie bien plus large. Dès lors, la définition de la figure du photographe s’élargit à des classes socio-économiques plus variés ; tout le monde est censé pouvoir créer un “moment Kodak”. Il convient cependant de s’interroger sur l’institutionnalisation de la profession de photographe et sur l’accès même au statut de photographe professionnel aux personnes marginalisées. À qui est octroyé la légitimé en photographie ? Quels profils de photographes ont été laissés dans l’ombre ? Quels les canaux ont donné de la visibilité aux photographes des marges au fil de l’histoire ?
– Quelle place ont eu les photographes non-artistes dans l’histoire ? L’âge d’or du journalisme au milieu du 20ème siècle a mis en lumière le caractère essentiel de la photographie dans les processus d’information et d’éducation. Le photojournalisme poursuit la photographie exemplaire et la récompense de prix prestigieux, créant ainsi un canon auxquels aspirent encore les photographes contemporains. Ces canons et ces reconnaissances sont-ils accessibles par tou·tes ? Ont-ils inévitablement excluent certains sujets des processus de représentation ?
– La notion de l’autorité du photographe peut paraître simple; le photographe qui prend le cliché en est auteur. Et pourtant la fabrique de l’image photographique est une suite de procédures techniques et créatives qui requiert la participation de professionnel·les varié·es. On pensera par exemple à la photographie de presse, typiquement sélectionnée, imprimée et contextualisée non pas par les photographes mais par les éditeurs photos et autres rédacteurs-en-chef. Peut-on alors séparer la photographie de ses usages et réserver la signature auctoriale au seul photographe ?
– La figure du photographe n’est pas la seule à avoir assimilé des standards de légitimé dans l’histoire de la profession : les sujets photographiques ont également dû répondre à des règles strictes pour être reconnus dignes d’exposition, d’attention et d’usage. Le “bon” sujet évolue avec les époques mais certains thèmes—comme la représentation des communautés perçues comme faibles ou marginalisées—ont reçu une reconnaissance disproportionnée dans l’histoire de la photographie. Le documentaire anthropologique, qui octroie une grande autorité aux photographes depuis l’émergence du médium, a aussi été l’une des pratiques les plus excluantes parce qu’elle a longtemps reposé sur l’idéologie coloniale. Quel est l’impact de cet héritage visuel sur la photographie documentaire contemporaine ?
– L’authenticité en photographie a également beaucoup été au centre des préoccupations des professionnel·les et des historien·nes, qu’il s’agisse de déterminer la vérité d’une photographie elle-même (cadrage, montage, pose) ou de ses usages (fake news s’appropriant des photos d’autres contextes). On pourra notamment se pencher sur la construction de discours excluants par le biais des manipulations visuelles.
Les propositions de communication (500 mots maximum), accompagnées d’une notice biographique, doivent être envoyées à Carolin Görgen (carolin.gorgen@sorbonneuniversite.fr) et Camille Rouquet (camille.rouquet@cyu.fr) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.
Panel #20 The photographic canon? Photographers and Practices in Perspective
As an invention of the European bourgeoisie in the early nineteenth century, photography has remained for a long time a privileged practice, excluding women and people of color from its ranks. In the twentieth century, a major ambition of the photographic medium was to carve out a place for itself in the cultural world and to gain artistic legitimacy, notably by demonstrating that its mechanical nature does not limit it to a strictly documentary role. Pictorialists are oftentimes presented as the first group to create visual masterpieces in darkrooms, thus paving the way for photographs to enter European and American museums and art galleries. The artistic canon was no longer reserved for works from the plastic arts alone and photography, in turn, underwent its own trends and movements. The accessibility of the medium to a broader population over the course of the twentieth century also allowed figures such as Dorothea Lange or Gordon Parks to achieve professional, or perhaps even celebrity status. But are these rapid developments representative of the ideas of ‘freedom’ and ‘democratization’ commonly attached to the photographic medium, or do they overshadow other processes of systematic exclusion?
Although the photographic medium evolved at an extremely fast pace, moving from darkrooms to the digital within one century, it has been constantly accompanied by questions and debates pertaining to the fine arts. In the history of the medium, “formalist” concerns too often dominate the discourse while questions of materiality, use, and production are regularly dismissed.
This workshop invites a reflection upon the creation of the “author” figure and the “good” subject in photography, with the aim to provide visibility to marginalized authors and subjects.
The following themes may be considered:
– The foundation of the Kodak company in the late nineteenth century and the invention of negative film provided unprecedented access to the medium. From then on, the definition of the photographer gradually opened up to more diverse socio-economic classes; everyone was supposed to be able to create a “Kodak moment.” However, we may ask to what extent the institutionalization of the photographic profession provided access to marginalized people? To whom is legitimacy in photography granted? What practices and photographers have remained under the radar? Which channels have given visibility to photographers from the margins throughout history?
– What place have non-artist photographers had in history? The golden age of journalism in the mid-twentieth century highlighted the essential role of photography in the news media and education. Photojournalism championed a model of exemplary photography and rewarded it with prestigious awards, creating a canon to which contemporary photographers still aspire. Are these canons and value systems accessible to any photographer? Do they inevitably exclude certain subjects from processes of representation?
– The notion of the photographer’s authority may seem simple, that is, the photographer who takes the picture is its author. And yet the making of the photographic image consists of a series of technical and creative processes that require the participation of various professionals. One thinks for example of press photography, typically selected, printed and contextualized not by photographers themselves, but instead by photoeditors and other news media editors. Can we then separate photography from its uses and reserve the authorial signature to the photographer alone?
– The figure of the photographer is not the only one to have assimilated standards of legitimacy in the history of the profession: photographic subjects have also had to meet strict rules to be recognized as worthy of exhibition, attention, and use. Definitions of “right” subject-matter have evolved over time, but certain themes – such as the representation of communities perceived as weak or marginalized – are only now starting to gain recognition in the history of photography. From the medium’s early beginnings, anthropological documentary has been one of the most exclusionary practices, as it conferred authority on photographers and has long been embedded in colonial ideologies. What impact does this visual legacy exert on contemporary documentary photography?
– Authenticity in photography has likewise been a central concern for professionals and historians alike, whether it is a question of determining the truth value of a photograph itself (framing, editing, posing) or its uses (fake news dissociating photographs from other contexts). We may specifically consider the construction of exclusionary discourses through visual manipulation.
Proposals should be sent to Carolin Görgen (carolin.gorgen@sorbonne-universite.fr) and Camille Rouquet (camille.rouquet@cyu.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 21 Les destinées historiques comme fondement de la légitimité : le genre biographique dans la culture populaire
Danièle André (Université de La Rochelle) et Jeanne Ferrier (Université de Paris)
Entre 2000 et 2021, onze des lauréats de l’Oscar du meilleur acteur ont été récompensés pour leur incarnation d’un personnage historique, dont sept pour des films clairement identifiés comme biographiques. Sur la même période, quatre des films récompensés par un Oscar du meilleur film, et trente-trois des cent cinquante et un candidats à la statuette, étaient des biopics. Depuis 2017, la série biographique de Netflix The Crown a été nommée quatre fois pour le Golden Globe et l’Emmy Award de la meilleure série dramatique, et a raflé quatre de ces prix.
Le genre biographique, en associant la pseudo-légitimité historique du film d’époque au goût du grand public pour les récits de destinées exceptionnelles, occupe une place de choix à Hollywood et dans la culture populaire au sens large : films et séries, mais aussi romans traditionnels ou graphiques, musique (on pensera par exemple aux chansons « Hurricane » et « Joey », de Bob Dylan, ou à « Candle in the Wind » d’Elton John), comédies musicales (telles qu’Evita, Beautiful: The Carole King Musical, ou plus récemment Hamilton) et même jeu vidéo (des jeux autobiographiques tels que That Dragon, Cancer de Ryan Green ou les jeux de Nina Freeman Cibele, How Do You Do It ou We Met in May, se basent sur la vie de leurs programmeur.se.s pour explorer des thématiques universelles).
Le genre en lui-même est fondé sur la réécriture et la romantisation des faits, qui permettent aux fictions biographiques de transformer le récit historique en un récit accessible au grand public, mais aussi bankable. Tout comme la fiction historique, il se rapproche parfois d’une forme de vulgarisation, mais en se focalisant sur un individu en particulier, il favorise l’identification et permet ainsi plus aisément au public de s’investir émotionnellement dans le récit qu’il déploie. Or on peut s’interroger sur les grandes figures qui sont ainsi mises en avant et, dans une certaine mesure, mythifiées. Des personnalités de différents milieux (arts, politique, sciences…) se voient ainsi transformées en héros et héroïnes de la fiction. Les récits biographiques explorent et reconstruisent leur passé afin de comprendre comment ils et elles sont devenu.e.s des « grands noms », appartenant même à la culture générale, mais s’attaquent aussi au côté sombre de la société américaine en se penchant sur des tueur.se.s en série (Jeffrey Dahmer, Ted Bundy, Aileen Wuornos…) ou sur d’autres figures criminelles (on pensera ainsi à la popularité du genre du true crime dans la littérature, les émissions de télévision ou de radio et les podcasts, ou aux séries Netflix Narcos ou Mindhunter). Dès lors, on peut se demander quel est l’objectif du genre biographique dans la culture populaire : s’il semble souvent chercher à construire des modèles, qui viendront par exemple nourrir la valeur fondatrice du self-made (wo)man, comment penser dans ce cadre les nombreuses fictions biographiques sur les tueur.se.s en série, et inversement le nombre restreint de fictions portant sur des personnalités appartenant au monde de la science (et dont la plupart propagent le stéréotype du « génie solitaire » qui peine à s’intégrer à la société) ?
On pourrait également s’interroger sur les individus qui ne sont pas représentés, ou qui l’ont été tardivement. La question des femmes dans le genre biographique se pose par exemple : sont-elles autant représentées que les grandes figures masculines, et le sont-elles de la même manière (une interrogation abordée par Raphaëlle Moine dans Vies héroïques : biopics masculins, biopics féminins) ? Qu’en est-il des minorités de manière générale ? On pourrait par exemple s’intéresser à des films tels que Les Figures de l’ombre, Nina ou Harriet, qui se focalisent sur des figures de femmes noires tout en dénonçant les discriminations raciales historiques aux États-Unis, et se demander si la représentation de figures historiques de femmes noires, et de personnes afro-américaines plus généralement, ne serait pas, pour le cinéma hollywoodien, une manière de dépasser les critiques du mouvement #OscarsSoWhite, tout en n’offrant la représentation qu’à des figures consensuelles (on pensera par exemple au nombre important de biopics hollywoodiens portant sur des figures noires de sportifs ou de musicien .ne.s, déjà connues du grand public). On pourra également s’interroger sur la représentation limitée qui est offerte à certaines minorités, notamment les personnes asio-américaines, ou les personnes LGBTQI+.
Enfin, la fiction biographique est un genre qui entretient le lien très fort entre littérature et cinéma : le récit biographique passe souvent de la page à l’écran, ou se focalise sur des grands noms de la littérature, mettant souvent l’accent sur ce qui, dans leur vie, a pu inspirer l’écriture de leurs textes les plus célèbres (une thématique explorée par Hilda Shachar dans Screening the author: The Literary Biopic). Au-delà des nombreuses biographies littéraires adaptées en film, on peut également mentionner des romans graphiques et bandes-dessinées telles que American Splendor ou encore My Friend Dahmer. L’ancrage du genre dans la littérature pourrait être une manière de revendiquer sa propre légitimité, de s’appuyer sur une base solide, plus respectée que d’autres média, et qui donnerait ainsi une dimension « sérieuse » au récit proposé. La question qui se pose alors est celle du canon : comment la fiction biographique met-elle de côté la réalité historique stricte afin de s’adapter aux codes des différentes formes qu’elle adopte ? Certains aspects de la réalité historique sont-ils systématiquement effacés dans la construction du récit biographique, et pourquoi ? Dans Time Out, le critique de cinéma Dave Calhoun a ainsi résumé Bohemian Rhapsody à « an act of brazen myth-making. Facts and chronology are tossed aside in favor of a messianic storyline… », une critique acerbe qui souligne le rapport complexe qu’entretient la fiction biographique avec ses propres codes.
Les pistes de réflexion suivantes, non-exhaustives, pourront être explorées :
– Quelles sont les formes que prend la fiction biographique ? Comment s’adapte-t-elle aux différents médias dans lesquels elle s’incarne ?
– La fiction biographique se penche-t-elle sur des figures qui font autorité dans leur secteur, ou permet-elle de créer de nouvelles figures d’autorité en permettant au public de s’approprier leurs parcours de vie au travers de la fiction populaire ?
– Dans quelle mesure la fiction biographique, en mettant en avant des faits historiques et des grandes figures du roman national, permet-elle à la culture populaire de revendiquer sa légitimité ?
– Quel rapport entretient-elle avec la chronologie ? Comment la réorganisation, voire la réécriture, de faits historiques favorise-t-elle la construction de grandes figures mythifiées ?
– Inversement, la fiction biographique a-t-elle évolué au fil du temps, à la fois dans son écriture et dans les figures qu’elle met en valeur ? Existe-t-il des biopics oubliés, qui promouvaient des figures aujourd’hui reconnues comme étant dangereuses pour la société ?
– Comment la fiction biographique portant sur des figures d’artistes souligne-t-elle, ou accentue-t- elle les liens entre la biographie de l’artiste et son œuvre ? Quelle place occupent les jukebox musicals tels que Beautiful: A Carol King Musical ou Rocketman dans cette catégorie ?
– Le genre biographique est-il compatible avec le média du jeu vidéo ? Pourquoi existe-t-il si peu de jeux vidéo biographiques et pourquoi la plupart d’entre eux relèvent-ils davantage de l’autobiographie des programmeur.se.s ? Comment le gameplay permet-il aux joueur.se.s de s’impliquer pleinement dans un récit qui appartient d’office à quelqu’un d’autre ?
– De manière plus générale, la fiction biographique parvient-elle à se faire une place dans d’autres formes de jeux (jeux de rôle, GN…) ?
– Quelle place occupent les minorités dans les fictions historiques ? Sont-elles un moyen d’offrir de la visibilité à des groupes sociaux longtemps peu représentées, ou une façon, notamment pour le cinéma hollywoodien, de se prétendre inclusif tout en s’assurant de n’offrir de la visibilité qu’à des figures faisant consensus ?
– Qu’en est-il des biopics fictionnels, ces œuvres qui racontent la vie de personnages qui n’ont existé que dans des œuvres de fiction en s’appuyant sur le canon d’un genre installé ?
Dans une perspective transdisciplinaire, l’atelier est ouvert à toutes les approches qui permettront de comprendre les questions soulevées. Les propositions (entre 300 à 500 mots environ) pourront mettre en avant conjointement différents champs d’études, de cadres théoriques et d’approches. Elles sont à renvoyer conjointement à Danièle André (daniele.andre.univ.larochelle@gmail.com) et Jeanne Ferrier (ferrierjeanne@gmail.com) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.
Panel #21 Historical destinies as the foundation of legitimacy: the biographical genre in pop cultural studies
Between 2000 and 2021, out of the twenty-one winners of the Oscar for Best Actor, eleven were rewarded for playing the part of a historical figure. Seven of the movies they appeared in were clearly identified as biographical pictures. Over the same period, thirty-three out of the one hundred and fifty Oscar for Best Picture nominees – and four of the movies that were awarded the prized statuette – were biopics. Since 2017, the Netflix biographical series The Crown has been nominated four times for both the Golden Globe and the Emmy Award for Outstanding Drama Series, and it has brought home four of these awards.
The biographical genre has place of pride in Hollywood and in popular culture in general, understandably so: it brings together the pseudo-legitimacy of the period film and the widespread appetite for tales of remarkable destinies. Biographies can be found in films and series of course, and in traditional or graphic novels (too many to name), but also in music (Bob Dylan’s songs “Hurricane” and “Joey”, or Elton John’s “Candle in the Wind” for example), stage musicals (such as Evita, Beautiful: The Carole King Musical, or more recently, Hamilton), and even video games (Ryan Green’s That Dragon, Cancer, and Nina Freeman’s games Cibele, How Do You Do It and We Met in May, explore universal themes even though they are based on the lives of their programmers).
Rewriting and romanticizing are cornerstones of the genre. They are a way for biographical fictions to turn historical facts into narratives that will be both accessible to the general public and bankable. It has the same popularizing tone as historical fiction, but because it focuses on a single character, it fosters the process of identification, and makes it possible for the audience to get emotionally involved in the story that it unfolds. This raises the question: who is pictured and, to some extent, mythologized, in biographical fiction? The major – or sometimes a bit obscure – historical figures that the genre sheds light on come from a variety of backgrounds (politicians, artists, scientists…), and are transformed into heroic figures through the narrative. Biographical fiction explores and (re)shapes past events in order to explain how and why these people became so well-known and/or important. And in doing so, they sometimes explore the dark side of American society, telling tales of serial killers for example (Jeffrey Dahmer, Ted Bundy, Aileen Wuornos…), or of other famous criminals – through increasingly popular (and numerous) “true crime” novels, television shows and podcasts, a genre that finds its more celebrated examples in Netflix series such as Narcos or Mindhunter. How can we make sense of a genre that thrives in the representation of both somber individuals who threaten the very fabric of society, and role-models who often feed into the myth of the American self-made(wo)man? Conversely, why are there so few biopics that revolve around big scientific figures, and why are so many of these people represented as mad or lonely scientists?
The issue of the lack of representation also comes to mind: are there any categories of people whose biographies are not fictionalized, or have only become an object of fiction recently? Are women, for instance, represented as often and in the same way as men (an issue tackled by Raphaëlle Moine in Vies héroïques : biopics masculins, biopics féminins)? What about other minorities? In the past few years, there has been a surge of representations of black women in Hollywood biopics with movies such as Hidden Figures, Nina or Harriet, which focus specifically on women who fought, in some way, against racist discriminations. Although they offer better representation to a part of the American society that is rarely pictured in leading roles, it would seem justified to wonder whether these movies are merely a way for Hollywood to push aside the criticisms of the #OscarsSoWhite movement, while limiting this representation to safe, widely recognized figures. This question could be broadened to the representation of African American figures, indeed most of the biographical fictions about them focus on figures of athletes or musicians whom the general public already knows and loves. The limited representation of other minorities, such as Asian-Americans or LGBTQI+ people, could be similarly questioned.
Finally, the strong link between literature and the moving picture is made particularly clear in biographical fiction: biographical narratives are often adapted from the page onto the screen, or focus on major literary figures, usually trying to shed light on the way in which their personal lives inspired their most famous works (an idea that Hilda Shachar worked on in Screening the Author: The Literary Biopic). Most such adaptations are biographical novels turned into biopics, but the source can also be a graphic novel or a comic (American Splendor, My Friend Dahmer). The literary roots of the genre could be a way for it to claim its own legitimacy, to base itself on foundations that seem solid and more worthy of respect than other media, and which could grant an appearance of “seriousness” to the narrative. But in that case, what is the canon that biographical fiction follows? How does the genre set aside historical truth in order to conform to the codes of the different media it appears in? Are some aspects of history systematically erased when the biographical narrative is being constructed, and why? Is the modification of facts as big a deal as Time Out film critic Dave Calhoun seemed to believe when he wrote that Bohemian Rhapsody was “an act of brazen myth-making. Facts and chronology are tossed aside in favor of a messianic storyline…”, thus highlighting the complex relationship between biographical fiction and its own codes?
– The forms of biographical fictions, and the ways in which it adapts to the codes of various media.
– The idea of authoritative figures: are the heroes of biographical fiction already leading figures in their field, or does the genre create new objects of fame by enabling the audience to identify to them through popular fiction?
– The relationship between biographical fiction and historical facts, as a potential way for popular culture to claim its own legitimacy. The issue of time and the chronological reorganization, or even rewriting, of facts in order to turn biographies into myths.
– Conversely, the question of the evolution of biographical fiction through time, and the changes in its form, but also in the figures it chooses to focus on. Are there any “forgotten” biopics, which focus on figures now considered to be dangerous for the American society?
– The connection between the biography of an artist and artistic creation itself, a topic that seems particularly relevant in the case of jukebox musicals such as Beautiful: A Carol King Musical or Rocketman.
– The compatibility between biographical fiction and video games: why are there so few biographical video games, and why are so many of them autobiographies? To what extent can the gameplay allow players to be fully involved in a narrative that entirely belongs to someone else?
– More generally, the integration of biographical fiction into other forms of games (RPGs, LARPDs…).
– The representation of minorities in biographical fictions: are they a way to make scarcely visible social groups more widely represented, or a means, specifically for Hollywood studios, to pretend to be inclusive while carefully selecting safe, consensual figures?
– What about fictional biographies, fictions that revolve around a figure who has only existed in fictional worlds?
In a transdisciplinary perspective, the workshop is open to all approaches which may further the exploration of these questions. Paper proposals (300-500 words approximately) may put forward different fields of study and theoretical frameworks and approaches. They are to be sent to Jeanne Ferrier (ferrierjeanne@gmail.com) and Danièle André (daniele.andre.univ.larochelle@gmail.com) by January 17th, 2022.
Atelier 22 « Beating My Head Against the Wall » : Légitimité, autorité, canons dans la musique et la danse américaines (19ème-21ème siècles)
Adeline Chevrier-Bosseau (Université Clermont-Auvergne), Mathieu Duplay (Université de Paris)
L’Amérique a d’abord, en matière de musique dite « savante », fait l’épreuve de son illégitimité. Au 19ème siècle, alors que la vie musicale se développe aux États-Unis, que les grandes villes se dotent d’orchestres philharmoniques et construisent à leur intention des salles de concert parfois grandioses, c’est le répertoire européen qui triomphe, défendu par des artistes en provenance du Vieux Continent. On se souvient notamment de la soprano suédoise Jenny Lind (1820-1887), amie de Félix Mendelssohn, collaboratrice de Giuseppe Verdi et grande figure de la Bach Renaissance dont la tournée américaine sous l’égide de P. T. Barnum fit grande impression en 1850-52. A New York, Walt Whitman savoure les délices de l’opéra italien ; à la fin du siècle, c’est la vogue wagnérienne qui s’impose à son tour, séduisant une Willa Cather qu’Alex Ross dépeint en pionnière et en porte-parole du wagnérisme américain. Parallèlement, des traditions musicales autochtones commencent à émerger ; mais c’est l’Europe qui continue d’incarner l’autorité esthétique : né à la Nouvelle-Orléans, Louis Moreau Gottschalk (1829-1869) doit se rendre à Paris pour parfaire sa formation et acquérir une légitimité artistique, préfigurant ainsi les nombreux.ses compositeurs.trices américain.e.s qui, dans les premières décennies du 20ème siècle, étudieront en France auprès de Nadia Boulanger. A fortiori, frappés.e. d’un double (voire, pour les femmes, d’un triple) discrédit, les musicien.ne.s d’origine afro-américaine se voient cantonner dans le rôle d’entertainers. Doté d’une formation savante et auteur d’un opéra (Treemonisha, 1911), Scott Joplin (1868-1917) ne parvient à se faire connaître que comme auteur de ragtime, tant il demeure impensable qu’un musicien américain et noir puisse rivaliser avec les grands maîtres européens. Plus tard, la compositrice afro-américaine Florence Price (1887-1953) réussira à faire exécuter ses œuvres par des orchestres de premier plan, mais elle devra traverser un long purgatoire avant d’émerger, au début du 21ème siècle, comme l’une des plus grandes figures de la musique de son pays.
Pourtant, ce qui se développe ainsi à l’ombre de Beethoven ou du maître de Bayreuth frappe par sa richesse et, bien souvent, par son esprit rebelle et irrévérencieux. On connaît la réponse qu’aurait faite John Cage au maître viennois Arnold Schoenberg qui fut son professeur après son exil en Californie : « I explained to him that I had no feeling for harmony. He then said that I would always encounter an obstacle, that it would be as though I came to a wall through which I could not pass. I said, ‘In that case I will devote my life to beating my head against that wall.’ » En 1969, Philip Glass compose Music in Fifths en guise de réponse ironique à Nadia Boulanger qui, un jour, l’avait pris en flagrant délit d’infraction aux règles académiques lorsqu’il avait laissé des quintes parallèles se glisser dans un exercice d’écriture. Plus tard, John Adams intitule Harmonielehre, clin d’œil au Traité d’harmonie (1911) de Schoenberg, une composition symphonique (1985) qui réhabilite la tonalité. Les interprètes ne sont pas en reste ; la soprano Anna Russell (1911-2006), le pianiste Victor Borge (1909-2000) connaissent le succès en parodiant le rituel compassé du concert classique. Pendant ce temps, Harry Partch (1901-1974) retourne aux sources de l’intonation juste, se désolidarisant ainsi de toute la tradition de la musique savante occidentale depuis l’époque de Bach. Tous interrogent la légitimité du canon importé d’Europe, voire contestent la pertinence de la notion d’autorité en matière de musique.
Au début du 21ème siècle, un canon américain a enfin émergé de toutes ces tentatives de réinvention et de remise en cause ; le succès international des compositeurs minimalistes et post-minimalistes y est pour beaucoup, et les institutions les plus conservatrices font désormais une place dans leur programmation aux musiciens autochtones : John Adams, Carlisle Floyd, ou tout récemment Terence Blanchard sont entrés au répertoire du Met. Pourtant, la prégnance de la tradition européenne demeure très forte (les quatre compositeurs les plus joués aux ÉtatsUnis en 2010-11 étaient Beethoven, Mozart, Tchaïkovsky et Brahms), ce qui ne va pas sans interroger à l’heure où le désir d’élargir le répertoire en l’ouvrant aux compositrices et aux musicien.ne.s issu.e.s de minorités ethniques se fait de plus en plus sentir. Quelle est aujourd’hui la place réelle d’Amy Beach, de Ruth Crawford Seeger ou de Pauline Oliveros, pour ne citer qu’elles ? Le débat est parfois vif autour de ces questions dans un contexte où la pandémie de Covid a contraint les milieux musicaux à repenser leurs pratiques et à réfléchir aux moyens de poursuivre et d’approfondir le nécessaire dialogue avec le public mélomane. Par ailleurs, c’est l’idée même d’un canon (américain ou autre) qui est remise en cause alors que les modes de production et de diffusion de la musique tendent à minorer la différence entre musique « savante » et musique « populaire », entre les « monuments » de la culture musicale et les musiques présumées éphémères qui ont pour finalité le divertissement, ou encore lorsque les pratiques expérimentales d’artistes tel.le.s que John Luther Adams font sortir la musique de la salle de concert, desserrant ainsi l’emprise de l’institution.
Si le ballet romantique connaît un franc succès lors de la tournée de la ballerine Fanny Elssler dans les années 1840-42, la danse classique peine à se faire une place totalement légitime dans le paysage culturel américain au dix-neuvième siècle : le manque de structures de formation, l’absence d’une réelle tradition classique et les questions nationalistes autour de la légitimité de la présence d’artistes européen.ne.s sur les scènes américaines vaudront au ballet de se voir dévoyé sous la forme du vaudeville, jusqu’à l’arrivée des Ballets Russes au début du siècle suivant, qui feront renaître l’intérêt pour cette forme d’art. A leurs débuts, Loïe Fuller et Isadora Duncan se heurtent bien souvent à cette question de la légitimité, leur légitimité en tant qu’artistes à part entière étant moins reconnue que leurs qualités ‘décoratives’. Face à cette difficulté pour une femme sur scène d’être vue comme une artiste et non comme un objet érotique ou financier, elles iront ainsi trouver en Europe des conditions plus favorables à l’épanouissement de leur art.
L’origine européenne du ballet classique pose la question du canon, en particulier dans le contexte américain, pour les grands chorégraphes de la tradition classique américaine comme Balanchine : quel serait le canon américain ? Balanchine a créé un style, une technique, un répertoire américanisés, dont se sont inspirés Robbins et ses héritiers. On pourra ainsi réfléchir à la question de la tradition américaine, du canon américain pour le style classique et néoclassique, en interrogeant par exemple l’évolution et le répertoire des grandes compagnies (ABT, NYCB, Miami City Ballet, San Francisco Ballet, Ballet West, …), le travail des chorégraphes américains et leurs relations avec les traditions européennes et américaines (Forsythe, Peck, Martins,…), ou les carrières des grand.e.s danseu.r.se.s classiques américain.e.s. Pour ces dernières, on s’intéressera particulièrement à la question raciale, à travers l’exemple des compagnies de ballet afro-américaines comme le Dance Theatre of Harlem (et leurs réécritures d’œuvres canoniques, comme leur Giselle créole), les carrières d’Arthur Mitchell ou José Limón, ou la visibilité des artistes Native American (les fameuses « cinq lunes », Maria Tallchief, Marjorie Tallchief, Rosella Hightower, Moscelyne Larkin et Yvonne Chouteau, et le « Five Moon Dance Festival » dans l’Oklahoma).
Pour ce qui est de la danse dite « moderne », on s’intéressera aux nouveaux canons établis par les pionniers et pionnières de la danse américaine, mais également à la question de la légitimité, par exemple en interrogeant ce qui d’une pratique confidentielle est devenu totalement mainstream, comme la danse contact – la contact improvisation de Steve Paxton, aujourd’hui pratiquée de manière très courante dans les enseignements de contemporain.
Nous invitons également les contributeurs et contributrices à réfléchir aux questions de canon et légitimité à travers le prisme de la recherche-création, et des liens entre recherche universitaire et création/recherche chorégraphique. La recherche-création en danse permet d’interroger par exemple la question de la création classique au 21e siècle ; les travaux de Laura Cappelle à ce sujet nous invitent à réfléchir à ce que signifie « être classique » aujourd’hui, et aux évolutions possibles d’un style et d’une grammaire qui restent traditionnellement très ancrés dans les codes du 19e siècle. On peut aussi se poser la question des thématiques abordées par la recherche-création, en civilisation au sens large (chorégraphier après #metoo, création chorégraphique et questions raciales ou LGBTQ+, le rapport au canon et au mainstream…) et en littérature (traduction chorégraphique d’auteurs/autrices, canoniques ou dit.e.s « mineur.e.s », …).
Les propositions (200-300 mots, plus courte notice biographique) sont à envoyer à Adeline Chevrier-Bosseau (achevrier.bosseau@gmail.com) et Mathieu Duplay (Mathieu.Duplay@univ-paris-diderot.fr) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.
Panel #22“Beating My Head Against the Wall “:Legitimacy, Authority, and the Canon in American Music and Dance (19th-21st Centuries)
At first, America was convinced of its utter illegitimacy as a purveyor of “art” music. In the 19th century, as musical life developed in the United States, and while large American cities built concert halls to house their newly-formed symphony orchestras, the repertoire and the most popular artists remained overwhelmingly European: thus, the Swedish soprano Jenny Lind (1820-1887) – a friend of Felix Mendelssohn, a collaborator of Giuseppe Verdi, and a key figure of the Bach Renaissance – made a deep impression when she toured the country in 18522. In New York, Walt Whitman enjoyed Italian opera; later in the century, Wagnerian music drama had a major impact in the United States and made numerous high-profile converts, including Willa Cather whom Alex Ross describes as a major American advocate of Wagnerism. At that time, homegrown musical traditions were already emerging, but Europe was still regarded as the fountainhead of all artistic legitimacy; born in New Orleans, Louis Moreau Gottschalk (1829-1869) had to train in Paris in order to be regarded as a composer worthy of the name, prefiguring the many American musicians who later studied with Nadia Boulanger. African American composers were at a double – or, as far as women were concerned, at a triple – disadvantage and were all too often regarded as “mere” entertainers. Despite his solid training and interest in canonical forms (as exemplified by his 1911 opera Treemonisha), Scott Joplin (1868-1917) achieved fame for his ragtime compositions, suggesting that a Black musician from America could not possibly aspire to the same cultural status as the great European masters. Several decades later, the African American composer Florence Price (1887-1953) succeeded in attracting the attention of major American orchestras, but her works were soon forgotten and she did not begin to achieve the recognition she deserved until the early 21st century.
Still, what developed in the shadow of Beethoven and Wagner is notable for its originality and, very often, for its spirit of irreverence. This is exemplified by the answer John Cage is said to have given Arnold Schoenberg when he studied in California with the great Viennese master: “I explained to him that I had no feeling for harmony. He then said that I would always encounter an obstacle, that it would be as though I came to a wall through which I could not pass. I said, ‘In that case I will devote my life to beating my head against that wall.’” In 1969, Philip Glass wrote Music in Fifths as an ironic reply to Nadia Boulanger who once chastised him for his inadvertent use of parallel fifths. Later still, John Adams pointedly gave the Schoenbergian title Harmonielehre to a neo-tonal piece (1985). Performers are similarly irreverent; soprano Anna Russell (1911-2006), pianist Victor Borge (1919-2000) are remembered for their comedy shows, in which they parodied the stuffy ritual of the classical concert. Meanwhile, Harry Partch (1901-1974) rediscovered just intonation, thus turning his back on the entire Western classical tradition since the time of Bach. All share a healthy skepticism regarding the supposed legitimacy/authority of the European tradition.
At the start of the 21st century, an American canon has finally emerged; the international success of minimalist and post-minimalist composers is largely responsible for this state of affairs and the most conservative American institutions now promote the works of American composers: John Adams, Carlisle Floyd, and, most recently, Terence Blanchard have been performed at the Met. Still, the European canon remains firmly in place; in 2010-1, the four most frequently performed composers in America were Beethoven, Mozart, Tchaikovsky, and Brahms. This inevitably raises numerous questions at a time when more and more people are calling for a broadening of the repertoire, pointing out that women/BIPOC composers are not given the attention they deserve. What place do musicians such as Amy Beach, Ruth Crawford
Seeger, and Pauline Oliveros actually occupy today in American musical culture? These and similar issues are hotly debated today, as the Covid pandemic forces musical institutions to question their own practices and to seek new ways of connecting with their audiences. As a result, the very idea of a musical canon – American or otherwise – is no longer to be taken for granted since present-day modes of performance and consumption tend to downplay the difference between “art” music and “popular” music, the “monuments” of musical culture and supposedly ephemeral forms of musical entertainment. In addition, the experimental practices of musicians such as John Luther Adams have tended to liberate music from the rituals and traditions associated with the concert hall.
If the arrival of Romantic ballet on American stages was met with enthusiasm when Fanny Elssler first introduced it during her American tour (1840-42), classical ballet had a bit of a choppy start in the United States: without the cultural structures and institutional support ballet had in Europe, the art form did not immediately find a place in the American cultural landscape. There was little formal training available to dancers, no real ballet tradition, and the Puritan mindset was a redoubtable obstacle to ballet as a profession; as a result, ballet survived in the second half of the 19th century mostly in the form of ballet acts in vaudeville shows, until the arrival of the Ballets Russes revived American interest for ballet. Not only does this raise the question of the “legitimate” place of ballet in the American cultural landscape – as a European importation (and everything it implies in terms of national culture, the relations with the Old Continent during the American Renaissance,…) and as an “illegitimate” profession for women in a Puritan country – but it also leads us to consider the question of the legitimacy of American artists as such: when they started out in their native country, Loïe Fuller and Isadora Duncan’s legitimacy as artists was often questioned, and they struggled to be seen as more than sexual objects or commodities on the entertainment market, which led them to go seek artistic recognition in Europe, where their artistry was appreciated.
The European origins of classical ballet also raise the issue of the canon, especially in an American context: how can the American canon be defined? If there is an école française, a ballet tradition in place since the reign of Louis 14th and the creation of the Académie royale de danse, what are the contours and specificities of the American school? How does one define American ballet? Balanchine created a style, a technique, an American repertory, and a tradition that Robbins and his other heirs inherited: we therefore invite contributors to investigate that notion of an American canon, especially for classical and neo-classical ballet, through maybe the evolution and the rep of major American companies (ABT, NYCB, Miami City Ballet, San Francisco Ballet, Ballet West, …), the work of American choreographers and how they approach Americanness in relation (or not) to the école française or any other European ballet tradition, and the careers of the great American ballet dancers. This will also lead, necessarily, to the question of race associated to the ballet tradition – which could be interrogated through the work of African-American companies like the Dance Theatre of Harlem (and their Creole Giselle, for example), the careers of Arthur Mitchell or José Limón, or the visibility of Native-American ballet dancers (the famous “five moons”, Maria Tallchief, Marjorie Tallchief, Rosella Hightower, Moscelyne Larkin and Yvonne Chouteau, and the Five Moon Dance Festival in Oklahoma).
When it comes to Modern dance, we invite contributors to think about the new canons established by the pioneers of American dance, but also about the issue of legitimacy, by interrogating dance practices that moved from the individual work of some modern choreographers to mainstream practices in contemporary dance training – like Steve Paxton’s contact improvisation technique, for example.
Finally, we invite contributors interested in music and dance to propose a reflection on these questions of legitimacy, authority, and canon(s) through the perspective of choreographic and musical research, by submitting creative projects that combine research in dance and/or music and academic research.
Please send abstracts (200-300 words, + a short bio note) to Adeline Chevrier-Bosseau and (achevrier.bosseau@gmail.com) and Mathieu Duplay (Mathieu.Duplay@univ-parisdiderot.fr).
Atelier 23 Les nouvellistes américains et la nouvelle comme institution culturelle aux États-Unis
Maurice Cronin (Université Paris-Dauphine)
Le statut culturel et institutionnel paradoxal qu’occupe la nouvelle aux États-Unis, où, depuis la fin du dix-neuvième siècle jusqu’à nos jours, elle a été, tour à tour, érigée en forme littéraire nationale et reléguée en parent pauvre du roman, en fait un sujet riche pour toute considération des thèmes de la légitimité, de l’autorité et des canons dans le domaine littéraire. Depuis les années 1890, lorsque l’universitaire Brander Matthews a désigné la « short-story » comme un genre à part entière, tout à fait distinct du roman, le genre européen par excellence – désignation qualifiée par Andrew Levy de « déclaration informelle d’indépendance des États-
Unis de l’asservissement culturel à la littérature européenne » – la nouvelle ne cesse de jouir d’un statut d’exception aux États-Unis (The Culture and Commerce of the Short Story, 34, ma traduction). Ce statut est étroitement lié à un certain nombre de phénomènes institutionnelsque l’on peut observeroutre-Atlantique. Pour se légitimer, les fondateurs des départements universitaires de lettres modernes qui émergeaient au début du vingtième siècle aux États-Unis devaient se doter non seulement d’un canon de textes anglo-américains modernes à l’image du canon classique, mais aussi d’une « forme littéraire nationale » (Lévy 84), et la nouvelle a fait figure de candidate à ce rôle. Cette candidature a été renforcée ultérieurement par la parution des anthologies-manuels littéraires chères aux « New Critics », tels que Understanding Fiction (1943, 1959) de Brooks and Warren, qui donnaient à la nouvelle un rôle très important dans l’enseignement de la littérature aux lycées et dans les universités, et par le lancement des premiers programmes d’études postgradués dans la création littéraire dans les années trente, où la nouvelle a été d’emblée adoptée comme genre d’apprentissage de choix des formateurs. Aujourd’hui aux États-Unis, le genre est l’apanage plus ou moins exclusif de magazines de prestige comme le New Yorker,et il est plus que jamais au cœur de l’enseignement universitaire, notamment de celui des départements de création littéraire, qui ont proliféré outre-Atlantique depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Cependant, malgré cette forte légitimité institutionnelle — à moins que ce ne soit, en partie, à cause d’elle — la nouvelle donne plus que jamais l’impression d’un genre en quête perpétuelle de légitimité.
Cela peut s’expliquer, d’une part, par la nature des structures institutionnelles qui ont joué un rôle déterminant dans l’évolution du genre aux États-Unis, et d’autre part, par le caractère spécifique de la question de la légitimité dans le domaine littéraire plus globalement. De façon générale, la légitimité a une dimension foncièrement institutionnelle dans la mesure où elle est une « position attribuée par un système d’organisation sociale reconnu par tous les membres de la société » (Patrick Charaudeau, « Le charisme comme condition du leadership politique », 3). Mais si la littérature est elle-même une institution au sens usuel de ce terme, à savoir une organisation de pratiques et d’appareils, elle est aussi une « étrange institution » dans la mesure où, « en principe », elle « permet de tout dire de n’importe quelle façon » ; et de cette manière, elle confère aux textes le pouvoir de « se délivrer des règles, de les déplacer » (Derrida, Acts of Literature, 36, 37, ma traduction). Ainsi, le champ littéraire se caractérise généralement par un degré d’institutionnalisation relativement faible. Les textes littéraires ne sont pas, dans leur production comme leur réception, le produit de règles et de conventions prédéfinies une fois pour toutes. Comme ils s’énoncent à travers une situation qui n’est pas un cadre fixe, ils doivent se faire accepter, et, en quelque sorte, s’instituer ou « s’autoriser d’eux-mêmes » (Maingueneau, Le Discours Littéraire, 48). Dans le domaine littéraire, il existe donc un potentiel de tension entre la légitimité, entendue comme position attribuée par une instance socialement reconnue, et l’autorité « charismatique » d’une parole qui participerait à la fois du monde ordinaire et des forces invisibles qui l’excèderaient. Si la situation de la nouvelle aux États-Unis est particulièrement révélatrice de cette tension, c’est précisément parce que la médiation institutionnelle y est si présente et si visible, que ce soit sous la forme de la politique éditoriale des magazines, des anthologies, et des maisons d’édition, ou bien de la pédagogie des départements de lettres modernes et des programmes de création littéraire dans les universités. Comme ces déterminants institutionnels ne sont pas que de simples facteurs externes, encadrant les textes, mais de véritables agents de leurs structures et de leurs « contenus », la question de savoir comment les nouvellistes aux États-Unis les négocient et les renégocient dans leurs textes mêmes se pose. Dans cet atelier, nous cherchons à fournir des éléments de réponse à cette question. Ainsi, nous accueillons toute proposition de communication qui aide à comprendre, ou à montrer comment, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui, les nouvellistes aux États-Unis ont réussi à se forger une identité littéraire distinctive et à gagner le statut d’auteur canonique dans un genre à la fois « mineur » et si manifestement « institutionnalisé ».
La question de la négociation-renégociation du statut culturel du genre n’est pas, bien entendu, qu’une affaire textuelle. Le mode de publication est un facteur institutionnel particulièrement déterminant pour le nouvelliste. Comme Bruno Montfort l’a souligné, la nouvelle, à la différence du roman, « est très généralement une unité textuelle plus petite que son unité de publication », que ce soit un magazine, une revue ou un recueil de nouvelles (« La nouvelle et son mode de publication » 158). Ainsi, roman et nouvelle relèvent de « deux modes de publication hiérarchisés car susceptibles de jouir d’un prestige inégal tant auprès des auteurs que des lecteurs » (157). Comme la publication de leurs nouvelles dans des magazines et des revues reste aujourd’hui un passage obligé pour avoir accès aux formes de publication plus prestigieuses, toute contribution qui traite des relations auteur-éditeur de magazine ou de revue, par exemple par l’étude de leurs correspondances, serait d’une pertinence évidente pour cet atelier, tant il est vrai que de telles relations mettent en jeu l’autorité des nouvellistes sur leurs textes.
On peut penser que la publication de leurs nouvelles sous forme de recueils à auteur unique est synonyme de consécration pour les nouvellistes. Cependant, comme Bruno Montfort le fait remarquer, l’autorité du recueil à auteur unique, même s’il est autographe, demeure « restreinte », par rapport à celle du roman, car le recueil est toujours « plus facilement démembré qu’un roman » (165). Le triste sort éditorial réservé à des recueils d’auteurs aussi prestigieux et canoniques que Hemingway et Faulkner, pour ne citer qu’eux, semble donner raison à Montfort. Il n’en est pas moins vrai que le recueil de nouvelles autographe est plus que jamais aujourd’hui un format de publication prestigieux aux États-Unis, et la publication d’un recueil autographe de nouvelles publiées au préalable dans des magazines ou des revues offre la possibilité aux nouvellistes, le cas échéant, de réaffirmer leur autorité sur leurs textes. Des analyses comparatives de versions différentes de nouvelles selon le mode de publication permettraient de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse.
Le passage au livre peut se faire également par les recueils à auteurs multiples, comme les anthologies de nouvelles. L’inclusion d’une de ses nouvelles dans une anthologie prestigieuse peut même ouvrir la voie à la canonisation pour un.e nouvelliste. Quel que soit le genre littéraire, l’anthologie nationale se présente le plus souvent comme le reflet d’une tradition ou d’un canon national à un moment donné. En réalité, de telles anthologies jouent un rôle déterminant dans l’établissement des traditions qu’ils prétendent « représenter ». Les sélections opérées par les éditeurs, et les préfaces qu’ils rédigent, le plus souvent, pour les justifier auprès des lecteurs, confirment ou modifient la perception publique du genre, et peuvent jouer un rôleclé dans les débats autour des canons. L’anthologie de nouvelles ne fait pas d’exception à cette règle, mais en tant que genre à part entière,elle n’a pas encore reçu l’attention critique qu’elle mérite (D’Hoker, « The Short Story Anthology », 115). Le plus souvent aujourd’hui, les anthologies de nouvelles américaines sont éditées et présentées par un.e nouvelliste. Des communications consacrées aux préfaces et aux choix éditoriaux, et à la composition de telles anthologies permettraient de déterminer le rôle joué par les nouvellistes eux-mêmes dans la définition du genre et dans l’établissement des canons.
Si le rôle que jouent les nouvellistes dans l’édition des anthologies prouve, s’il était nécessaire, que les relations qu’ils/elles entretiennent avec les institutions du monde littéraire sont souvent très étroites, leur participation aux « programmes » universitaires de création littéraire, que ce soit en tant que formateurs/formatrices ou en tant qu’étudiant.e.s, montre que de telles relations relèvent parfois de la symbiose. Mark McGurl s’est consacré à montrer que les effets de l’institution universitaire sont « omniprésents » (The Program Era, 4, ma traduction) dans les romans et des nouvelles publiés aux Etats-Unis depuis la deuxième guerre mondiale. L’ouvrage de McGurl n’est pas en soi consacré à la nouvelle, et sa présentation des effets de l’institution de l’atelier de création littéraire sur les textes des nouvelles est nécessairement lacunaire. Ainsi, pour cet atelier, nous accueillons des propositions de communication qui, soit développent la démarche de McGurl, tout en portant leur attention plus spécifiquement sur la nouvelle, soit qui s’attachent, beaucoup plus que McGurl ne le fait, à explorer l’impact de la participation des nouvellistes et écrivains en tant que formateurs/formatrices sur le système de l’atelier de création littéraire dans les universités états-uniennes.
Les propositions de communication (500 mots maximum), accompagnées d’une notice biographique, doivent être envoyées à Maurice Cronin (mcecronin@yahoo.fr) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.
Panel #23 American short story writers and the American short story as cultural institution
The short story holds a paradoxical institutional and cultural status in the United States, where it has, by turns, been exalted as the ‘national art form’ and relegated to the role of poor relation to the novel. Since the 1890s, when Brander Matthews designated the “short-story” as a genre in its own right, quite distinct from, and implicitly superior to, the novel, seen as the canonical form of European fiction—a designation that Andrew Levy has described as “an informal declaration of independence from … cultural subservience to European literature” (The Culture and Commerce of the Short Story, 34)—the short story has frequently been accorded an exceptional place in U.S. culture. This is partly attributable to institutional factors specific to the country. The establishment of a modern Anglo-American literary canon to rival the classical canon was a key element in the endeavor to legitimize modern English departments emerging in the early twentieth century in the US. Establishing an American literary tradition was an important part of that endeavor throughout the first half of the century, and the designation of the short story as candidate for the role of “national art form” a notable feature of it (Levy 84). The genre’s candidacy was subsequently bolstered by the appearance of the New Critical anthology-text books, such as Brooks and Warren’s influential Understanding Fiction (1943, 1959), which gave the short story an important role in highschool and college literature pedagogy, and the emergence of the first creative writing graduate programs, in which the short story was almost immediately adopted as the apprentice genre for aspiring writers of fiction. In the U.S. today, the short story is associated with prestige publications like the New Yorker and is more than ever at the heart of creative writing pedagogy in graduate workshop programmes. And yet, despite this strong institutional presence—or perhaps even because of it—the short story still gives the impression of a genre caught up in a perpetual quest for legitimacy. This is precisely what makes it a rich subject for exploring the related questions of legitimacy, authority, and canons in American studies.
The genre’s paradoxical status is attributable partly to the nature of the institutions that have been instrumental to its development in the U.S., and partly to the specific nature of the question of legitimacy in the literary domain more generally. As Patrick Charaudeau shows, legitimacy can generally be defined as a form of social recognition that is always, in some way or another, institutional in nature and origin (“La charisme comme condition du leadership politique”, 3). In a sense, literature is itself an institution in the usual sense of the term, but it is also a strange, paradoxically “institutionless institution”, as Jacques Derrida puts it, insofar as “in principle” it“allows one say everything, in every way” (Acts of Literature, 42, 36). As such, what is thereby ‘instituted’ is literary authors’ freedom “to break free of rules, displace them” (37). As a field, then, literature is a relatively weakly institutionalized one. Literary texts do not emerge in a situation in which the rules or norms governing their emission and reception are entirely pre-defined once and for all. As such, they must reflexively negotiate their own emergence, and as it were, legitimize themselves. It follows from this that in the literary domain there is always a potential tension between legitimacy, understood as a form of institutional recognition or sanction, and authority, which in this case must always have a more or less pronounced “charismatic” dimension, insofar as its source is not socially or institutionally visible. This tension between legitimacy and authority is especially relevant to the position of short story writers in the United States precisely because the short story is a genre in which the mediating role of the institutional structures crucial to its development is particularly visible, whether it be in the form of magazine or anthology editors, anthology textbooks or creative writing workshops. As such institutional factors do not merely surround works but affect them in their very structure and “content”, this workshop seeks to explore the question of how writers in the U.S. negotiate and renegotiate them within their works. All approaches that help us understand how, since the post-war era, short story writers have managed to construct distinctive literary identities and gain canonical status in a so-called minor genre that has been so heavily institutionalized are welcome.
This question of authors’ negotiation and renegotiation of the cultural and institutional status of the genre is, of course, not just a textual matter. Mode of publication is a particularly crucial institutional factor that all short story writers have to contend with. As Bruno Montfort has argued, what truly distinguishes the short story from the novel is that the former is almost always published alongside other texts. Unlike the novel, its “verbal unit” (the text) very rarely overlaps with its “material unit of publication”, i.e. the book (Montfort 158, my translation). In a culture in which the single-author book still very much remains the prestige publication format for fiction, short stories and short story writers always potentially suffer from a deficit of legitimacy and cultural authority. Given that prior publication in magazines and journals is more than ever a pre-requisite for short-story writers to gain subsequent access to publication in more prestigious formats, contributions that deal with short story writers’ relations with magazine editors—through, for example, examination of author-editor correspondence—are of obvious relevance to this workshop.
The publication of single-author collections would appear to represent a form of consecration for short story writers. Yet whether re-publication of magazine-published stories in single-author collections offers a solution to the deficit of legitimacy and authority that shortstory writers have to contend with is moot. Bruno Montfort points out, for instance, that the authority of such collections is more often than not quite restricted, an argument supported by the fact that, to a far greater extent than novels, they are subject to being “dismembered” (165, my translation) and subsequently re-published in different formats. The chequered publication history of short story collections in the United States, even those of canonical writers like Hemingway and Faulkner, lends credence to this view. Yet the short story collection as a genre continues to enjoy a degree of presence and cultural prestige in the US today that is unrivalled in most other national literatures. Furthermore, one might wonder whether re-publication of magazine-published stories in single-author collections constitutes a re-assertion of writers’ authority over their texts. Proposals that involve comparative analyses of magazine and bookcollection versions of authors’ stories would offer an interesting way of exploring this question. Re-publication of their stories in short story anthologies may also represent a form of consecration for short story writers. National anthologies are frequently designed to ‘reflect’ a national tradition, or the cultural and social concerns proper to a nation, but in reality, they are also instrumental in shaping the traditions they purport to reflect. Editorial selections, and the introductions or prefaces that usually present and justify them to readers, help shape or change readers’ conception of the genre and play an important role in the on-going process of canon formation. The short story anthology genre is no exception, but it has not as yet received the critical attention it undoubtedly deserves (D’Hoker, “The Short Story Anthology”, 115). As the tradition of inviting short story writers to edit short story anthologies is very much alive today in the US, contributions that study the prefaces and editorial choices of such anthologies would add to our understanding of the role writers themselves have played in (re)shaping the canon and the short story as a genre.
The roles writers have played as anthology editors show, if it were necessary, that the relationship between writers and the institutions of the literary field is often a symbiotic one. U.S. writers’ widespread involvement as instructors or former students in university creative writing workshops provides further evidence of this. Mark McGurl claims to show that the presence of the workshop system is “everywhere visible … like a watermark” in post-war US prose fiction, manifesting itself most characteristically in the new forms of institutional selfreflexivity that he detects in the texts of novelists and short-story writers of the so-called “program era” (The Program Era, 4). However, McGurl’s work is not focused specifically on the short story, and his account of the institutional effects of the workshop system on the genre and on the practice of short story writers is necessarily patchy. Contributions that either build on McGurl’s approach or pay greater attention than he does to the shaping effects that writers themselves have had on the workshop system through their involvement in it would thus also be very welcome.
500-word proposals and a short biographical statement should be sent to Maurice Cronin (mcecronin@yahoo.fr) no later than January 17th, 2022.
Works cited
Brooks, Cleanth, and Robert Penn Warren. Understanding Fiction, 2nd edition, Prentice-Hall, 1959.
Delaney, Paul and Adrian Hunter (eds and introd). The Edinburgh Companion to the Short Story in English, Edinburgh UP, 2018.
D’Hoker, Elsa. “The Short Story Anthology.” Ed. Paul Delaney and Adrian Hunter, The Edinburgh Companion to the Short Story in English. Edinburgh UP, 2019. 108-124. Eggers, Dave and Zadie Smith (eds and introd.) The Burned Children of America. Hamish Hamilton, 2003.
Ford, Richard (ed. and introd.). The New Granta Book of the American Short Story. Granta Books, 2007.
Levy, Andrew. The Culture and Commerce of the American Short Story. Cambridge UP, 1993.
Marcus, Ben (ed. and introd.) New American Stories. Vintage, 2015.
Matthews, Brander. “The Philosophy of the Short-Story.” Short Story Theories. Ed. Charles E.
May. Ohio UP, 1976. 52-59
McGurl, Mark. The Program Era and the Rise of Creative Writing. Harvard UP, 2009. Montfort, Bruno. “La nouvelle et son mode de publication, le cas américain.” Poétique 90, 1992. 153-171.
Oates, Joyce Carol (ed. and introd.). The Oxford Book of American Short Stories. Oxford UP, 1992.
O’Brien, Edgar J. The Advance of the American Short Story. Scholarly Press, 1972 (Rev. ed. New York, Dodd, Mead and Company 1931).
Poe, Edgar Allan. “Nathaniel Hawthorne.” Edgar Allan Poe. Poems and Essays. Dent: Everyman’s Library, 1927. 177-194
Pratt, Mary Louise. “The Short Story: The Long and the Short of it.” The New Short Story Theories. Ed. Charles E. May. Ohio UP, 1994. 91-113.
Updike, John. “Introduction”. Best American Stories 1984. Ed. John Updike and Shannon Ravenel, Houghton Mifflin, 1984.
Updike, John, and Katrina Kenison (eds. and introd.). The Best American Short Stories of the Century. Houghton Mifflin, 1999.
Atelier 24 Féminiser le Western au 21st siècle : Légitimer le discours féminin et défier l’autorité masculine
Anne-Marie Paquet-Deyris (Université Paris Ouest-Nanterre) et Gilles Menegaldo (Université de Poitiers)
Au cours de sa longue histoire qui remonte au moins à 1903 avec The Great Train Robbery d’Edwin Porter, le western a valorisé une perspective prioritairement masculine. En dehors de quelques films comme Westward the Women (William A. Wellman, 1951), The Woman they Almost Lynched (Allan Dwan, 1953), Johnny Guitar (Nicholas Ray, 1954) ou plus récemment, The Ballad of Little Jo (Maggie Greenwald, 1993) et The Quick and the Dead (Sam Raimi, 1995), les femmes ont été reléguées en périphérie du récit et se sont vues attribuer principalement des rôles traditionnels (ménagère, épouse), objets du désir masculin, réduites à des stéréotypes comme la mater dolorosa, l’institutrice, ou la serveuse de bar. Ainsi qu’avec d’autres formes culturelles, cela a eu pour conséquence, une héroïsation quasi-exclusive du masculin dans des récits qui évoquent la construction d’une nation, les espaces mythiques et suscitent un imaginaire fantasmatique (Richard Slotkin).
Les avatars westerniens du XXIe siècle qui participent d’une formule générique particulièrement résiliente, avec ses hauts et ses bas, ont témoigné d’une volonté affirmée de proposer des mythologies alternatives, en particulier, en attribuant des rôles plus centraux aux personnages féminins, et en féminisant graduellement l’espace westernien, ou en remettant en cause un discours classique sur les genres dans des films tels Meek’s Cutoff (Kelly Reichardt, 2010), The Keeping Room (Daniel Barber, 2014), ou The Homesman (Tommy Lee Jones, 2014) ou dans des séries TV comme Godless (Scott Frank, 2017).
Cet atelier sollicite des analyses de films individuels ou de séries et des questionnements sur les modes de transformation des codes culturels et génériques et des relations genrées. Les communications pourront porter aussi sur les liens entre cette visibilité nouvelle des femmes et le rôle des Amérindiens, la représentation du corps, le regard féminin, la violence sexuelle, le recyclage et la redéfinition des conventions génériques. Elles pourront également explorer les esthétiques alternatives et les nouveaux discours et idéologies qui permettent de cartographier un paysage westernien renouvelé et de mettre en exergue des variations originales.
Les propositions de communication (500 mots maximum), accompagnées d’une notice biographique, doivent être envoyées à Gilles Menegaldo (g.menegaldo@gmail.com) et AnneMarie Paquet-Deyris (apaquet-deyris@parisnanterre.fr) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.
Références
Bandy, Mary Lea and Kevin Stoehr, Boldly Ride: The Evolution of the American Western, Berkeley/ Los Angeles/ London: University of California Press, 2012.
Buscombe, Edward. ‘Injuns!’: Native Americans in the Movies. London: Reaktion, 2006. Kitses, Jim. Horizons West. London: BFI, [1969] 2004.
Rollins, Peter C. and John E. O’Connor (eds.). Hollywood’s West: the American Frontier in Film, Television, and History. Lexington: University Press of Kentucky, 2005.
Wildermuth, Mark. Feminism and the Western in Film and Television, London: Palgrave, 2018.
Panel #24 Feminizing the Western in the 21st Century : Legitimizing Female Discourse and Challenging Male Authority
Throughout its long history, which goes back at least to Edwin Porter’s 1903 short The Great Train Robbery, the Western has betrayed an overwhelming masculine perspective. With a few exceptions, ranging from Westward the Women (William A. Wellman, 1951), The Woman they Almost Lynched (Allan Dwan, 1953), Johnny Guitar (Nicholas Ray, 1954) to, more recently, The Ballad of Little Jo (Maggie Greenwald, 1993) and The Quick and the Dead (Sam Raimi, 1995), women have mostly been displaced to the periphery of the narratives and have been given traditional roles as homemakers, housewives and objects of male desire and reduced to stereotypes like the suffering mother, the schoolmarm or the “Bar room gal”. As with other cultural forms, one consequence is the openly masculine bias of its nationconstruction stories, mythical spaces and projective fantasies (Richard Slotkin).
Part of a very resilient cinematic formula despite ups and downs, 21st-century variations have revealed a greater interest in crafting alternative American mythologies, particularly, though not exclusively, by repositioning women in more central roles and gradually feminizing the space of the Western or, at least, questioning its classical gender politics as in films such as Meek’s Cutoff (Kelly Reichardt, 2010), The Keeping Room (Daniel Barber, 2014), or The Homesman (Tommy Lee Jones, 2014) or TV series like Godless (Scott Frank, 2017).
This panel invites close readings of individual films or series and also inquires into various areas of cultural, genre and gender transformation. Papers may address topics such as the links between new visibilities of women and native Americans, the treatment of the female body and the female gaze, sexual violence, the recycling and redefining of generic conventions. They may also explore alternative aesthetic forms and new ideological discourses, mapping out a renewed western landscape and new strains of the genre.
Proposals should be sent to Gilles Menegaldo (g.menegaldo@gmail.com) and Anne-Marie Paquet-Deyris (apaquet-deyris@parisnanterre.fr) no later than January 17th, 2022.
Atelier 25 Alliances et allié·es du socialisme : dynamiques de légitimation des socialismes états-uniens
Kalilou Barry (Université Paris-Est Créteil), Grégory Bekhtari (Université Paris Nanterre, Université Paris 1) et Jeanne Boiteux (Université Paris 3, Université Paris 1)
La campagne présidentielle états-unienne de 2020 fut l’occasion pour universitaires et hommes et femmes politiques de tous bords de s’inquiéter des liens réaffirmés du Parti démocrate avec le socialisme. L’historien conservateur Niall Ferguson n’a ainsi pas hésité à déclarer que se revendiquer du socialisme reviendrait pour les Démocrates états-unien·nes à commettre un « suicide politique », tandis que le président sortant jouait sur les affinités socialistes présumées de ses adversaires, Joe Biden le premier, pour mobiliser son électorat. Ces discours ne sont pourtant pas nouveaux puisqu’ils s’inscrivent dans une longue histoire, au point que l’historiographie du socialisme aux États-Unis est souvent aussi celle de sa délégitimation, comme l’atteste par exemple l’ouvrage fondateur de James R. Green GrassRoots Socialism. Radical Movements in the Southwest, 1895-1943 (Baton Rouge : Louisiana UP, 1978). Cependant, dans le contexte actuel de ré-émergence du socialisme aux États-Unis, ces tentatives de délégitimation nous amènent à nous interroger sur les stratégies mobilisées par le mouvement socialiste en vue d’assurer sa légitimité. Quel est l’intérêt des socialistes états-unien·nes à se rapprocher des Démocrates ? Ou, dans un autre registre, nous pourrions nous demander non pas ce que le socialisme peut faire pour d’autres courants politiques et idéologiques, mais ce que l’alliance avec ces dernièr·es a pu faire et fait aux idées socialistes.
Nous proposons donc d’interroger la façon dont les socialistes états-unien·nes ont effectivement recherché à légitimer leur mouvement aux yeux de la société civile et du personnel politique, et ce par le moyen d’alliances politiques et idéologiques. Pour mieux comprendre les stratégies d’aujourd’hui, il est nécessaire d’étudier les modalités et les évolutions de ces alliances. La résurgence du socialisme aux États-Unis vient remettre au centre des discussions le cliché maintenant bien ancien de son caractère fondamentalement « nonaméricain », qui fut diffusé par Werner Sombart et d’autres dès le début du XXe siècle. Dès lors que le socialisme a été catégorisé comme un mouvement étranger, la recherche par ses partisan·es d’une légitimité a dû s’ancrer dans un cadre de valeurs préexistant.
C’est ainsi que des rapprochements avec divers mouvements sociaux et formations politiques eurent lieu. On notera par exemple les rapports étroits avec le syndicalisme à la fin du XIXe siècle, puis, plus tard, dans les décennies 1930 et 1940. De même, le Parti communiste américain, alors sous la direction d’Earl Browder, en alliance avec l’administration Roosevelt pendant la Seconde Guerre mondiale, entama l’élaboration d’une rhétorique liant les valeurs socialistes aux idéaux de la Révolution américaine, voire aux normes patriotiques en vigueur. Les liens entre Démocrates et socialistes sont en effet plus anciens que ce que nous suggèrent les discours actuels, qui isolent souvent la figure de Michael Harrington et son projet « à la gauche du possible » à l’intérieur du Parti démocrate lancé en 1982 avec la création des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA).
Cette recherche de légitimité n’est pas exempte de tensions politiques importantes. Il existe en effet un paradoxe entre la recherche d’une autonomie propre et légitime, en tant que socialisme, et celle d’une légitimité qui passerait nécessairement par l’affiliation à des idées et mouvements jugés comme moins radicaux, moins exogènes, voire moins dangereux. La référence à un cadre de valeurs et de principes américains accrédite l’idée que ces derniers sont fondamentalement justes et les soustrait à la critique. L’adaptation du socialisme à un environnement politique hostile rentre donc en conflit avec la préservation d’une autonomie, d’une cohérence interne, et d’un terreau favorable à une vraie diversité idéologique au sein du mouvement.
Au sein du socialisme, différentes mouvances et groupes, occupant une position plus ou moins centrale, se sont disputé depuis le XIXe siècle la primauté de leur cause. Qui a le droit de se revendiquer socialiste aux yeux de la société américaine ? Quelles sont les revendications légitimes à mettre en avant ? Au XIXe siècle, les partisan·es d’un socialisme utopique comme les fouriéristes, par leur recherche de modes de vie alternatifs, ont suscité la méfiance et le rejet. Dans le sillage des mouvements de répression anti-socialiste et anti-communiste, de vifs débats ont également opposé les socialistes révolutionnaires à leurs camarades plus modéré·es, adeptes de la social-démocratie. Plus récemment, en mai 2020, l’annulation de l’invitation du politiste africain-américain Adolph Reed à prendre la parole devant la section new-yorkaise de DSA, parce que le Caucus des afrosocialistes et des socialistes de « couleur » de l’organisation lui reprochait de défendre le « réductionnisme de classe », illustre bien cette tension entre différents groupes au sein du mouvement. À plusieurs moments critiques, les socialistes étatsunien·nes ont dû considérer l’image que le parti renvoyait, et donc, nécessairement, comment cette image était construite par l’association avec d’autres idées, personnalités, et groupes.
Alors que les spécialistes d’histoire des femmes et du genre se penchent sur ce que constitue un·e allié·e, et sur la façon dont les alliances idéologiques se nouent, nous proposons de resituer les socialistes états-unien·nes au sein de réseaux nationaux. En ce qui concerne le socialisme, ce travail n’a pas encore été fait de manière synthétique.
Les spécialistes d’un mouvement social radical ou d’un autre ont cherché à établir des liens entre la gauche et leur objet d’étude, comme ont d’abord cherché à le faire les féministes marxistes. Dans les décennies 1970 et 1980, pour expliquer l’essoufflement des syndicats qu’ils constatent, les spécialistes d’histoire du travail s’intéressent à ce qu’ils et elles caractérisent comme l’échec d’une alliance entre syndicalisme et socialisme. En 1983, Mark Erlich se penche ainsi par exemple sur la figure de Peter J. McGuire, à la fois fondateur de la Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, co-fondateur de l’American Federation of Labor (AFL), et orateur socialiste renommé – comme pour déplorer que le tournant du XXe siècle marque le déclin de sa vision composite.
Des publications beaucoup plus récentes explorent la façon dont d’autres intellectuel·les et militant·es ont cherché à concilier les idées socialistes à des valeurs considérées comme « états-uniennes » (Nichols, 2015). Dans une autre veine, depuis une trentaine d’années, l’imbrication entre le mouvement pour les droits civiques et la gauche intéresse les historiens et les historiennes. Dans les années 1990, avec la parution de Hammer and Hoe: Alabama Communists during the Great Depression par Robin D. G. Kelley (University of North Carolina Press, 1990), émerge un champ de recherche mettant en évidence ce l’on a qualifié de long civil rights movement, où des figures africaines américaines de diverses sensibilités socialistes comme A. Philip Randolph, W.E.B. Du Bois ou Claudia Jones ont initié alliances et coalitions. Le domaine connaît ces dernières années un essor marqué. Aujourd’hui, ce sont les connexions idéologiques et personnelles avec l’abolitionnisme qui soulèvent de nouveaux questionnements (Roy, 2021).
Au vu des évolutions du domaine, nous souhaitons ouvrir un espace de discussion attentif à la considération de ce genre d’alliances du point de vue de la gauche radicale. Nous invitons donc des propositions qui interrogent la complexité des alliances politiques et stratégiques du socialisme états-unien avec divers autres groupes (abolitionnistes, syndicalistes, environnementalistes, féministes, entre autres) et comment celles-ci contribuent à (re)définir le projet socialiste et sa légitimité.
Les propositions de communication (résumé d’environ 500 mots) comprenant un titre, des mots clés et une courte notice biographique sont à rédiger en français ou en anglais, et à envoyer avant le 17 janvier 2022 conjointement à Kalilou Barry (kalilou.barry@u-pec.fr), Grégory Bekhtari (gregory.bekhtari@univ-paris1.fr) et Jeanne Boiteux (jeanne.boiteux@sorbonnenouvelle.fr).
Panel #25 “Alliances and allies of socialism: legitimization dynamics of American socialisms”
The 2020 American presidential race provided an opportunity for scholars and politicians of all stripes to express concern over the Democratic Party’s renewed ties with socialism. Conservative historian Niall Ferguson claimed in this respect that to openly associate with socialism would amount to committing “political suicide” for the Democrats. Meanwhile, the incumbent played on his opponents’, and especially Joe Biden’s, alleged socialism in order to energize his base. This discourse is not new; it is part of a long tradition, to the point that the historiography of socialism in the United States has often been that of its delegitimization, as James R. Green’s seminal work—Grass-Roots Socialism. Radical Movements in the Southwest, 1895-1943 (Baton Rouge: Louisiana UP, 1978)—illustrates. However, in the current context, as socialism seems to be re-emerging in the United States, these attempts at delegitimizing it once more lead us to consider the strategies deployed by the socialist movement in its search for legitimacy. What is the interest, for American socialists, in getting closer to the Democrats? Or, to put it differently, we should ask ourselves not what socialism can do to or for other political and ideological movements, but what strategic alliances with them did and are still doing to socialist ideas.
We propose to interrogate the ways that American socialists have effectively sought to legitimize their movement in the eyes of both civil society and the political establishment, through the recourse to political and ideological alliances. To better understand today’s strategizing, it is necessary to study the modes and evolutions of these alliances. The reemergence of socialism in the United States has brought the well-established cliché of its fundamentally “un-American” nature back into the limelight. In the early twentieth century, Werner Sombart and others successfully propagated the idea that socialism was a foreign import. Since then, its supporters have had to ground their quest for legitimacy in a pre-existing value system.
This is the reason why socialists tried to cooperate with other political groups and social movements. We can point to the left’s close ties with the labor movement, first in the late nineteenth century, and then in the 1930s and 1940s. In a similar fashion, during the Second World War, the American Communist Party, then under Earl Browder’s leadership, started elaborating a rhetoric that blended socialist values with ideals inherited from the American Revolution—and, arguably, with prevailing patriotic norms. This the Party did in conjunction with the Roosevelt administration. The ties that bind Democrats and socialists are indeed older than what contemporary discourse suggests. Indeed, Michael Harrington, the founder of the Democratic Socialists of America (DSA), who articulated his “Left Wing of the Possible” program in 1982 from within the confines of the Democratic Party, has often been represented as a unique and exceptional figure.
This quest for legitimacy does not preclude significant political tensions. There is indeed a paradox in seeking both a legitimate autonomy as socialism and a legitimacy based on proximity with ideas and movements that are seen as less radical, less foreign, or even less dangerous. Subscribing to a system of American values and principles lends credence to the idea that these are fundamentally right and shields them from criticism. The adaptation of socialism to a politically hostile environment thus comes into conflict with the preservation of its autonomy, of its internal coherence, and of its cultivation of ideological diversity.
Within socialism, diverse movements and groups have been vying for authority and leadership since the nineteenth century. Who has the right to call herself a socialist, in the eyes of American society? What should socialists’ policy priorities be? In the nineteenth century, utopian socialists—like the Fouriéristes—met with fear and rejection because of their quest for alternative lifestyles. Later, in the wake of the Red Scare, there were heated debates between revolutionary socialists and proponents of social democracy. More recently, in May 2020, the African American political scientist Adolph Reed had his invitation to give a talk to the DSA’s New York City chapter cancelled because the organization’s Afro-Socialist and Socialists of Color Caucus criticized him for advocating “class reductionism”. This is but another illustration of the tensions that can exist within different ideological strands within the socialist movement as a whole. At several critical junctures, American socialists have had to consider their party’s image—and, thus, how that image was constructed by the association with other ideas, personalities, and groups.
Researchers in Women’s History and gender studies are currently focusing their attention on defining what an ally is, and on determining how ideological alliances are formed. In this context, we offer to locate American socialists within national networks. A synthetic investigation of this topic still has to be carried out.
Scholars have often sought to establish links between the left and their preferred radical social movement, as Marxist feminists first did. In the 1970s and 1980s, similarly, labor historians became interested in the potential for an alliance between socialists and labor unionists, just as unions were losing strength. Turning the clock back, historians charted the rise and eventual fall of a socialist unionist vision. In 1983, Mark Erlich studied Peter J. MacGuire, who was both the founder of the Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, one of the co-founders of the American Federation of Labor (AFL), and a renowned socialist speaker. The decline of MacGuire’s composite vision after the turn of the century seems to elicit nostalgia on Erlich’s part.
More recent publications have explored the way other intellectuals and activists have sought to reconcile socialist ideas with values deemed “American” (Nichols, 2015). Still in another direction, the publication of Hammer and Hoe: Alabama Communists during the Great Depression (Robin D. G. Kelley, University of North Carolina Press, 1990), opened up a new area for research. For thirty years now, historians have been mapping what has been called the long civil rights movement. Attention has been paid to African American figures like A. Philip Randolph, W.E.B. Du Bois or Claudia Jones, who belonged to different trends of socialism and initiated the establishment of coalitions between civil rights groups and the left. In recent years, the field has been booming. Today, socialists’ personal and ideological connections with abolitionism are under investigation, and their study is raising still more questions (Roy, 2021).
In the light of the field’s latest evolutions, we would like to open a space for the discussion of such alliances from the perspective of the radical left. We welcome proposals that interrogate the complexity of political and strategic alliances sought by American socialism with various other groups—abolitionists, labor unionists, environmentalists, feminists, among many others—and how these alliances contribute to the (re)definition of the socialist project and its legitimacy.
Paper proposals, written in either English or French, should comprise an abstract (about 500 words), a title, keywords and a short biography, and are to be sent before January 17, 2022 jointly to Kalilou Barry (kalilou.barry@u-pec.fr), Grégory Bekhtari (gregory.bekhtari@univparis1.fr) et Jeanne Boiteux (jeanne.boiteux@sorbonne-nouvelle.fr).
Atelier 26 L’histoire orale et les enjeux de la légitimité historique
Anne Stefani (Université de Toulouse Jean Jaurès) et Simona Tobia (Université de Pau et des Pays de l’Adour)
La pratique de l’histoire orale aux États-Unis trouve sa première reconnaissance institutionnelle en 1948, quand le « Oral History Research Office » est établi à l’université Columbia de New York. Si cette pratique s’est développée depuis, elle a surtout connu une expansion exceptionnelle à partir des années 1990, permettant de renouveler la recherche dans plusieurs champs, tels que l’histoire des femmes et celle des minorités.
L’atelier que nous proposons vise à explorer l’apport de l’histoire orale à l’étude de la construction de la légitimité et de l’autorité aux États-Unis.
L’articulation des expériences individuelles et collectives dans l’analyse des processus de mémorialisation permet d’étudier les récits de vie de celles et ceux qui ont été ‘effacé.es de l’histoire’ en les investissant d’un pouvoir nouveau. Cette méthode permet ainsi d’intégrer leur participation au récit historique tout en leur conférant une autorité partagée. La relation d’intersubjectivité entre l’historien.ne et les acteurs et actrices de l’histoire permet de réfléchir à la question de l’autorité de l’historien.ne et à celle du travail de légitimation historique de certains groupes minorisés, tels que, par exemple, les autochtones, les femmes, les groupes ethno-raciaux, les minorités sexuelles, et de les repositionner dans les récits nationaux.
Du point de vue méthodologique, cet atelier explorera l’articulation des expériences individuelles et collectives dans l’analyse des processus de mémorialisation, les enjeux épistémologiques et les défis de l’histoire orale pour les historien.nes, ainsi que la construction d’archives en lien avec les collections d’entretiens d’histoire orale, dans le but de favoriser une discussion sur les différentes manières d’établir la ou les légitimité.s des acteurs et actrices historiques.
Les propositions de communications (400 mots maximum), assorties d’une brève notice biographique, sont à envoyer avant le 17 janvier 2022 conjointement à Simona Tobia (s.tobia@univ-pau.fr) and Anne Stefani (anne.stefani@univ-tlse2.fr).
Bibliographie
Boyd, D.A., Larson, M. A. (eds.), Oral History and the Digital Humanities: Voice, Access, Engagement, New York: Palgrave Macmillan, 2014.
Duchamp, F., Archiver la mémoire. De l’histoire orale au patrimoine immatériel, Paris : Editions de l’EHESS, 2019
Genay, L., Land of Nuclear Enchantment: A New Mexican History of the Nuclear Weapons Industry, Albuquerque: University of New Mexico Press, 2019.
Portelli, A. They Say in Harlan County: An Oral History, Oxford: Oxford University Press, 2010.
Portelli, A., “What Makes Oral History Different” in History Workshop Journal, n. 12, 1981, pp.96-107.
Portelli, A., The Order Has been Carried Out: History, Memory, and Meaning of a Nazi Massacre in Rome, New York: Palgrave Macmillan, 2003.
Thompson, P., Bornat, J., The Voice of the Past. Oral History, Oxford: Oxford University Press, 2017.
Panel #26 Oral history and historical legitimacy
La pratique de l’histoire orale aux États-Unis trouve sa première reconnaissance institutionnelle en 1948, quand le « Oral History Research Office » est établi à l’université Columbia de New York. Si cette pratique s’est développée depuis, elle a surtout connu une expansion exceptionnelle à partir des années 1990, permettant de renouveler la recherche dans plusieurs champs, tels que l’histoire des femmes et celle des minorités.
L’atelier que nous proposons vise à explorer l’apport de l’histoire orale à l’étude de la construction de la légitimité et de l’autorité aux États-Unis.
L’articulation des expériences individuelles et collectives dans l’analyse des processus de mémorialisation permet d’étudier les récits de vie de celles et ceux qui ont été ‘effacé.es de l’histoire’ en les investissant d’un pouvoir nouveau. Cette méthode permet ainsi d’intégrer leur participation au récit historique tout en leur conférant une autorité partagée. La relation d’intersubjectivité entre l’historien.ne et les acteurs et actrices de l’histoire permet de réfléchir à la question de l’autorité de l’historien.ne et à celle du travail de légitimation historique de certains groupes minorisés, tels que, par exemple, les autochtones, les femmes, les groupes ethno-raciaux, les minorités sexuelles, et de les repositionner dans les récits nationaux.
Du point de vue méthodologique, cet atelier explorera l’articulation des expériences individuelles et collectives dans l’analyse des processus de mémorialisation, les enjeux épistémologiques et les défis de l’histoire orale pour les historien.nes, ainsi que la construction d’archives en lien avec les collections d’entretiens d’histoire orale, dans le but de favoriser une discussion sur les différentes manières d’établir la ou les légitimité.s des acteurs et actrices historiques.
Paper proposals (400 words maximum) should be sent by January 17, 2022, together with a short biographical note, both to Simona Tobia (s.tobia@univ-pau.fr) and Anne Stefani (anne.stefani@univ-tlse2.fr).
Atelier 27 Des canons négatifs : “mauvaises” anthologies de poésie et anthologies de “mauvaise” poésie
Juliette Utard (Université Paris Sorbonne) et Chloé Thomas (Université d’Angers)
La plupart des anthologies de poésie se donnent pour mission de conserver, de promouvoir, de diffuser des textes autrement susceptibles de devenir difficilement accessibles (parce qu’ils étaient publiés dans des magazines à faible tirage, des journaux, parce qu’ils se sont peu vendus en édition originale) et, ainsi, de constituer un canon positif de productions jugées assez intéressantes pour être transmises d’une époque à l’autre. En revanche, cet atelier souhaite réunir des travaux sur les anthologies proposant ce que l’on pourrait appeler un « canon négatif », et qui peut prendre au moins deux formes :
– Les anthologies se présentant comme des recueils de « meilleure mauvaise » littérature, dont la visée est avant tout comique, mais qui peuvent aussi servir aux avant-gardes à travailler leur propre définition négative en précisant ce avec quoi elles se veulent en rupture. On peut penser à l’anthologie moderniste de mauvaise poésie The Stuffed Owl: An Anthology of Bad Verse, éditée par Wyndham Lewis en 1930, ou à celle des éditions Burning Deck, Pegasus Descending: A Treasury of the Best Bad Poems in English from Matthew Arnold to Walt Whitman (1972), éditée par James Camp, X. J. Kennedy et Keith Waldrop, toutes deux rééditées en 2003, mais aussi au plus généraliste In Search of the World’s Worst Writers: A Celebration of Triumphantly Bad Literature de Nick Page (2001). Ces livres, qui laissent émerger un canon du (meilleur) mauvais, avec des auteurs récurrents et des textes repris d’une anthologie à une autre, peuvent être analysés au prisme du kitsch et du camp, mais également de ce qu’ils laissent transparaître d’une sociologie du champ littéraire fonctionnant à partir d’exclusions aussi bien que d’inclusions.
– Les anthologies réunissant des textes a priori validés comme faisant partie d’un canon institutionnalisé, mais à partir de thématiques infra-critiques, souvent sentimentales
(poèmes d’amour, poèmes sur les chiens…). Ce que l’on pourrait appeler des anthologies “pulp” pose plus généralement la question de la place des affects dans notre manière (universitaire mais surtout extra-universitaire) de lire, enseigner et publier le genre poétique ; elles relèvent d’un autre type de jouissance, non plus du « laid » mais plutôt du « joli » ou du « mignon ».
Les propositions pour des communications de vingt minutes peuvent être envoyées à Juliette Utard (juliette.utard@gmail.com) et Chloé Thomas (chloe.thomas@posteo.net) au plus tard le 17 janvier 2022.
Panel #27 Negative canons: “bad” anthologies of poetry, anthologies of “bad” poetry.
Most poetry anthologies preserve and promote texts otherwise likely to be forgotten in the world of small presses, poorly circulated magazines, and disposable newspapers; in so doing, they select those worthy of preservation, thus contributing to the definition of a positive canon of productions deemed good enough to be passed on to later ages. This panel, however, would like to consider anthologies that seek to define what may be regarded as a “negative canon.” These may be of at least two kinds:
– Anthologies of carefully selected “best bad” literature (or failed poetry) whose primary intention is comical, but which may also help avant-garde movements define themselves negatively by pointing to the features they want to avoid. Famous examples include Wyndham Lewis’s The Stuffed Owl: An Anthology of Bad Verse (1930), Pegasus Descending: A Treasury of the Best Bad Poems in English from Matthew Arnold to Walt Whitman (1972) edited by James Camp, X. J. Kennedy and Keith Waldrop for Burning Deck – both of which were reprinted in 2003 – and Nick Page’s more encompassing In Search of the World’s Worst Writers: A Celebration of Triumphantly Bad Literature (2001). These books, with recurring texts and authors, provide a canon of (the best) bad poetry. It may be approached through such critical categories as kitsch and camp. But these anthologies also invite a sociological reading of the field of literary production, which works through dynamics of exclusion as much as of inclusion.
– Anthologies of texts belonging to a widely accepted, institutionally validated canon, but which are collected and categorized following extra-critical, often sentimental themes (such as, for instance, poems about love, about dogs…). These “pulp” anthologies call for a broader reflection on the status of affects in academic and extraacademic ways of reading, teaching and publishing poetry. They are about another kind of enjoyment: no longer that of what’s “ugly” but, rather, of what’s “pretty” or “cute.”
Proposals for 20-mintute papers should be sent to Juliette Utard (juliette.utard@gmail.com) and Chloé Thomas (chloe.thomas@posteo.net) by January 17, 2022.
Atelier 28 Le nouveau canon de la politique étrangère américaine : quelle légitimité ?
Raphaël Ricaud (Université Paul Valéry-Montpellier 3) et Pierre Guerlain (Université Paris Ouest-Nanterre)
Au cours de sa courte histoire, la politique étrangère des États-Unis a reposé sur deux principes interdépendants. Le premier est que les décisions de politique étrangère sont motivées par l’intérêt national : les besoins intra-états-uniens en dictent l’extraterritorialité. Le deuxième principe est indissociable du premier : les décisions concernant les relations avec d’autres entités sont prises pour assurer la sécurité nationale des États-Unis. Entre ce que requiert l’intérêt national et ce que la sécurité nationale exige, décider d’une stratégie cohérente peut s’avérer être un véritable défi.
En effet, en géopolitique, une relation basée sur le dialogue entre acteurs étatiques (et même non étatiques) repose sur la continuité : la politique étrangère des États-Unis est plus susceptible d’être comprise lorsqu’elle suit à une ligne de conduite stable. Et pourtant, certaines situations internationales amènent les États-Unis à prendre des mesures que l’on pourrait qualifier d’improvisées et erratiques. En raison de cette approche réactive (plutôt que proactive), la grande stratégie américaine et ses tactiques entrent parfois en conflit. Mais au fil des ans, tant à gauche qu’à droite, des récits concurrents ont été mis au point pour rendre compte de ces incohérences.
Pris ensemble, ces quatre éléments (intérêt national, sécurité nationale, stratégie, tactique) ont systématiquement constitué le canon analytique de la politique étrangère des États-Unis jusqu’en 2017, lorsque cela a cessé avec l’arrivée de Trump au pouvoir. Depuis lors, un nouveau canon a émergé dans les publications politiques, universitaires et médiatiques organisées autour du concept d’un ordre international fondé sur des règles et dominé par les États-Unis.
L’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis ne fut pas sans créer la surprise. Depuis, les spécialistes de politique étrangère et autres décideurs font remarquer combien Donald Trump n’eut de cesse de transgresser les règles sur lesquelles l’ordre mondial est fondé. L’administration Biden, par opposition, a affirmé qu’il mettrait un point d’honneur à revenir à de telles règles. En matière de politique étrangère, on peut donc supposer que l’on assiste à un retour à la normale, à savoir un « ordre mondial fondé sur des règles ».
Il est coutume de dire que cet ordre mondial vit le jour au sortir de la guerre, avec la création de l’ONU, de la Banque mondiale et du FMI. Sa légitimité pose toutefois question. Quid du non-respect des règles internationales (par lesquelles il faut entendre le droit international, ainsi que les décisions prises par l’ONU) depuis 1945 ? Pourquoi la nouvelle appellation en matière de politique étrangère américaine fait-elle référence à des « règles » et non à des lois ou aux résolutions des Nations unies ? Qui décidait des « règles » alors, et qu’en est-il désormais ?
Il y eut certes un ordre mondial fondé sur certaines « règles » : entre 1947 et 1991, les règles étaient celles d’un monde bipolaire dominé par les États-Unis et, dans une certaine mesure, par l’URSS. Puis, suite à l’effondrement du système soviétique, l’Amérique exerça un pouvoir sans partage sur le système mondial. Seuls les Etats-Unis d’Amérique pouvaient imposer leurs règles. Pour reprendre les termes employés par George Herbert Walker Bush, “what we [that is the US] say goes” (« c’est ce que nous [les États-Unis] voulons qui s’impose »). Mais le monde n’est plus unipolaire.
De nos jours, la Chine est à nouveau une puissance d’envergure, et l’évocation d’un « ordre mondial fondé sur des règles » n’a rien d’onusien. La notion ne semble pas être un appel au multilatéralisme, mais plutôt un effort de la part des États-Unis pour contrer la Chine.
Cet atelier propose donc d’évoquer le nouveau canon de la politique étrangère des ÉtatsUnis, de sa légitimité disputée, et d’en faire la genèse. On s’interrogera également sur ceux qu’il convient d’identifier comme les principaux contrevenants aux règles et lois internationales. En définitive, cet atelier permettra de débattre des nouveaux tournants
(rhétoriques ou réels) que prend la politique étrangère américaine depuis l’élection de 2020. Si vous souhaitez soumettre une proposition de communication, merci de nous faire parvenir un abstract de 300 mots, ainsi qu’une courte biobibliographie pour le 17 janvier 2021 au plus tard à Raphaël Ricaud (raphael.ricaud@univ-montp3.fr) et Pierre Guerlain (pierre.guerlain@gmail.com).
Panel #28 What is the legitimacy of the new canon of US foreign policy?
Over the course of its short history, the foreign policy of the United States has been guided by two interdependent principles. The first is that foreign policy decisions are driven by the national interest: the origin of extra-territorial moves can always be traced back to America’s domestic needs. The second principle cannot be separated from the first: decisions regarding relations with other entities are made to ensure the national security of the US. Given this combination of push and pull between what national interest demands and what national security requires, deciding upon a coherent strategy can prove to be something of a challenge.
Indeed, in international relations, a dialogue-based relationship between state (and even non-state) actors calls for continuity: the foreign policy of the United States is more likely to be understood when based upon previous policies. And yet some international situations result in the US making appealingly erratic, improvised moves. Because of this reactive (rather than proactive) approach, America’s grand strategy and its tactics sometimes clash. But over the years, both on the left and on the right, competing narratives have been developed to account for these inconsistencies.
Taken together, these four elements (national interest, national security, strategy, tactics) have consistently made up the analytic canon of the foreign policy of the United States, until 2017 and the election of Trump, when they no longer did. Since then, a new canon has emerged in political, scholarly and media publications organized around the concept of a rules-based international order dominated by the United States.
Ever since Trump was unexpectedly elected, foreign policy analysts and policy makers in the US have been at a loss to make sense of his decisions. A tentative explanation was that Trump kept ignoring a “rules-based world order”. By contrast, the Biden Administration claimed it would make a point of honor to revert to such a framework. Thus, one might consider that current foreign policy thinking in the US has returned to a “rules-based world order”.
This world order was allegedly set up right after World War II, with the creation of the UN, the World Bank and the IMF. One could however question its legitimacy. Have international rules—that is to say laws and UN regulations—ever been respected since 1945? Why does the new foreign policy canon refer to “rules” and not international laws or UN decisions? Who determined the “rules” then, and who does now?
There once was a world order based on “rules”: between 1947 and 1991 the rules were that of a bipolar world dominated by the US and, to a certain extent, by the USSR. By 1991, the world system was characterized by US domination and the rules were solely imposed by America. In the words of George Herbert Walker Bush, the rule was “what we [that is the US] say goes”. But this unipolar moment has passed.
With the re-emergence of China as a major world power, the discourse of a “rules-based world order” clearly does not refer to the UN. It seems to be more an effort on the part of the US to counter China than a call for multilateral decision making.
In this workshop one will thus ponder historical questions concerning the origin and legitimacy of this new canon. The workshop will equally address the question of who the chief violators of rules or laws in the international system are. In a word, this workshop offers to debate the new rhetorical and effective turns of US foreign policy since the 2020 election.
If you wish to submit a proposal, please send a 300-word abstract as well as a short bio before January 17th, 2021 to Raphaël Ricaud (raphael.ricaud@univ-montp3.fr) and Pierre Guerlain (pierre.guerlain@gmail.com ).
Calendrier général
17 janvier 2022 | Date limite d’envoi des propositions de communication aux responsables d’ateliers |
14 février 2022 | Date limite d’envoi de la composition des ateliers aux organisateurs scientifiques |
1er mars 2022 | Publication du programme |
31 mai – 3 juin 2022 | Congrès |
[1] Yohann Lucas, « Produire, reproduire et préserver : les magazines et les anthologies de la Renaissance de Harlem et du Black Arts Movement dans la construction d’un canon littéraire africain-américain », thèse de doctorat, Université Gustave Eiffel, 2021.
[2] Elizabeth McHenry, To Make Negro Literature: Writing, Literary Practice, and African American Authorship, Durham, Duke University Press, 2021.
[3] Marlène L. Daut, Grégory Pierrot et Marion C. Rohrleitner eds, Haitian Revolutionary Fictions, University of Virginia Press, 2021.
[4] Voir par exemple : Cherrie Moraga et Gloria E. Anzaldua, This Bridge Called My Back : Writings by Radical
Women of Color, Persephone Press, 1981. La quatrième édition est publiée en 2015 par SUNY Press. Toni Cade Bambara, The Black Woman : An Anthology, Washington Square Press, 2005. Joan Nestle, et Naomi Holoch, Women on Women : An Anthology of American Lesbian Short Fiction, Mass Market Paperback, 1990.
[5] Yohann Lucas, « Produire, reproduire et préserver : les magazines et les anthologies de la Renaissance de Harlem et du Black Arts Movement dans la construction d’un canon littéraire africain-américain », thèse de doctorat, Université Gustave Eiffel, 2021.
[6] Elizabeth McHenry, To Make Negro Literature: Writing, Literary Practice, and African American Authorship, Durham, Duke University Press, 2021.
[7] Marlène L. Daut, Grégory Pierrot et Marion C. Rohrleitner eds, Haitian Revolutionary Fictions, University of Virginia Press, 2021.
[8] Voir par exemple : Cherrie Moraga et Gloria E. Anzaldua, This Bridge Called My Back : Writings by Radical
Women of Color, Persephone Press, 1981. La quatrième édition est publiée en 2015 par SUNY Press. Toni Cade Bambara, The Black Woman : An Anthology, Washington Square Press, 2005. Joan Nestle, et Naomi Holoch, Women on Women : An Anthology of American Lesbian Short Fiction, Mass Market Paperback, 1990.
[9] Notre choix d’utiliser le terme « mobilité », plutôt que « migration », s’appuie sur les travaux de Mimi Sheller et John Urry, selon qui le second terme est à la fois connoté négativement et réducteur. Voir “Mobilizing the New mobilities paradigm”, Applied Mobilities 1 (2016): 10-25.
[10] Arjun Appadurai, Modernity at Large, Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis: University of Minnesota Press, 1996, p. 172.
[11] Nous traduisons ici la notion de « translanguaging”, utilisée par exemple par Zhu Hua et Li Wei dans “Translanguaging Practices and diasporic imagination” (in Robin Cohen and Carolin Fischer, Routledge Handbook of Diaspora Studies, London & New York: Routledge, 2019, pp. 106-112).
[12] In using the term “mobility” over that of “migration” we are adopting Mimi Sheller and John Urry’s analysis, as they contend that the second term is both negatively connoted, and restrictive in its denotations. See “Mobilizing the New mobilities paradigm”, Applied Mobilities 1 (2016): 10-25.
[13] Arjun Appadurai, Modernity at Large, Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis: University of Minnesota Press, 1996, p. 172.
[14] Zhu Hua and Li Wei, “Translanguaging Practices and diasporic imagination”, in Robin Cohen and Carolin Fischer, Routledge Handbook of Diaspora Studies, London & New York: Routledge, 2019, pp. 106-112.