Les imaginaires du Sud à l’écrit et à l’écran
Jean Giono se plaisait à dire que la Provence de ses romans est « un Sud inventé comme a été inventé le Sud de Faulkner. » Cet acte d’invention ne saurait toutefois retirer au Sud ce qu’il représente aussi : un territoire doué d’un imaginaire propre.
Notion flottante dont l’existence dépend d’un "Nord" qui lui serait géographiquement opposé, le Sud nécessite de dépasser une vision restrictive pour interroger ses résonances selon que l’on se situe en Asie, en Afrique ou encore dans les Amériques. C’est pourquoi faudrait-il parler sinon du Sud, du moins des Suds au regard des points de vue ou de vision adoptés, et des caractéristiques parfois différentes qui traversent l’ensemble de ces espaces et leurs représentations artistiques.
Si le Sud en tant que territoire se constitue comme sujet de rencontre et objet de découverte, il n’incarne pas moins une évidente altérité. La représentation du Sud interroge et inquiète le regard qui se pose sur lui. Observer le Sud, vouloir le décrire ou le mettre en scène, tend à empêcher toute neutralité et à imposer souvent une prise de position. On peut l’observer à travers certains effets stylistiques ou certaines déclinaisons de motifs et de thématiques devenus les codes d’une littérature ou d’une cinématographie qui se voudraient sudistes.
La diversité des approches et démarches que convoque ce sujet, nous a conduit à privilégier un empan historique relativement large, du XVIIIe siècle, qui correspond à une production croissante des œuvres culturelles consacrées aux Suds, jusqu’à nos jours. Il s’agira alors de comprendre comment, durant près de trois siècles, l’imaginaire des Suds a pu se construire et évoluer.
Avec ce colloque « jeunes chercheurs », il s’agira ainsi d’ouvrir la question du, ou des Suds, aux domaines de la géographie, de l’histoire, de la sociologie, de la culture et de l’esthétique. Ouvert prioritairement aux doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s, il aura pour ambition d’appréhender l’imaginaire des Suds selon les axes suivants :
1. Singularités et hybridations des imaginaires nationaux
D’un pays ou d’un continent à l’autre, le Sud incarne des réalités et produit des concepts qui diffèrent selon que les romanciers ou cinéastes y puisent ou non une matière propre à (re)définir les caractéristiques d’une identité nationale singulière. La représentation du Sud est essentiellement hybride, sujette au métissage d’attitudes et d’approches culturelles et artistiques, différentes. Les parcours de certains artistes « sudistes », romanciers ou réalisateurs, ont pu ainsi donner lieu à de curieux jeux d’échanges et d’influences. Ainsi l’expatriation de l’espagnol Luis Buñuel au Mexique, ou le passage du parisien Jean Renoir tournant dans le Sud provençal (Toni) avant de réaliser un film dans le Sud des États-Unis (L’Homme du Sud). Il serait alors intéressant d’interroger ce type de trajectoires pour comprendre comment, au-delà des enjeux nationaux, les Suds peuvent incarner un réseau de sens et d’interprétations communs à l’intérieur d’une œuvre unique.
2. L’Orientalisme et les Suds fantasmés
Le lien qu’établit un artiste avec son Sud n’engage pas nécessairement une proximité géographique, le propre du fantasme tenant souvent à la distance qui sépare le sujet de l’objet de sa rêverie (on pense à la Babylone onirique d’Un privé à Babylone [Richard Brautigan, 1977], aux récits de voyages de Dominique Vivant Denon [Sicile et Egypte]). Les Suds convoquent alors une série de clichés pouvant donner lieu à un recyclage plus ou moins pertinent et productif. Dans cette perspective, l’orientalisme, qui constitue l’un des fantasmes sudistes les plus ancrés dans l’inconscient culturel des pays d’Europe occidentale, occupe une place privilégiée. Avec cette piste de travail, il s’agira donc de caractériser les modalités fantasmatiques que suscitent les Suds à la lumière de productions qui renouvelleraient ou mettraient en cause les héritages dont ces stéréotypes sont le fruit.
3. Formes et temporalités du paysage
Espace autre, le Sud exprime une cristallisation du temps. Dans Requiem pour une Nonne (1951) l’écrivain du Mississippi William Faulkner écrivait : « Le passé n’est jamais mort. Il n’est même pas passé ». Cette assertion pourrait caractériser l’ensemble des territoires du Sud. Sa topographie en affirme l’évidence. Des jungles d’Amérique latine aux ruines antiques qui parsèment les paysages méditerranéens, l’architecture géographique des Suds exprime en effet la nécessité d’une conservation entre son environnement naturel et culturel, et un régime temporel qui lui serait propre. Au-delà de la vision occidentale qui limite trop souvent la représentation des Suds à la luxuriance des jungles ou à la sécheresse des déserts, les paysages sudistes se présentent comme un vivier de formes et de sensations spatio-temporelles engageant des approches esthétiques singulières.
4. Climats et corps
Pour un résident de l’hémisphère nord, l’imaginaire du Sud est associé à l’atmosphère moite ou sèche de son climat qui finit par affecter les comportements humains (on pense à Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans [Werner Herzog, 2009], à The Mosquito Coast [Peter Weir, 1985], à l’œuvre théâtrale de Tennessee Williams et ses multiples adaptations à l’écran). Transpiration, humidité, orages, aridité, participent de cette représentation du Sud provoquant alors conflits, tensions et colères. Les histoires que nous racontent le Sud sont ainsi et aussi celles de corps façonnés par l’intensité de leur environnement climatique (Cinema as Weather: Stylistic Screens and Atmospheric Change, Kristi McKim).
Ces problématiques que soulève la question des Suds à l’écran et dans la littérature constitueront les axes scientifiques majeurs de ce colloque jeunes chercheurs auquel nous vous invitons à participer en envoyant votre proposition de communication avant le 10/05/2022 à l’adresse suivante (350 mots maximum, complétée d’une biographie sommaire) : lesimaginairesdusud
Organisé par le laboratoire PLH (Patrimoine, Littérature, Histoire), équipe ELH, ce colloque se déroulera à l’Université Toulouse Jean-Jaurès du 12 au 14 octobre 2022. Les communications seront données en français.
Comité d’organisation :
Jacques Demange (ATER, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Antoine Guégan, (ATER, Université Toulouse – Jean Jaurès/Doctorant Université Gustave Eiffel)
Tristan Terral (Doctorant CDU, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Comité scientifique :
Philippe Ragel (PU, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Sylvie Vignes (PU, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Zachary Baqué (MCF, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Sophie Lécole Solnychkine (MCF, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Vincent Souladié (MCF, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Jacques Demange (ATER, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Antoine Guégan, (ATER, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Tristan Terral (Doctorant CDU, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Source: Antoine Guégan