Chères et chers collègues,
Vous trouverez ci-dessous l’appel à communications pour le colloque international « L’Intimité et le droit à la vie privée dans le monde anglophone ». Il se tiendra à Lyon 3 (IETT) les 10 et 11 octobre 2024. Des propositions de 250 à 500 mots, en anglais ou en français, accompagnées d’une biographie courte sont à envoyer à eglantine.zatout, irene.delcourt et marie.moreau avant le 25 mars 2024.
Bien à vous,
Eglantine Zatout pour le comité d’organisation.
Appel à communication (scroll down for English version):
En 1953, la Convention européenne des droits de l’homme a reconnu la vie privée comme
étant un droit de l’homme. La définition précise de cette notion, néanmoins, fait toujours l’objet de vifs débats, au sein des tribunaux, au travail, sur les réseaux sociaux, et jusque dans l’intimité d’une « chambre à soi ».
Les contours légaux et judiciaires du concept de « vie privée » demeurent, aujourd’hui encore, relativement flous. Au Royaume-Uni, la loi de 1998 sur les droits de l’homme dispose par exemple que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Elle précise que la « vie privée » peut être définie comme le droit de vivre sa vie en privé, sans ingérence du gouvernement, à moins que celle-ci ne constitue une menace pour la loi, la sécurité nationale et « la santé ou la morale » – des exceptions assez nombreuses et imprécises pour rendre poreuse la frontière entre les sphères privées et publiques.
Aux États-Unis, et ce bien que la vie privée ne soit pas explicitement mentionnée dans la Constitution, celle-ci bénéficie normalement de la protection de la loi. Théoriquement établie par le quatorzième amendement et provisoirement définie en 1888 par Thomas M. Cooley, juriste américain et juge à la Cour suprême du Michigan, comme « le droit à la tranquillité » (the right to be let alone), elle n’a cependant guère été évoquée jusqu’à l’arrêt Griswold v. Connecticut (1965). À travers cette affaire, la Cour suprême fédérale a reconnu le droit d’accès des couples mariés à la contraception, affirmant un « droit à la vie privée conjugale » et établissant ainsi la base juridique du droit à la vie privée dans l’ensemble du pays. Récemment, cependant, l’existence de ce droit a été remise en question par cette même Cour via le jugement rendu dans l’affaire Dobbs v. Jackson Women’s Health (2022). Celui-ci postule que pour certaines « questions de nature morale », le gouvernement américain n’est pas tenu de respecter la vie privée des citoyens. Cet exemple illustre qu’au XXIe siècle, l’idée d’une « sphère privée » libre de toute ingérence gouvernementale demeure mal définie. Il est certain, par ailleurs, que la protection, la collecte et l’utilisation des données par des entités gouvernementales et non gouvernementales contribueront à redéfinir le sens même du droit à la vie privée.
Cette conférence aura ainsi pour but d’explorer les frontières mouvantes entre les sphères privée et publique, d’un point de vue éthique, juridique, politique, économique et social, et d’inviter à interroger la définition juridique du droit à la vie privée dans les sociétés anglophones, notamment au prisme de l’identité des personnes dont la vie privée peut être « légitimement » envahie et/ou examinée. Elle s’attachera également à étudier et questionner la mise en scène de la vie privée, et la façon dont celle-ci peut être utilisée comme un levier politique ou économique – un outil militant servant à déstigmatiser un comportement et obtenir des droits ou pour lancer une campagne politique, par exemple. La vie privée peut également être marchandisée et commercialisée via les réseaux sociaux, qui rémunèrent les créateurs de contenu pour qu’ils lèvent le voile sur leur intimité.
Enfin, le personnel a-t-il vocation à être politique ?
Parmi les pistes de réflexion possibles, nous prendrons notamment en considération les communications qui s’inscrivent dans les thèmes suivants :
➢ État, institutions, justice et intimité : comment la vie privée est-elle régulée ? De qui régule-t-on la vie privée ? Qui régule la vie privée ? Censure ; débats juridiques et légaux sur la définition de la vie privée ; quand les instances publiques passent à la loupe l’intimité des individus (adoption, enquêtes sociales…) ; délation et lanceurs/ses d’alerte.
➢ Intimité et surveillance : intimité dans les prisons ; état policier et surveillance étatique ; confidentialité et protection des données
➢ Intimité et militance : la lutte pour le droit à la vie privée ; dévoiler sa vie privée comme acte militant et/ou à des fins de sensibilisation ; écrits de l’intime à visée militante et égodocuments, etc.
➢ Mettre en scène l’intimité : mise en scène de la vie privée (réseaux sociaux, télé-réalité et médias) ; la vie privée et politiques; biopic, etc.
➢ Économie de l’intimité : marchandiser la vie privée. Les blogs et les chaînes familiales sur internet, les réseaux sociaux et Youtube (aspect économique et financier, type de public, dimension éthique, relation aux normes) ; la protection de la vie privée comme activité économique, etc.
➢ Intimité et pouvoir médical : rapport entre le médecin et le corps ; entre l’autorité médicale et l’individu ; consentement et refus de soins etc…
Toutes les approches du sujet sont les bienvenues : historique, juridique, sociologique, politique, économique ou culturelle (littéraire, artistique, cinématographique). Nous étudierons avec attention les propositions de jeunes chercheurs/ses et de chercheurs/ses confirmé.e.s.
Call for papers:
“If the right to privacy means anything, it is the right of the individual, married or single, to be free from unwanted government intrusion.” Justice William Brennan “Arguing that you don’t care about the right to privacy because you have nothing to hide is no different than saying you don’t care about free speech because you have nothing to say.” Edward Snowden
In 1953, the European Convention on Human Rights recognized privacy as a human right. Yet, what the notion actually entails is still hotly debated in courtrooms, in the workplace, on social media, and even in the intimacy of a room of one’s own.
Courts themselves have long interpreted the concept of ‘private life’ very broadly. In the UK, the 1998 Human rights Act states that “Everyone has the right to respect for his private and family life, his home and his correspondence.” It puts forth that privacy is the right to live your life privately, without government or legal interference, lest that it might pose a threat to the law, national security, and “health or morals.” Those exceptions are rather broad which makes the boundary between the private and the public rather blurry.
In the United States, although the right to privacy is not one of the rights enumerated in the Constitution, it does not mean that it is not entitled to protection under the law. While theoretically established by the Fourteenth Amendment, and tentatively defined in 1888 by American lawyer and Michigan Supreme Court Justice Thomas M. Cooley as “the right to be let alone,” little was said on the matter until Griswold v. Connecticut (1965). In this case, the federal Supreme Court affirmed the right of married persons to obtain contraceptives, asserting a “right to marital privacy” and establishing the legal basis for the right to privacy with respect to intimate practices in general throughout the country. Recently, however, the existence of this right has been questioned by that same Court in Dobbs v. Jackson Women’s Health (2022), which posits that for certain “moral questions” the government has the right to intervene without being bound to respect people’s privacy. “Moral question” being a rather vague phrase the “private sphere” that is free from government intervention remains ill-defined. The same holds true for online privacy which constitutes a new frontier that is still being drawn and fought over – data protection, collection and use by governmental and non-governmental entities will undoubtedly contribute to the very meaning of the right to privacy.
In this conference, we would like to explore the unstable boundaries between the private and the public spheres, from ethical, legal, political, economic and social standpoints. This invites us to ponder over how the legal definition of the right to privacy is delineated in English-speaking societies, and over the identities of the people whose privacy can “legitimately” be invaded and/or scrutinized. On the other hand, staging one’s privacy can be used as a way to gain political or economic power: it can be part of the activist toolbox to destigmatize a conduct in order to gain rights or as a commodity to establish a political campaign. It can also be a business and as such become commodified through social media companies who pay content creators to reveal their private lives to their audiences. The way intimacy is staged on such a public platform is worthy of inquiry as well as the impact of such staging on the audience.
Ultimately, is the personal always bound to be political? Among the possible avenues of inquiry, we will consider papers that fall under the
following themes:
➢ State, institutions, justice and intimacy: How is private life regulated? By whom? Whose private life is regulated? Censorship ; judicial and legal debates over the definition of privacy ; public entities scrutinizing people’s private lives (custody and adoption cases, etc.) ; denunciation and whistle-blowing, etc.
➢ Privacy and surveillance: privacy in prison ; police state and surveillance state ; protecting data and online privacy
➢ Intimacy and activism: the fight to protect the right to privacy ; sharing one’s private life to raise awareness and/or to destigmatize a conduct or an identity ; militant memoirs, and ego-documents, etc.
➢ Staging intimacy: staging one’s private life (social media, reality tv, the media) ; private life and politics ; biopics, etc.
➢ Intimacy as a commodity: family blogs and family channels on the internet, social media and Youtube (economic and financial aspect, audience, ethical dimension and relation to norms) ; business of private life protection, etc.
➢ Intimacy and medical power : doctors and the body ; medical authority and patients ; consent and refusal of care, etc.
Proposals of 250 to 500 words in English or in French accompanied by a short biography should be sent to eglantine.zatout, irene.delcourt and marie.moreau before March 25th 2024. All approaches to the subject are welcome: historical, judicial, sociological, political, cultural (literary, artistic, cinematographic…), economic. We welcome proposals from experienced researchers, doctoral and other graduate students.
Source: Eglantine Zatout <eglantine.zatout>