AFEAliste AAC – Le Sud des États-Unis au cœur des enjeux pol itiques américains : classe, race et espa ces au prisme de l ’œuvre de Michael Goldfield

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Le Sud des États-Unis au cœur des enjeux politiques
américains : classe, race et espaces au prisme de l’œuvre de Michael
Goldfield

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Colloque international, organisé par leséquipes IMAGER (UPEC) et CREW (Sorbonne Nouvelle), les 2-3 février 2023

L’actualité aux États-Unis de ces dernières années nous rappelle à quel point le Sud s’affirme à la fois comme un lieu de particularismes et celui d’un héritage commun, (qu’il s’agisse de l’expérience d’États anciennement esclavagistes ou du résultat de dynamiques politiques plus récentes).

Comme l’écrit le politiste Michael Goldfield, « le Sud est une région à part et atypique des États-Unis. Mais c’est aussi un miroir grossissant de l’Amérique, contradiction que j’entends mettre en lumière » (Goldfield, 2020). Ces spécificités s’inscrivent dans des structures sociales, culturelles, politiques et, suivant cet auteur, avant tout économiques, selon une imbrication qui rend toute définition du Sud problématique, comme l’atteste la diversité des approches sur cette question (Odum, 1936 ; Kirby, 1983 ; Goldfield, 2020).

Cependant, quelle que soit la manière dont le Sud est défini, il est certain que la vie politique étatsunienne ne peut être comprise si l’on ne prête pas attention à la manière dont les rapports sociaux de classe et de race se nouent dans cet espace, en particulier à des moments historiques décisifs mettant en jeu leur articulation ou leur mise en concurrence.

Selon Michael Goldfield, la suprématie blanche et les questions raciales se trouvent au cœur de tous les moments charnières qui jalonnent l’histoire politique des États-Unis : la période coloniale ; la Révolution et la jeune République ; la guerre de Sécession et la Reconstruction ; la défaite du populisme et la consolidation d’un système politique ségrégationniste et conservateur à partir de 1896 (victoire de McKinley, l’arrêt Plessy v. Ferguson) ; la Grande Dépression et le New Deal ; le mouvement pour les droits civiques (Goldfield, 1997). À l’occasion de la sortie du dernier ouvrage de Michael Goldfield, The Southern Key, en 2020, et en présence de l’auteur, nous proposons lors de ce colloque d’aborder ces questions.

Dans cet ouvrage, Goldfield s’interroge tout particulièrement sur les conséquences de la crise économique des années 1930 qui a donné naissance à la version étatsunienne de l’État providence et à un mouvement syndical de masse. Mais est-ce l’avènement du New Deal qui permit la vague de syndicalisation dans la grande industrie ou plutôt l’inverse, comme l’affirme Goldfield ?

Les nouveaux rapports de force sociaux conduisirent le président Roosevelt à construire une coalition politique large qui associait l’aile gauche du Parti démocrate, des organisations syndicales, des groupes militants noirs, la majorité de la gauche marxiste, les socialistes et les humanistes chrétiens. Cependant, les thèmes qui fédéraient cette coalition – le combat contre les injustices sociales et raciales – ont fini par devenir des points d’achoppement, par exemple lorsque l’échec de la syndicalisation du Sud a empêché l’extension des valeurs progressistes du New Deal à l’ensemble du pays et que le maccarthysme a mis à mal la coalition rooseveltienne.

À différents moments de l’histoire des États-Unis, diverses tentatives de reconfiguration de ces rapports sociaux ont été entreprises, par exemple lors des campagnes de syndicalisation du Sud par les syndicats industriels avant et après la Seconde Guerre mondiale, ou lors des actions de l’organisation étudiante noire Student Nonviolent Coordinating Committee à partir de 1960.

Ces périodes charnières représentent autant « d’occasions manquées » (Korstad, Lichtenstein, 1988 ; Griffin, Korstad, 1995 ; Korstad, 2008) qui auraient pu modifier le cours de l’histoire, ce que cherche à démontrer Goldfield dans une analyse contrefactuelle.

Ce dernier propose notamment qu’une syndicalisation plus interraciale du Sud, stratégie abandonnée par les directions syndicales, aurait pu changer la nature du mouvement des droits civiques en favorisant une alliance avec les ouvriers blancs.

Plus largement, pour Michael Goldfield, « Les échecs (et réussites) dans la syndicalisation du Sud pendant les années 1930 et 1940 (dont le succès aurait eu le potentiel de transformer radicalement le Sud, mais aussi le reste du pays) représentent la clé privilégiée [golden key] pour comprendre non seulement la trajectoire de la politique américaine, mais aussi celle de la société étasunienne contemporaine dans sa globalité » (Goldfield, 2020).

Pour ce colloque, nous proposons trois angles d’approche : l’interaction entre race, classe et capital; la dimension spatiale de ces interactions ; les causes et la persistance du racisme aux États-Unis. Ces interrogations nécessitent une réflexion épistémologique sur les divers paradigmes explicatifs employés par les historien.nes, les sociologues, les politistes, ou les spécialistes d’études culturelles, dont les usages et les conclusions diffèrent.

Les présentations pourront aborder les thématiques suivantes :

● Les interactions, articulations et imbrications entre classe, race et capital et leurs enjeux: l’articulation entre mouvements syndicaux, sociaux et évolutions politiques ou législatives, aux échelles fédérales et locales ; la manière dont ces mouvements ont très souvent occulté la question du genre et ignoré les revendications féministes.

● Mobilisations, militantisme, résistances, aussi bien du point de vue historique que sociologique : on pourra s’intéresser aux mouvements organisés et structurés comme aux formes plus diffuses ou informelles, voire infrapolitiques, de résistance ou de rébellion.

● L’influence des paradigmes épistémologiques utilisés pour comprendre la signification du facteur racial et leurs limites et l’heuristique de la causalité : approches matérialistes ; analyses intersectionnelles, socioculturelles ; ségrégation, déségrégation, re-ségrégation, entre autres questionnements.

● (Re)définir / (Re)penser le Sud comme construction économique, politique, sociale, géoculturelle et comme objet d’étude heuristique.

● L’analyse contrefactuelle au service d’une histoire contemporaine des États-Unis. Les interprétations contrefactuelles (et leur légitimité scientifique) soulèvent des débats intéressants entre historien‧nes sur ce qui aurait pu se passer et peut-être aussi sur ce que les acteurs envisageaient comme étant possible à l’époque. Elles peuvent également servir de base à une réflexion portant sur des stratégies politiques dans le contexte contemporain (par exemple la syndicalisation des travailleurs d’Amazon), puisqu’une partie considérable de l’œuvre de Michael Goldfield tend dans cette direction.

Goldfield M., 2020, The Southern Key: Class, Race, and Radicalism in the 1930s and 1940s, Oxford, Oxford University Press.

Goldfield M., 1997, The Color of Politics: Race and the Mainsprings of American Politics,New York, The New Press.

Griffin L.J. et Korstad R.R., 1995, « Class as Race and Gender: Making and Breaking a Labor Union in the Jim Crow South », Social Science History, 19, 4, p. 425‑454.

Kirby J.T., 1983, « The Southern Exodus, 1910-1960: A Primer for Historians », The Journal of Southern History, 49, 4, p. 585.

Korstad R., 2008, « Civil Rights Unionism and the Black Freedom Struggle », American Communist History, 7, 2, p. 255‑258.

Korstad R. et N. Lichtenstein, 1988, « Opportunities Found and Lost: Labor, Radicals, and the Early Civil Rights Movement », The Journal of American History, 75, 3, p. 786‑811.

Odum H.W., 1936, Southern regions of the United States, by Howarp W. Odum, for the Southern regional committee of the Social science research council, Chapel Hill, The University of North Carolina Press.

Procédure de soumission :

Les propositions de communication feront jusqu’à 500 mots et seront accompagnées d’une notice biographique. Les communications seront en français ou en anglais. Les propositions seront adressées à Donna Kesselman (dkessel11@gmail.com) et James Cohen (

Organizing Committee:

Kalilou Barry, Doctorant en Civilisation américaine, Université Paris-Est Créteil

Lyais Ben Youssef, Doctorant en Civilisation américaine, Université Paris-Est Créteil

James Cohen, Professeur, Sorbonne Nouvelle

Esther Cyna, Docteure en histoire et Civilisation américaine, Sorbonne Nouvelle-Columbia

Hélène Le Dantec-Lowry, Professeure émérite, Sorbonne Nouvelle

Mathieu Hocquelet, Chercheur en Sociologie du Travail, Céreq

Donna Kesselman, Professeure, Université Paris-Est Créteil

Olivier Maheo, Post-doctorant, UPL, Institut d’Histoire du Temps Présent, CNRS-Paris 8

Guillaume Marche, Professeur, Université Paris-Est Créteil

Cody Melcher, Assistant Professor of Sociology, Loyola University

Marie Ménard, Doctorant en Civilisation américaine, Université Paris-Est Créteil

Scientific Committee:

Mathieu Bonzom, Maître de Conférences en anglais/études nord-américaines, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Audrey Célestine, Maîtresse de Conférences, Université de Lille

Cécile Coquet-Mokoko, Professeure de Civilisation des Etats-Unis, Université Versailles-St Quentin

Elizabeth Faue, Professor of History, Wayne State University

Rosemary Feurer, Associate Professor of History, Northern Illinois University

Errol A. Henderson, PhD, Associate Professor, Department of Political Science, Pennsylvania State University

Ambre Ivol, Maîtresse de Conférences en Civilisation des États-Unis, Université de Nantes

Emilien Julliard, Enseignant-Chercheur en sociologie, Institut du Travail de Strasbourg

Nelson Lichtenstein, Research Professor, Department of History, UC Santa Barbara

Hélène Quanquin, Professeure de Civilisation des États-Unis, Université de Lille

Caroline Rolland-Diamond, Professeure d’histoire des Etats-Unis, Université Paris Nanterre

Anne Stefani, Professeure en histoire et civilisation américaines, Université Toulouse-Jean Jaurès

Jean-Christian Vinel, Maître de Conférences HDR, Histoire américaine, Université de Paris

Karel Yon, Chargé de Recherche en Sociologie, CNRS/Université Paris Nanterre

Donna Kesselman

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