Chères et chers collègues
Nous avons le plaisir de vous soumettre l’appel à communication ci-dessous pour le colloque « Ecologie décoloniale dans les marges du monde » qui aura lieu en ligne du 15 au 16 décembre 2022. Cet événement est organisé par l’équipe de direction de la revue d’études culturelles NaKaN avec le soutien de l’Association Mélanges Caraïbes et du Centre Universitaire de Mayotte.
Les propositions de résumés (400 mots maximum), en français ou en anglais, assorties d’une courte notice bio-bibliographique (150 mots maximum), sont à envoyer jusqu’au 15 septembre 2022 à nakandecolonial (voir détails en fin d’appel).
Au plaisir de vous y retrouver.
Bien cordialement,
Le comité d’organisation
COLLOQUE EN LIGNE
ÉCOLOGIE DECOLONIALE DANS LES MARGES DU MONDE
15-16 DÉCEMBRE 2022
NaKaN. Revue d’études culturelles
En partenariat avec le Centre Universitaire de Mayotte
(English version following)
Les inquiétudes sur les dégradations environnementales jouent un rôle majeur dans la pensée contemporaine, tant dans la prise en considération du futur des écosystèmes que dans la nécessité de sortir du paradigme eurocentriste, car l’écologie est bien l’affaire de tous. C’est pourquoi le concept d’écologie décoloniale s’attèle à renverser ce paradigme, tout en soutenant la possibilité d’une action collective apte à pa/enser la fracture du vivre ensemble en vue de préserver le monde naturel. De ce fait, le chercheur martiniquais Malcolm Ferdinand s’est consacré à penser l’écologie depuis l’espace caribéen, car « par ses imaginaires créoles de résistance et ses expériences de lutte (post)coloniales, la Caraïbe permet une conceptualisation de la crise écologique associée à la quête d’un monde défait de ses esclavages, de ses violences sociales et de ses injustices politiques (Ferdinand 2019, 13). Cette écologie décoloniale se construit sur le constat d’une double fracture coloniale et environnementale logée au cœur de la modernité, laquelle a trop longtemps dissocié la question écologique de la question coloniale, en ignorant les injustices sociales, politiques et raciales. En effet, les différents discours des colonisés, leurs récits et leurs penseurs ont souvent déconstruit la domination coloniale au détriment de la question environnementale et animale. La thèse de Ferdinand peut cependant être nuancée grâce à l’émergence d’intellectuels, notamment africains, qui mènent depuis plusieurs années une réflexion sur cette double articulation. À cet égard, le penseur sénégalais Felwine Sarr, dans son essai Habiter le monde (2017), critique les politiques destructrices du monde qui, selon l’historien politologue camerounais, Achille Mbembe, prennent tantôt la forme de « politiques de l’inimitié » (2016), tantôt celle de « brutalisme » (2020). Face à la rhétorique guerrière, égoïste et cynique du politique, note Sarr, se développent dans les marges des relations faites de solidarité et de réciprocité. Or, le défi posé à l’heure actuelle est précisément de construire un monde inclusif qui repose sur de nouvelles relations entre les humains et des interactions plus positives entre les humains et le monde naturel.
Selon Ferdinand, la Caraïbe constitue par exemple une scène intéressante pour penser l’écologie car, à travers l’histoire coloniale et esclavagiste ainsi que l’assujettissement social, politique et racial dont ses populations ont été victimes, cet espace est le lieu d’une expérience globale. La Caraïbe, point de rencontre entre peuples autochtones, européens, africains et asiatiques, suscite à la fois des enjeux écologiques et d’émancipation sociale, qui permettent de questionner les modes de vie en commun et d’investissement de la nature. Ces fondements de l’écologie décoloniale serviront de point d’appui au colloque en ligne de la revue Nakan. Nous proposons d’élargir la définition même du « caribéen », offerte par Ferdinand, en y ajoutant la part asiatique, avant d’étendre cette perspective à l’ensemble des marges du monde. Penser l’écologie décoloniale repose en effet sur une opération de pensée qui décloisonne et déconstruit les catégories traditionnelles tout en interrogeant leur légitimité. De fait, la question des marges envisagées par la poésie – Aimé Césaire, Édouard Glissant, Kenneth White – la philosophie – Jacques Derrida, Homi Bhabha, Judith Butler – en fonction de la notion de limite a servi à comprendre l’interaction entre l’humain et le monde naturel et les distinctions entre humain et non humain. Ainsi, plus largement, c’est à toute une pensée de la limite que se rattache le champ critique de l’écologie décoloniale. La question de la limite invite à une réflexion sur l’environnement naturel et son appréhension par les sujets situés aux frontières des « empires » au sens de Negri et Hardt (2000). Cela étant, ce colloque ouvre la réflexion aux savoirs situés dans les marges en fonction de la spatio-temporalité – lieux géographiques, temps passé, présent, achronie – et de la norme – juridique, culturelle, sociale, politique, éthique. En d’autres termes, l’expérience écologique développée par les individus ou les groupes issus des aires géoculturelles (post)coloniales sert de point de départ à la compréhension fondamentale des rapports de continuité et de discontinuité entre l’humain et le non humain, tout en mettant à l’épreuve ses propres catégories d’analyse.
Pour aborder ce colloque, consacré à l’écologie décoloniale dans les marges du monde, quelques pistes – non exhaustives – peuvent être considérées :
1) Les aires géoculturelles
Le cas des Caraïbes et de sa proximité culturelle avec l’Amérique latine peut aider à envisager d’autres exemples. Cette relation, qui appelle aussi la question de l’autochtonie, de l’ancestralité amérindienne, des métissages africains, européens et indiens dans leur rapport à la nature constitutive de la cosmovision mésoaméricaine, nécessite d’être articulée aux concepts de l’écologie décoloniale.
Concernant l’espace africain, les dynamiques cryptocoloniales visibles dans les études africaines et l’ombre de l’eurocentrisme sont des processus combattus par le mouvement de réécriture décoloniale de l’Afrique dans son approche du monde naturel. Dans cet esprit, les domaines africains et asiatiques pourraient être convoqués pour servir de point de comparaison et d’interaction avec d’autres aires géoculturelles des marges, et contribuer à interroger les méthodes, démarches et paradigmes dans le dégagement d’une philosophie politique du décolonial appliquée à la compréhension des aires géoculturelles.
2) L’intersectionnalité.
Théorie transdisciplinaire à même d’appréhender la complexité des subjectivités individuelles et collectives par le croisement des catégories de sexe/genre, classe, race, communauté, âge, handicap et orientation sexuelle, elle s’intègre bien dans la discussion sur l’écologie décoloniale et les inégalités sociales.
De plus, l’approche intersectionnelle de l’écologie décoloniale s’attache à la réalité du corps social propre à toutes ces catégories tout en veillant à la spécificité liée à leur écosystème et à leur dynamique historique, socioculturelle, éthique, politique et économique.
3) L’anthropocène.
Ce concept désigne l’ère géologique de bouleversement des écosystèmes de la terre par les activités humaines. Dès lors, le simple examen du fait colonial dans les espaces géoculturels liés à ce phénomène et ses conséquences symboliques – l’aliénation ou la colonialité du pouvoir ou de l’être – pourrait faire l’objet d’une investigation. De même, l’enquête pourrait aussi porter sur la combinaison des discriminations des dominés – vivant la condition noire, de femme, de racisé – avec le discours environnemental et théorique capable de penser l’écologique. Cette dernière mettrait l’accent, par exemple, sur les aménagements et/ou modes d’occupation du territoire (post)colonial et leurs effets sur la nature, ou encore sur l’approche de la nature en termes de lieux de mémoire, d’espace lisse ou strié, etc.
4) Le sujet migrant et la migration.
Ces deux notions s’allient à celle de la pensée frontalière dans le contexte décolonial qui critique la modernité du système-monde capitaliste et colonial. L’expérience des migrants – sans-papiers, réfugiés – est appréhendée à l’aune de l’écologie et des catastrophes naturelles. Celles-ci entraînent des déplacements de population et rendent compte des oppressions et des modes de pensée relatifs à ces individus marginalisés dont la présence interroge indéniablement d’autres manières d’habiter le monde naturel. Ce faisant, la dimension épistémologique de l’expérience du migrant passera surtout par son propre regard.
5) Poétiques/esthétiques du décolonial.
Cette démarche décoloniale vise d’abord à dévoiler les différentes formes de violence à l’œuvre dans la part de la modernité européenne intrinsèquement coloniale qui exclut les esthétiques et poétiques différentes, pourtant susceptibles d’enrichir les manières de vivre et de penser le monde naturel dans les arts des autres humanités en délicatesse avec les idéologies qui clament leur universalisme. Au contraire, la décolonialité rend leur humanité aux esthétiques et poétiques des sujets « subalternes » en écoutant leurs voix singulières sans les ériger en totalité (Spivak). Ces esthétiques plurielles du décolonial – théorique ou pratique – sont enchevêtrées entre plusieurs mondes : les manières différentes – afropéenne, créole, africaine, asiatique – d’envisager le métissage comme principe de création et de compréhension des modes naturels – la mode, la littérature, la musique, le cinéma, les arts plastiques, la danse, etc.
CONTRIBUTIONS
Pour rejoindre l’esprit de ce colloque, les contributions pourront prendre la forme d’une intervention dans un ou plusieurs champs disciplinaires – études littéraires, arts visuels et vivants, philosophie, sciences humaines et sociales : histoire, sociologie, anthropologie, ethnologie, sciences politiques et une diversité de champs connexes.
Processus de sélection et calendrier
– 15 septembre 2022 : envoi des résumés et notices biobibliographiques
Les propositions de contribution devront comporter un titre et un résumé d’environ 400 mots maximum (en français ou en anglais). Elles devront être assorties d’une brève notice biobibliographique, n’excédant pas 150 mots.
– 15 octobre 2022 : notification d’acceptation ou de refus des propositions aux auteurs
– 15-16 décembre 2022 : Colloque en ligne
CONTACT
Les propositions de résumés, assorties d’une courte notice bio-bibliographique, sont à envoyer jusqu’au 15 septembre 2022 à nakandecolonial Pour toute information nécessaire, merci d’adresser un email à nakanjournal
COMITÉ D’ORGANISATION
Buata B. Malela (Centre Universitaire de Mayotte)
Jessy Neau (Centre Universitaire de Mayotte)
Sandrine Soukaï (Université Gustave Eiffel)
Comité de direction de la revue Nakan
Avec le soutien de l’Association Mélanges Caraïbes et le Centre Universitaire de Mayotte
PISTES BIBLIOGRAPHIQUES
Agawu, Kofi, 2020, L’imagination africaine en musique, Paris : Philarmo.
Anzaldúa, Gloria, 1987, Borderlands/La Frontera: The New Mestiza, San Francisco : Aunt Lute.
Blanc, Guillaume, 2020, L’invention du colonialisme vert, Paris : Flammarion.
Borda, Orlando Fals et Camelio Borrero García, 1991, Acción y conocimiento. Cómo romper el monopolio con investigación-acción participativa, Santa Fe de Bogotá : CINEP.
Cardoso, Fernando Henrique et Enzo Faletto, 2007, Dependencia y desarrollo en América Latina. Ensayo de interpretación sociológica, Mexico : Siglo Veintiuno.
Cukierman, Leila, Gerty Dambury et Françoise Vergès, 2018, Décolonisons les arts !, Paris : L’Arche.
De Sousa Santos, Boaventura, 2014, Epistemologies of the South: Justice Against Epistemicide, New York: Routledge.
Ferdinand, Malcolm, 2019, Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen, Paris: Seuil.
Lander, Edgardo, Santiago Castro-Gómez et al., 2011, La colonialidad del saber : eurocentrismo y ciencias sociales. Perspectivas latinoamericanas, 2nde ed., Buenos Aires: Consejo Latinoamericano de Ciencias Sociales (CLASCO).
Lugones, Maria, 2010, « Toward a decolonial feminism », Hypatia. Vol. 25, n° 4 : 742-759.
Marti, José, 1992. La guerre de Cuba et le destin de l’Amérique latine, Paris : Aubier.
Mbembe, Achille, 2016, Politiques de l’inimitié, Paris : La Découverte.2020, Le Brutalisme, Paris : La Découverte.