Raconter, exposer et commémorer l’histoire des minorités aux Etats-Unis.

Bonjour à tou.te.s

Nous avons le plaisir de vous transmettre un appel à communication pour une journée d’étude le vendredi 10 décembre 2021 à l’IHTP, Institut d’Histoire du Temps Présent, Campus Condorcet.

Vous trouverez ci-dessous l’appel à communication et les modalités de réponse (english below)

le comité d’organisation : Olivier Maheo (IHTP), Pauline Peretz (IHTP), Sarah Frioux-Salgas (Musée du quai Branly – Jacques Chirac).

Appel à communication, journée d’études le 10 décembre 2021 (English version below)

Raconter, exposer et commémorer l’histoire des minorités aux Etats-Unis.

Les musées et sites historiques états-uniens et les récits minoritaires

Journée d’étude organisée par l’Institut d’Histoire du Temps Présent, UMR 8244, le vendredi 10 décembre 2021.

Les perspectives critiques ont participé au développement des recherches en histoire sur le fait minoritaire, qui peut être approché de deux manières : d’une part du point de vue de la domination qui s’exerce, d’autre part du point de vue des expériences des membres de la minorité (Chassain et al., 2016). Un colloque en sciences sociales posait ainsi la question de savoir si « L’histoire des minorités est une histoire marginale ? » (Laithier et al., 2008). Le terme polysémique de « minorité » prend sur le sol étatsunien le sens de minorités ethnoraciales, que lui a donné l’histoire de son peuplement au travers des migrations successives de populations diverses. Il implique l’inclusion dans un tout national, mais renvoie aussi à un statut subalterne, éventuellement cible de discriminations et d’exclusions diverses. A côté du roman national qui participe à la construction d’une « communauté imaginaire », de multiples récits minoritaires subsistent, qu’ils soient inclus comme un aspect du tout, ou bien qu’ils proposent une histoire parallèle, voire opposée (Anderson, 1986). Le roman national n’exclut pas nécessairement les narrations minoritaires, mais il implique différentes formes d’exclusions et d’oublis, dont Benedict Anderson a montré comment ils participaient de la construction d’un « fratricide rassurant » (Anderson, 1986 ; Mylonas, 2013). Nous souhaitons interroger la manière dont différentes minorités ont voulu intégrer leur histoire particulière au récit national, corriger ce dernier, le contester, voire s’en séparer en revendiquant la réappropriation de son histoire autonome.

Les récits minoritaires mobilisent des mémoires collectives spécifiques, des processus de patrimonialisation et différentes médiations de l’histoire, notamment dans les cadres scolaires, médiatiques. Nous proposons de nous concentrer sur une de leurs formes concrètes, à savoir les musées et les sites patrimoniaux. Ceux-ci sont en effet au centre d’enjeux politiques et historiographiques dans la manière dont ils articulent, ou pas, le récit des minorités et le récit national. Les plus grands musées focalisent de ce point de vue l’attention : à Washington les musées prestigieux de la Smithsonian Institution se succèdent sur le National Mall : National Museum of American History, National Museum of the American Indian, fondé en 1989 et National Museum of African American History and Culture, ouvert en septembre 2016. Le 21 décembre 2020 le Congrès vient de voter la Smithsonian Women’s History Act qui autorise le lancement d’un musée national des femmes, dont le projet remonte à 1998, et d’un National Museum of the American Latino, proposé lui dès 1994. Ces institutions sont certes les plus visibles, mais elles ne doivent pas faire oublier des structures plus petites, dont les origines et les dynamiques peuvent être des plus diverses.

L’événement scientifique que nous vous soumettons propose d’explorer ces questions sous différents angles et par différentes approches disciplinaires du champ des sciences sociales. La question de la médiation de l’histoire, ici abordée par le prisme des institutions muséales et des sites patrimoniaux, de même que l’articulation entre passé et présent, seront au centre de cet événement. Les pistes de recherche que nous proposons ci-dessous ne prétendent pas épuiser le sujet, et toutes les propositions de communication seront étudiées.

– Nous souhaitons interroger les débats soulevés autour des musées et des sites patrimoniaux américains (répertoriés par exemple en tant que Parcs Nationaux), et éclairer la manière dont ces institutions ont été l’enjeu de batailles mémorielles, politiques, urbanistiques. C’est le cas alors qu’ils ne sont encore que des projets, comme lors de leur fondation ou par la suite lorsqu’ils développent des politiques muséales et patrimoniales. Une démarche qui interroge la relation de ces institutions avec les espaces dans lesquels ils s’insèrent est aussi envisageable, afin de prendre en compte la manière dont les mémoires collectives s’inscrivent dans l’espace. Ainsi la tradition des fresques (murals) qui couvrent certains murs, particulièrement dans les quartiers hispaniques peut aussi être évoquée, alors que leurs thèmes sont très souvent historico-politiques. A ce titre les jeux d’échelle et l’articulation entre des lieux, des territoires et différents espaces pourrait aussi être une approche intéressante.

– Une attention particulière peut-être apportée aux discours développés par ces institutions quant à leurs objectifs, qu’il s’agisse de la volonté affirmée d’intégrer le récit minoritaire au grand récit national, de le corriger, ou de le contester et de revendiquer la réappropriation de sa propre histoire autonome. De même les formes que prennent ces tentatives, que ce soit dans la politique de collection, dans les expositions proposées ou dans la démarche envers le public, peuvent être éclairées. Il est possible d’interroger la façon dont la minorité est construite dans une représentation mémorielle cohérente, qui peut dans le même temps faire l’impasse sur les clivages sociaux, genrés, spatiaux ou générationnels qui risqueraient de mettre en péril l’affirmation du groupe minoritaire. La popularité des dispositifs qui proposent des reconstitutions historiques, avec acteurs en costumes, activités proposées au public et scènes historiques jouées peut aussi faire l’objet d’une réflexion.

– Il est enfin possible d’interroger la diversité des formes de récits proposés par ces musées, de leurs approches et de leurs collections. Certains, proposent une histoire polyphonique qui met l’accent sur la multiplicité des récits, tel le Musée National de l’Immigration d’Ellis Island, tandis que d’autres suivent un récit plus linéaire, voire téléologique tel le National Museum of American History. Ce musée a toutefois abrité en 1987 une exposition à propos d’un épisode dramatique, l’internement des japonais-américains à partir de 1942[1]. Ailleurs certains sites historiques sont mis en valeur au travers d’une mise en scène, tel Harper’s Ferry, aujourd’hui en Virginie Occidentale, autour du coup de main militaire mené par l’abolitioniste radical John Brown en 1859. Une approche typologique peut être envisagée.

Propositions

Nous encourageons les chercheur.se.s de différents champs disciplinaires rattachés aux sciences humaines et sociales (histoire, histoire de l’art, civilisation, sociologie) à soumettre des propositions pour des communications en français ou en anglais.

Merci d’adresser votre proposition (environ 500 mots), en anglais ou en français, éventuellement accompagnée d’images, ainsi qu’une brève biographie, pour le 15 septembre 2021 à cette adresse : raconterlesminorites

Nom, prénom, institution de rattachement, adresse mail, et une liste de mots clés. Vous présenterez la problématique en rapport avec le titre annoncé, l’ancrage scientifique et conceptuel dans lequel vous vous situez et la méthodologie adoptée. Vous proposerez, après le résumé.

Calendrier

Date de soumission : 15 septembre 2021

Notification de sélection : 30 septembre 2021

Date de la journée d’étude : Vendredi 10 décembre 2021

Lieu : Campus Condorcet, à préciser

Comité organisateur : Olivier Maheo (IHTP), Pauline Peretz (IHTP), Sarah Frioux-Salgas (musée du quai Branly – Jacques Chirac).

Call for papers: workshop on the 12/10/2021

Telling, exhibiting and commemorating minority histories in the United States.

U.S. museums and historic sites, and minority narratives

Workshop organized by the Institut d’Histoire du Temps Présent, UMR 8244, to be held on the 12/10/2021

Critical perspectives have contributed to the development of research on minority histories, which can be approached in two ways: on the one hand from the point of view of the domination that is exercised, on the other hand from the point of view of the experiences of members of the minority (Chassain et al., 2016). Ten years ago, a social science symposium asked: "Is minority history a marginal history?" (Laithier et al., 2008). In the United States, the ambiguous term "minority" takes on the meaning of ethno-racial minorities, because of a history of successive wave of migrations from various continents. Being part of a minority implies the inclusion in a national entity, but also refers to a status, that may be discriminated against or excluded. Alongside the national myth, which participates in the construction of an "imagined community", multiple narratives exist, either included as an aspect of the national narrative, or proposing a parallel or even adverse history (Anderson, 1986). A national myth does not necessarily exclude minority narratives, but it does involve different forms of exclusion and forgetting, which have been shown by Benedict Anderson to contribute to the construction of a ‘reassuring fratricide’ (Anderson, 1986; Mylonas, 2013). We would like to question the ways in which different minorities have sought to integrate their particular histories into the national narrative, to amend it, to contest it, or even to dissociate themselves by striving for the reappropriation of their autonomous history.

Minority narratives mobilize collective memories and processes of patrimonialization and different mediations of history, notably in the school and medias. We propose to focus on one of their concrete forms, namely museums and heritage sites. Museums are indeed at the focus of political and historiographic issues in the way they articulate, or not, the narrative of minorities and the national narrative. The largest museums focus attention from this point of view: In Washington, D.C., the Smithsonian Institution’s prestigious museums are located on the National Mall: the National Museum of American History, the National Museum of the American Indian, founded in 1989, and the National Museum of African American History and Culture, opened in September 2016. On December 21, 2020, Congress passed the Smithsonian Women’s History Act, which authorized the establishment of a National Museum of Women, proposed in 1998, and a National Museum of the American Latino, proposed in 1994. These institutions are certainly the most visible, but they should not make us forget the smaller structures, whose origins and dynamics can be very diverse.

In the framework of this workshop, we propose to explore these questions under different angles and considering different disciplinary approaches of the social sciences. The question of the mediation of history, here approached through the prism of museum institutions and heritage sites, as well as the articulation between past and present, will be our focus. Our research proposals do not claim to be exhaustive, and every proposal will be examined.

– We wish to interrogate the debates raised around American museums and heritage sites (such as National Parks): these institutions have been the stake of memorial, political and urbanistic conflicts. This was the case when they were still projects, at the time of their foundation or later when they developed museum and heritage policies. It is also possible to question the relationship of these institutions with the spaces in which they are inserted, in order to take into account the inscription of collective memories in urban and rural space. Thus, the murals tradition, particularly in Hispanic neighborhoods, can also be considered. In this respect, the articulation of different levels and different places could also be pursued as a lign of inquiry.

– Particular attention can be paid to discourses developed by these institutions as to their objectives, whether it is the willingness to integrate the minority narrative into the national narrative, to correct it, or to contest it and claim the reappropriation of its own history. Similarly, research could highlight collections and collecting policies, exhibitions and outreach programs. It is also possible to question the way in which the minority is constructed in a coherent representation, which can ignore the social, gendered, spatial or generational divides that could put the collective identity of the group at risk. The increasing popularity of historical re-enactments can also be examined.

– Finally, one could also question the diversity of the forms of narratives proposed by these museums, their approaches and their collections. Some, such as the National Immigration Museum at Ellis Island, offer a polyphonic history that emphasizes multiple narratives, while others, such as the National Museum of American History, follow a more linear, even teleological narrative. However, in 1987, this museum hosted an exhibition about the internment of Japanese-Americans during World War II[2]. Elsewhere, certain sites are highlighted through a staging, such as Harper’s Ferry, today in West Virginia, around the military coup led by the radical abolitionist John Brown in 1859. A typological approach could be proposed.

Proposals

We encourage researchers from all fields of the humanities and social sciences (history, art history, American studies, sociology, anthropology) to submit proposals for papers in English or French.

Please send your proposal (500 words), in English or in French, possibly accompanied by images, as well as a brief CV, before the 15th of September 2021 to this address: raconterlesminorites

Name, first name, institution of affiliation, e-mail address, and a list of key words. You will present the problematic in relation to the announced title, the scientific and conceptual background in which you are situated and the methodology adopted.

Calendar

Date of submission: 09/15/2021

Notification of selection: 09/30/2021

Study Day Date: 12/10/2021

Organizing Committee: Olivier Maheo (IHTP), Pauline Peretz (IHTP), Sarah Frioux-Salgas (musée du quai Branly – Jacques Chirac).

Références/References

Anderson B., 1986, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, Londres, Verso, 266 p.

Chassain A. et al., 2016, « Approches expérientielles du fait minoritaire », Tracés. Revue de Sciences humaines, 30, p. 7‑26.

Deutsch K.W. et Foltz W.J., 1963, Nation Building, Atherton, CA, Atherton Press, 194 p.

Elgenius G. et Aronsson P., 2014, National museums and nation-building in Europe 1750-2010: mobilization and legitimacy, continuity and change, London, Routledge.

Ferry M.A.H.F.N.H.P.N.P.S.P.B. 65 H. et Us W. 25425 P.-6029 C., Harpers Ferry National Historical Park (U.S. National Park Service), document en ligne, consulté le 16 mars 2021 : https://www.nps.gov/hafe/index.htm.

Hobsbawm E. et Ranger T., 2012, The Invention of Tradition, Cambridge University Press, 329 p.

Ignatiev N., 2015, How the Irish Became White., Londres et New York, Routledge.

Jones J.L., 1987, A more perfect union: Japanese americans and the United States constitution : a new exhibition at the National Museum of American History Smithsonian Institution October 1 1987., Washington, Smithsonian Institution Press.

Laithier S. et al. (éd.), 2008, L’histoire des minorités est-elle une histoire marginale?, Paris, PUPS, Presses de l’Université Paris-Sorbonne.

Mylonas H., 2013, The Politics of Nation-Building: Making Co-Nationals, Refugees, and Minorities, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « Problems of International Politics ».

Painter N.I., 2018, Histoire des blancs, Paris, Max Milo.

Quarles B., 2001, Allies for freedom: Blacks and John Brown, Cambridge, Mass., Da Capo.

Roediger D.R., 1999, The Wages of Whiteness: Race and the Making of the American Working Class, Verso, 220 p.

Takaki R.T., 1993, A different mirror: a history of multicultural America, Boston, Little Brown and Co, ix+508; 16 p.

Thiesse A.-M., 2001, La création des identités nationales: Europe, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Seuil, 330 p.

Thiesse A.-M., 2010, « L’Histoire de France en musée. », Raisons politiques, n° 37, 1, p. 103‑117.

Thiesse A.-M., 2019, La fabrique de l’écrivain national: entre littérature et politique, Paris.