Appel à communications – Journée d’étude – 28 mars 2025
« Repenser la voix des esclaves : nouvelles perspectives sur le récit de l’esclavage »
Marie-Pierre Baduel et Hélène Charlery (Université Toulouse Jean Jaurès, UT2 – Center for Anglophone Studies, CAS)
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Conférence plénière : Sophie White (Université Notre Dame, Indiana)
Selon Philon d’Alexandrie (20 av. JC – 45 apr. JC), l’esclavage est par nature l’état d’être sans voix, une non-personne n’ayant, par définition, rien à dire (Quod omnis probus, 48). Jusque dans les années 1950, la voix des esclaves n’était pas prise en compte ou très peu considérée dans l’étude et l’écriture de l’histoire de l’esclavage, soit parce que les historiens utilisaient des méthodes quantitatives pour décrire ce système, soit parce que les sources d’acteurs blancs étaient privilégiées. Ulrich B. Philips, par exemple, écrivait en 1929 que l’authenticité des récits d’esclaves en général devait être systématiquement remise en question (Philips 1929, 219). Depuis les années 1960, l’approche quantitative n’a pas été abandonnée, mais à celle-ci s’est ajouté une prise en compte de nouvelles sources provenant des personnes esclavagisées, avec l’essor notamment du Mouvement pour les Droits Civiques (Livesey 2022) et l’avènement d’une histoire sociale (Aje et Raynaud 2022, 10).
Andrea Livesey parle d’une “microhistoire” pour qualifier cette tendance à recourir aux histoires individuelles, en mettant l’accent sur la façon dont les trajectoires des individus illustrent une histoire collective (on peut citer, par exemple, dans l’historiographie récente, Annette Gordon-Reed, The Hemingses of Monticello, 2009 ou encore Daina Ramey Berry, The Price for their Pound of Flesh, 2017). Depuis la fin des années 2000, se sont donc multipliées les études biographiques et microhistoriques qui placent les personnes esclavagisées et leur famille au centre de leur histoire, en utilisant notamment les archives judiciaires (Peabody 2022) mais pas uniquement. Les personnes esclavagisées ont une voix, et les sources où trouver ces voix se diversifient et se multiplient. Ainsi, depuis une vingtaine d’années, la notion de voix s’élargit dans l’historiographie et les historiens et critiques littéraires cherchent celle-ci dans d’autres sources que les traditionnels récits d’esclaves, qui ne sont pas représentatifs de l’ensemble des esclaves à plus d’un titre. Les chercheur.e.s sont invités à aller au-delà de ces récits (Deborah Jenson en fait d’ailleurs le titre de sa monographie, Beyond the Slave Narrative, publiée en 2011).
Cette journée d’étude propose de prolonger cette discussion sur la notion de voix, en l’élargissant aux notions de présence et de traces laissées par les personnes esclavagisées, souvent réduites au silence, dans les différentes sources disponibles aux chercheurs.e.s. L’objectif de cette journée est de débattre des archives et des documents dans lesquels ces voix sont présentes. La journée d’étude a pour objectif d’explorer ces sources nouvelles et archives et d’analyser la façon dont celles-ci peuvent offrir une vision plus complète de l’expérience de l’esclavage. L’historiographie contemporaine offre un certain nombre de pistes que cette journée d’étude propose d’interroger (liste non exhaustive) :
– Voix/présence/trace des esclaves dans les archives,
– Le silence, corollaire de la voix, et sa place dans la reconstruction des histoires individuelles mais aussi de l’histoire collective,
– Influence de la tendance historiographique d’une histoire mondiale de l’esclavage,
– La multiplicité des voix et des récits au sein d’une même source,
– La place qu’occupent la fiction et la fictionnalisation dans les récits de l’esclavage (à entendre dans une acception plus large que les traditionnels récits d’esclaves),
– Les enjeux mémoriels de ces nouvelles perspectives,
– Quelles pistes pour l’avenir de l’historiographie ?
Les propositions de communication de 500 mots, en français ou en anglais, accompagnées d’une bibliographie indicative et d’une notice biographique de 150 mots sont à envoyer à Marie-Pierre Baduel (marie-pierre.baduel) et à Hélène Charlery (helene.charlery) avant le 18 octobre 20
Call for Papers – Symposium – March 28, 2025 =“Reassessing the Enslaved Voice: New Perspectives on the Narrative of Slavery”
Marie-Pierre Baduel et Hélène Charlery (Université Toulouse Jean Jaurès, UT2 – Center for Anglophone Studies, CAS)
Keynote speech: Sophie White (University of Notre Dame, Indiana)
For Philo of Alexandria (20 BCE – 45 CE), “slavery was in the nature of things a state of voicelessness: a non-person by definition had nothing to say[1]” (Quod omnis probus 48). Until the 1950s, the voices of the enslaved were completely disregarded or considered of little importance in the study and the writing of the history of slavery, either because historians used quantitative methods to describe this oppressive system, or because white sources were preferred. Ulrich B. Philips, for example, wrote in 1929 that the authenticity of slave narratives as a whole was doubtful (Philips 1929, 219). Since the 1960s, the quantitative approach has not been discarded, but along with it, new sources emanating from the enslaved themselves were given consideration, in correlation with the Civil Rights Movement (Livesey 2022) and the appearance of social history (Aje and Raynaud 2022, 10).
Andrea Lindsey evokes the concept of “microhistory,”’ to study individual stories and emphasize the way individual trajectories inform and illustrate a collective history (Annette Gordon-Reed, The Hemingses of Monticello, 2009 or Daina Ramey Berry, The Price for their Pound of Flesh, 2017). More and more biographical and microhistorical studies have become available since the end of the 2000s. They have also broadened the types of archives (for instance judiciary archives) to analyze sources that are placing enslaved people and their families at the center of their stories (Peabody 2022). Enslaved people have a voice, and the sources where these voices can be found have become more numerous and diversified. Thus, the notion of voice has widened in the historiography of the last twenty years, and historians and literary critics are searching for it in sources other than the traditional slave narratives, to go “beyond the slave narrative” as Deborah Jenson put it in the title of her 2011 book.
This one-day symposium invites researchers to prolong this conversation about the voice of enslaved people, and to broaden it to the presence or traces left by enslaved people in a variety of sources available to them. The objective of this symposium is also to discuss the archives and the documents in which these voices can be found and heard. The aim is also to explore new sources and archives and to analyze the ways in which they can offer a more comprehensive vision of the experience of slavery. Contemporary historiography offers various paths that could be explored during this one-day symposium (non-exhaustive list):
– Voice / presence / traces left by enslaved people in the archives,
– Silence and its importance in the reconstruction of individual and collective histories,
– The globalization of the historiography of the study of slavery and its consequences
– Multiple voices and stories within the same source,
– The place occupied by fiction and fictionnalisation in the narratives of slavery (in a wider sense than the traditional slave narratives),
– The stakes of these new perspectives on the memorialization of slavery,
– What new paths for the future of the historiography of narratives of slavery?
Proposals for papers, in French or in English (abstracts of 500 words, a list of works cited and a 150-word biographical notice) are to be sent to Marie-Pierre Baduel (marie-pierre.baduel) and Hélène Charlery (helene.charlery) before October 18, 2024.
[1] Translation by K.R. Bradley, “Imagining Slavery in Roman Antiquity”, in Doddington and Dal Lago, eds, Writing the History of Slavery, 2022 [Format Kindle].
Source: Helene Charlery <helene.charlery>