Bonjour,
Je me permets de faire à nouveau circuler cet appel à communications pour une journée d’études que j’organise avec Noémie Févrat, intitulée "Personnel et représentation politiques : travailler sur les élu·e·s dans une perspective franco-américaine".
Celle-ci aura lieu à Avignon le 31 mars 2022 et la date limite pour proposer une communication est toujours le 1er octobre 2021 (voir modalités ci-dessous).
N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions, ou si vous souhaitez discuter en amont de la pertinence de soumettre une proposition de communication.
Les doctorant.e.s, y compris en début de thèse, sont bien sûr les bienvenu.e.s.
Bonne rentrée à tou.te.s,
Hugo Bouvard
Post-doctorant au laboratoire IMAGER (UPEC),
Appel à communications pour une Journée d’Études
Université d’Avignon, 31 mars 2022
Personnel et représentation politiques : travailler sur les élu·e·s dans une perspective franco-américaine
L’organisation de cette journée d’études part d’un double constat. D’une part, d’un certain manque de cumulativité des travaux portant sur le personnel politique étasunien, du moins tel que nous le percevons depuis notre position dans l’espace académique français. Dans le cadre de nos recherches respectives, où nous comparons des élu·e·s français·es et étasunien·ne·s, nous avons en effet rencontré des difficultés semblables pour répondre, en ce qui concerne le cas étasunien, à un certain nombre de questions que nous nous posions en tant que politistes formé·e·s en France. Ces difficultés, d’ordre notamment bibliographique, tiennent peut-être en partie à ce second constat qu’il n’existe pas de réseau de chercheurs et chercheuses francophones travaillant spécifiquement sur le personnel politique étasunien. Cette journée d’études a donc trois objectifs.
Premièrement, faire le point sur les travaux en cours ou récemment achevés et portant sur le personnel politique étasunien, dans un souci de cumulativité. Deuxièmement, mettre en relation de façon durable chercheurs et chercheuses, jeunes et moins jeunes, qui travaillent sur cet objet depuis la France, mais aussi la Belgique ou la Suisse, au-delà des appartenances disciplinaires : politistes, sociologues, historien·ne·s, spécialistes d’études américaines. Enfin, promouvoir la démarche comparative, en particulier franco-américaine, au sein de la sociologie du personnel politique, ce qui peut notamment passer par la constitution de réseaux transatlantiques autour de ces questions. En effet, depuis le « bilan comparé » des travaux français et étasuniens sur la professionnalisation politique établi par Frédéric Sawicki à la fin du siècle dernier, les « cécités croisées » (Sawicki 1999, p. 196) identifiées dans la littérature scientifique produite dans chacun de ces deux pays semblent toujours d’actualité. En outre, alors que les travaux de sciences sociales proposant des comparaisons franco-américaines sont nombreux (Sabbagh & Simonet 2018), ils ne portent guère sur le personnel et les partis politiques.
Nous proposons deux axes de réflexion dans le cadre de cette journée d’étude. Le premier axe porte sur la sociographie des élu·e·s étasunien·ne·s et interroge en particulier les logiques qui conduisent à leur sélection, le type de carrières dans lesquelles ils et elles s’engagent, et les modalités de leur reconversion éventuelle. Le second axe vise à questionner la représentation politique, ses règles, ses pratiques, ses processus, et ses acteurs et actrices, en mettant au centre de la réflexion les hommes et femmes politiques étasunien·ne·s et leur approche du « métier » (Lagroye 1994) d’élu·e.
Axe n°1 : Sociographie du personnel politique étasunien
Ce premier axe vise à établir ce que l’on sait des hommes et femmes politiques élu·e·s aux différents échelons de la vie politique américaine, depuis les conseils municipaux jusqu’au Congrès, en passant par les législatures des comtés et des États fédérés, ainsi que les exécutifs locaux. Que sait-on du recrutement du personnel politique et de ses transformations ? La féminisation des diverses assemblées se poursuit-elle et comment (Godet 2016 ; Vallet 2016) ? Peut-on toujours parler de « recrutement ploutocratique » (Déloye & Ihl 2008, p. 459-493) du personnel politique de ce pays ? Quel est le rôle de l’argent dans les campagnes (Deysine 2008 ; François & Phélippeau 2015, p. 141-174 ; Meyer 2020) ? Comment peut-on mesurer et objectiver la diversification de ce recrutement en termes de race et/ou d’ethnicité (Le Moigne 2016), de sexualité (Bouvard 2020), de handicap, etc. ?
On peut ainsi se demander comment caractériser les élu·e·s d’un point de vue sociodémographique. Nous invitons notamment ici à des réflexions épistémologiques et méthodologiques sur la manière de catégoriser les élu·e·s étasunien·ne·s depuis l’espace académique français. Quels « indicateurs de position sociale » utiliser pour les « classer » (Sawicki 1999) ? Avec quels outils travailler sur l’origine sociale, le niveau de diplôme, les trajectoires professionnelles de ce personnel politique ? Comment manier les catégorisations émiques, en particulier raciales, dans le cadre d’une comparaison franco-américaine ou dans un texte écrit à destination d’un public français ?
On peut en même temps s’interroger sur les filières d’entrée en politique et d’accès à un mandat électoral. Quelles sont « les conditions sociales de la professionnalisation et de la “réussite” politique » (Lévêque 1996) aux États-Unis ? Existe-t-il actuellement, tout comme en France, un « effet de liste d’attente » lié à une « lutte des places accrue » pour les mandats politiques (Boelaert, Michon, Ollion, 2017, p. 90) ? Quel rôle jouent les positions d’auxiliaire politique ou de community organizer (Petitjean 2019, p. 627-639) dans les trajectoires de professionnalisation politique ? Quelles sont les professions les plus propices à l’entrée et au maintien dans la carrière politique ? Être lawyer est-il toujours le meilleur marchepied (Gold 1961) ? Dans quelle mesure peut-on décrire les élu·e·s étasunien·ne·s comme des « entrepreneur·e·s politiques » (Borchert & Zeiss 2003) ?
On s’interrogera enfin sur le déroulement des carrières politiques, les conditions du maintien dans le jeu sur la longue durée, et les sorties de la vie politique. Quels sont les enchaînements de mandats les plus fréquents ? Les assemblées parlementaires représentent-elles, comme en France, un « point de passage quasi-obligatoire pour qui souhaite faire carrière en politique » (Boelaert, Michon, Ollion, 2017, p. 10) ? De quoi sont faites les « vies d’après » (Dalibert 2021) des ancien·ne·s élu·e·s ? Les allers-retours en politique sont-ils fréquents ? Comment saisir ces trajectoires sur le temps long ? L’analyse de séquences (Abbott et Tsay, 2000) est-elle un outil à même de faire dialoguer recherches sur les personnels politiques étasunien et français, et quels sont ses apports et ses limites ?
Axe n°2 : Élu·e·s et représentation politique
Ce deuxième axe est centré autour de la représentation politique, approchée de trois manières.
Premièrement, nous souhaiterions recevoir des propositions de communication consacrées aux débats et aux luttes qui se déploient, aux États-Unis, pour changer les règles formelles de la démocratie représentative, ou, au contraire, résister à ces changements. Nous pensons particulièrement à la codification temporelle et spatiale des mandats, avec les nombreuses expériences locales de mise en œuvre de limitations de la rééligibilité (term limits) ou relatives à la durée des mandats (Kurtz et al. 2007 ; Marrel et Févrat 2021). Il peut également s’agir d’encadrer, augmenter ou diminuer la rémunération des élu·e·s. À quelle fréquence, quand, comment et par qui ces séquences de codification des mandats électifs sont-elles portées ? Comment appréhender le rôle particulier que jouent ici les parlementaires, à la fois législateurs et législatrices mais également cibles de ces mesures de recodification (Lehingue 1999) ? Quelles sont les conséquences sur les carrières politiques de ces changements dans les règles de la démocratie représentative?
Deuxièmement, nous souhaiterions recevoir des propositions de communications travaillant la question de la représentation politique des intérêts sociaux en plaçant les élu·e·s au centre de l’analyse. Par quels processus des élu·e·s se retrouvent-ils et elles identifié·e·s et labellisées, en public ou en privé, comme des « représentant·e·s » de tel ou tel groupe ? Qui sont les acteurs et les actrices impliqué·e·s dans la formulation et la réception de ces « propositions de représentation » (Dutoya & Hayat 2016 ; Saward 2010) ? On pourra s’intéresser en particulier aux interactions entre élu·e·s et mouvements sociaux particulièrement médiatisés au cours des dernières années : Black Lives Matter (Célestine & Martin-Breteau 2016), les mobilisations syndicales, par exemple d’enseignant·e·s (Ménard, 2021), les mouvements de désobéissance civile (Thomas-Hébert 2020), etc. Comment les élu·e·s étasunien·ne·s sont-ils et elles sollicitées pour prendre position en faveur de telle cause et porter la parole de tel groupe dans le champ politique ? Avec quels outils analyser le travail de représentation effectué le cas échéant par ces élu·e·s ?
Cette dernière interrogation soulève plus généralement la question du lien entre les propriétés des représentant·e·s, les règles encadrant leur(s) prise(s) de mandat(s), et leurs pratiques politiques. Une importante littérature travaille ainsi depuis plusieurs décennies l’articulation entre « représentation descriptive » et « représentation substantielle ». Si quelques textes ont fait date (voir par ex. Mansbridge 2013 [1999] ou Phillips 1998), ce débat reste largement ouvert et cette journée d’études entend y contribuer : quelles conséquences les dynamiques de diversification ou de transformation du recrutement du personnel politique, évoquées précédemment, ont-elles sur les pratiques des représentant·e·s, notamment leur capacité à porter les « intérêts » des groupes traditionnellement sous-représentés ? Quels effets peut-on attribuer aux mesures de limitation de la réélection, lorsqu’elles sont mises en œuvre (Carey, Niemi, Powell 1998) ? Moins préoccupé·e·s par leur réélection, les parlementaires concerné·e·s consacrent-ils et elles réellement davantage de temps au travail législatif qu’à la levée de fonds, vertu promue par celles et ceux qui ont promu ces réformes ? Ou bien la perspective d’une carrière politique écourtée favorise-t-elle au contraire des pratiques de collusion avec le secteur marchand dans l’espoir de s’y reconvertir, prophétie des opposant·e·s à ces changements dans les règles de l’élection ? Autrement dit, limiter les carrières politiques (dans le temps, dans l’espace, dans la rémunération) améliore-t-elle la démocratie étasunienne ? On s’interrogera bien sûr sur les protocoles de recherche empiriques et les soubassements normatifs qui permettent de (se) poser – et de répondre à – ces questions.
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Pour soumettre une proposition de communication, merci de bien vouloir envoyer avant le 1er octobre 2021 un résumé de 3000 signes maximum qui indique dans quel axe se situe la communication et explicite la méthodologie mobilisée, accompagné d’une notice biographique de 600 signes maximum, aux deux adresses suivantes : bouvard.hugo et noemie.fevrat. Les textes complets des communications, d’une longueur d’environ 30 000 signes, sont attendus pour le 15 mars 2022 au plus tard.
Nous attendons des propositions de communication portant sur le personnel politique étasunien ou proposant de réfléchir à la façon de comparer élu·e·s étasunien·ne·s avec leurs homologues français·es. Les interventions ne portant que sur le personnel politique français ne seront pas retenues. En revanche, les questions posées dans chacun des deux axes ne sont pas limitatives.
Organisation de la journée d’études (avec le soutien du laboratoire LBNC, EA 3788) :
Hugo Bouvard, docteur en science politique, post-doctorant au laboratoire IMAGER (UPEC), bouvard.hugo
Noémie Févrat, doctorante en science politique, LBNC (Avignon Université), noemie.fevrat
Comité scientifique :
Aurélie Godet, Université de Nantes
Christèle Marchand-Lagier, Université d’Avignon
Guillaume Marrel, Université d’Avignon
Alix Meyer, Université de Bourgogne
Etienne Ollion, CNRS, École Polytechnique.
Frédéric Sawicki, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne.
Bibliographie :
Boelaert Julien, Michon Sébastien et Ollion Étienne, Métier, député. Enquête sur la professionnalisation de la politique en France, Paris, Raisons d’agir, 2017.
Borchert Jens et Copeland Gary, « United States: A Political Class of Entrepreneurs », in Jürgen Zeiss et Jens Borchert (éd.), The Political Class in Advanced Democracies, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 393‑415.
Bouvard Hugo, Gays et lesbiennes en politique. Sociohistoire de la représentation des minorités sexuelles en France et aux États-Unis, thèse de doctorat en science politique, Université Paris-Dauphine, 2020.
Carey John M., Niemi Richard G., Powell Lynda W., « The Effects of Term Limits on State Legislatures: : A New Survey of the 50 States », Legislative Studies Quarterly, 31-1, 2006, pp. 105-134.
Célestine Audrey et Martin-Breteau Nicolas, « “Un mouvement, pas un moment” : Black Lives Matter et la reconfiguration des luttes minoritaires à l’ère Obama », Politique américaine, 28-2, 2016, p. 15‑39.
Dalibert Louise, « Les “vies d’après” des députés français. Des reconversions professionnelles lucratives limitées », Revue française de science politique, 71-1, 2021, p. 97‑117.
Déloye Yves et Ihl Olivier, « Le recrutement ploutocratique du personnel politique », in L’acte de vote, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, p. 459‑493.
Deysine Anne-Emmanuelle, « Argent et politique durant les années Bush », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 97-1, 2008, p. 131‑142.
Dutoya Virginie et Hayat Samuel, « Prétendre représenter. La construction sociale de la représentation politique », Revue française de science politique, 66-1, 22 février 2016, p. 7‑25.
François Abel et Phélippeau Éric, Le financement de la vie politique. Réglementations, pratiques et effets politiques, Paris, Armand Colin, coll.« U », 2015.
Godet Aurélie, « “Madame Smith Au Sénat” : l’impact des femmes sur la Chambre haute du Congrès », Politique américaine, 27-1, 2016, p. 33‑61.
Gold David, « Lawyers in Politics: An Empirical Exploration of Biographical Data on State Legislators », The Pacific Sociological Review, 4-2, octobre 1961, p. 84‑86.
Kurtz Karl T., Cain Bruce E. et Niemi Richard G. (éd.), Institutional Change in American Politics: The Case of Term Limits, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2007.
Lagroye Jacques, « Être du métier », Politix, 7-28, 1994, p. 5‑15.
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Lévêque Sandrine, « "L’entrée en politique". Bibliographie sur les conditions sociales de la professionnalisation et de la «réussite» politique en France », 1996, p. 18.
Mansbridge Jane, « Les Noirs doivent-ils être représentés par des Noirs et les femmes par des femmes ? Un oui mesuré », Raisons politiques, 50-2, 2013, p. 53‑77.
Marrel Guillaume et Févrat Noémie, « Limiter le "cumul dans le temps". Retour sociopolitique sur la remise en cause de la rééligibilité indéfinie en France », in Pauline Türk, Karine Deharbe, Christine Pina (éd.), Le cumul des mandats : débats, réformes et pratiques, Mare & Martin, 2021.
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